Chronique de la cancel culture : un village de Mayenne démolit son église

La Baconnière

Pour qui sonne le glas ? La scène est saisissante. Sur la place de l’église, ce lundi 31 juillet à midi, heure de l’angélus, deux cents personnes, sur les deux mille âmes que compte la commune de La Baconnière, sont rassemblées. Elles écoutent dans un silence de mort le clocher de l’église Saint-Corneille et Saint-Cyprien sonner lugubrement sa propre sépulture. Le ciel, comme au diapason, est plombé et pluvieux. Enfin s'approche une grue, qui décapite le clocher. Le reste suivra rapidement. Il suffira, dit-on, d’une semaine pour faire de cette église un tas de gravas. Les badauds filment avec leur téléphone, sans même penser à protester. De leur patelin, cette église représentait pourtant le seul élément architectural saillant, au propre comme au figuré. Celui que l’on voyait à des kilomètres à la ronde. Rien ne pourra le remplacer, car la directrice du conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de la Mayenne a été formelle, lors d’une réunion publique, le 3 juillet dernier : « La zone du tissu urbain ancien est classé UI, ce qui signifie qu’on ne peut pas dépasser la hauteur de 14 m de faîtage futur. » C'est triste à pleurer.

La faute à qui ?

Au grutier qui, le premier, a fait vaciller le clocher ? Les bâtisseurs de cathédrales faisaient monter vers le ciel des flèches infinies. Voici venir les débâtisseurs. Comment lui en vouloir, puisqu'il n'est qu'un exécutant ? Mais tellement symbolique de notre temps.

Au maire de La Baconnière ? En 2023, David Besneux a fait voter la « déconstruction » - qu’en termes galants ces choses-là sont dites - malgré la protestation de quelques habitants, de l'association Mayenne protège ton patrimoine, de l'association ASP La Baco, du parti Reconquête en Mayenne, et surtout en dépit de la décision prise par la précédente équipe municipale de conserver l’église en l’intégrant au programme de rénovation du centre-bourg. Mais le nouveau maire s’y refuse : il aurait fallu 1,4 million d'euros pour préserver le clocher, 6 millions pour rénover complètement l’édifice. Et une simple mise en sécurité ? Elle aurait exigé 400.000 euros quand le coût de la déconstruction est de 100.000 euros, argue l’édile pour lequel « avoir un lieu de culte n’est pas obligatoire ». Seuls le chemin de croix, les vitraux et les cloches ont été déposés et échapperont à la destruction.

Aux maires d'avant, divers et variés, qui durant quarante ans se sont rendus coupables de « non-gérance du bâtiment », comme le dénonce Pierre d’Herbais, responsable départemental Reconquête en Mayenne ? Il en tient pour preuve des comptes rendus du conseil municipal qu'il a pu consulter. En 2014, faute d’entretien, la structure a été jugée dangereuse et l'édifice a fermé ses portes. En 2019, la tempête Miguel a arraché la toiture et signé l'arrêt de mort de l’église. Dont tout le monde, somme toute, se fichait.

À l’État, qui par deux fois s’est emparé de ces biens religieux - en 1789 puis en 1905 - et qui, ce faisant, s’est engagé contractuellement à les entretenir ? Où est-il, aujourd’hui ? On se souvient de la sortie tonitruante de l’ancien ministre de la Culture Roselyne Bachelot sur le plateau de France 5 : il va « falloir choisir » [] « il y a un patrimoine cultuel du XIXe siècle qui n’a pas un grand intérêt » [] « on ne pourra pas demander à l’État » [] « il faut que l’État et les collectivités publiques se recentrent sur un patrimoine notoire ». Mais qu’est-ce, au juste, qu’un « patrimoine notoire » ? Entre acquérir des « chefs-d’œuvre » d’art contemporain pour ronds-points moches et entretenir l’église qui constitue la curiosité historique de la plupart des villages français, que faut-il choisir ? Faute de clochers et de donjons, la France périphérique est-elle condamnée à avoir pour tout horizon un bouquet d’éoliennes ? Sur un budget de plus de 10 milliards, le ministère de la Culture n’en alloue qu’un seul au patrimoine. Un autre est dévolu à la « création » et 4 milliards sont consacrés… à l’audiovisuel public. « Il va falloir choisir », chiche ! Si on inversait les priorités ? Et dans tous les domaines : le coût des émeutes de juillet est évalué entre 650 millions et un milliard. On trouve en haut lieu de l’argent public pour reconstruire des infrastructures modernes que des émeutiers ont détruites et détruiront encore, mais les caisses sont vides quand il s'agit d'entretenir nos églises ?

À l’évêque, qui a donné son accord « en bonne intelligence », comme on peut le lire dans Ouest-France, faisant peu de cas de la ferveur et des deniers des paroissiens passés ?

Aux habitants de La Baconnière, comme pétrifiés ? Ce patrimoine collectif les laisse-t-il indifférents ? Au mépris de leurs ascendants et descendants, s’en pensent-ils seuls propriétaires ? Ils ne fréquentaient de toute façon guère plus leur église. Au contraire de leurs anciens. Car si l’édifice démoli datait de la fin du XIXe, l’origine en était bien plus ancienne. À la même place se trouvait, jadis, une première église - portant le même nom - édifiée, elle, au XVIIe. C’est parce que cette première église était devenue trop exiguë qu’une nouvelle bâtisse avait vu le jour. C’est parce que cette dernière est désertée par les fidèles depuis quarante ans qu’elle disparaît. Pour Pierre d’Herbais, le sujet dépasse largement La Baconnière et touche la Mayenne tout entière. Non loin de là, l’église du Genest-Saint-Isle a été détruite en février dernier, après une décision expéditive. Rappelons qu'à la fin du XIXe siècle, après les apparitions de la Vierge de Pontmain - réputée avoir repoussé l’invasion des Prussiens aux portes de Laval -, la Mayenne a connu un immense regain de ferveur, faisant fleurir chapelles, églises et oratoires. Combien, jugés sans « grand intérêt » à l’aune des critères de Roselyne Bachelot, sont aujourd’hui en sursis ?

