[Chronique] Delors : quel héritage ?

Jacques Delors s’est éteint à l’âge respectable de 98 ans. Quel héritage politique aura laissé ce « catho de gauche », proche de Jacques Chaban-Delmas puis de François Mitterrand ? Sans doute pas celui du ministre de l’Économie et des Finances de Pierre Mauroy qui passa de la politique de « rupture » du début du premier septennat de Mitterrand, avec les absurdes nationalisations de l’industrie française, à la politique de rigueur des années 1983.
Plus certainement celui du président de la Commission européenne de 1985 à 1995. Il fut un artisan déterminé de la construction d’un État européen au détriment des souverainetés nationales, et souvent au détriment des intérêts économiques français sacrifiés au nom du « couple franco-allemand ». On ne peut lui dénier une certaine efficacité dans la mise en œuvre du projet imaginé par Jean Monnet. Il fut à l’évidence un bon serviteur de « la construction européenne » vue comme entité étatique supranationale. Mais comme « on ne peut servir deux maîtres à la fois », ce fut contre la France en tant que nation pleinement souveraine.
Les spécialistes de l’histoire de l’Union européenne se plaisent à distinguer des périodes dans le processus dit d’intégration européenne. La première est celle de la Cour de justice de l’Union européenne, avec la construction jurisprudentielle de la primauté du droit européen sur les droits nationaux, absolument essentielle dans l’optique de la