La faute à qui ? À nous tous, qui sommes résignés. À partir de combien d’églises détruites, profanées, incendiées les Français y verront-ils un signe des temps inquiétant ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 04/08/2023 à 10:24.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

69 commentaires

  1. Les nouvelles églises s’appelles GAFAM, hypermarchés, voitures électriques, thermiques, compagnies low cost, consommation… Moi, Je. Moi, Personnellement. La bourse a remplacé la messe et la bourse est dite. Des églises sans foi, c’est un pays sans lois.

  2. A qui veut régénérer une société en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. (Pape Léon XIII)

  3. Avec tout l’argent gaspillé pour les migrants nous pourrions réparer nos églises .
    J’en ai marre de voir ça et en plus beaucoup de migrants nous détestent ils viennent pour vivre aux frais des Français ils ont pas envie de travailler et nous avons pas de travail il faut le garder pour les Français .

  4. Très bon texte ; cet acharnement à détruire nos églises est effectivement triste à pleurer et profondément révoltant ; la déchristianisation se poursuit de plus belle , sinon dans l ‘ indifférence générale mais aussi avec la complicité d’ un grand nombre , malheureusement pour nous ; pourtant , l ‘ argent ne semble pas manquer , à en juger par le gaspillage mais sans doute préfère t on le garder pour la construction des mosquées .

  5. Apres la destruction de 39 menhirs à Carnac pour construire un Mr Bricolage, voila maintenant que l’on détruit des églises sous prétexte de hauteur limite. Tous ces élus et leurs actes scandaleux sont une honte pour la France et son patrimoine historique.
    Ce pays me désespère de plus en plus.

  6. Voilà, ces gens de la libre pensée n’ont même plus à se mobiliser. On fait le travail pour eux ! Croyant ou non, pratiquant ou non, les Eglises sont des monuments qui symbolisent nos racines et notre passé. Or, convenez avec moi, que pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où on vient…Le malheur dans ce pays, c’est que l’on ne sait plus d’où on vient, et nos politiciens les premiers. Pas étonnant que, par conséquent, ils ne sachent eux mêmes pas où il vont…

  7. j’ai honte pour la France qui n’est plus la fille aînée de l’Eglise, pour les derniers catholiques de France; nous sommes en train de trahir nos ancêtres, nos prédécesseurs qui ont payé chèrement pour cette églises mais aussi pour nos successeurs, nos enfants qui perdront leur point de repère fondamental
    France réveille-toi

  8. Ce qui me sidère, c’est la passivité des Français qui regardent la destruction de leur patrimoine avec résignation. Pauvre France !

  9. Le reflet de ce qui attend la France !! Sa destruction après des siècles !!! Et pourquoi pas une mosquée à la place ??? Je suis content d’être vieux et de ne pas voir la suite !! C’est triste à dire .

    • Driss Ghali l’a suggéré à mots plus ou moins couverts, dans une émission de TVL, mais apparemment personne ne s’en est rendu compte. Il a parlé de mosquées qui devraient être construites dans le modèle de l’architecture française, ressembler à nos églises et se trouver au milieu des villes…quoi de plus clair, d’autant plus qu’à un autre moment de l’entretien il disait ne pas croire à un renouveau du catholicisme.

  10. Eh oui les petits villages vont voir leurs églises disparaître et à la place des éoliennes se bâtissent avec nos impôts . Les bâtiments de France sont exigeants pour refaire a l’identique lorsque parfois il suffirait de réparer la toiture avec une nacelle sans pour autant mettre un échafaudage. J’ai une voisine qui veut refaire sa toiture pas de chance il n’y a pas de tuiles disponibles. Les coût de fabrication ont explosé avec l’énergie. Merci aux écologistes (Voynet) d’avoir arrêté super phoenix sous Chirac merci Holland et Macron d’avoir démantelé notre réseau d’énergie nucléaire. La France part en lambeaux notre industrie et Agriculture ont alimenté un état toujours plus gourmands en impôts. Seul Reconquête était aux premières loges pour voir cette déconstruction qu’elle soit matérielle et morale . L’on dit les français versatiles mais les élites le sont bien plus !!!

  11. Détruire une église c’est détruire notre passé. Un passé qui devrait nous inciter à nettoyer notre présent.

  12. J’ai vécu cette situation il y a trois ans. A Asnan dans la Nièvre, l’église a été abattue, première destruction de ce type dans le département. C’était le résultat d’un vote de 5 conseillers municipaux qui en quinze minutes un soir ont voté la mort du monument. C’était le résultat de l’incurie d’élus qui ne firent aucune vraie démarche pour trouver les fonds qui existaient à l’époque. En dépit d’une ouverture du conseil régional et de l’appui de conseillers RN, la municipalité a laissé faire. Aujourd’hui on ne voit plus le village ce n’est plus qu’un hameau que l’on ne distingue pas de la grand route.

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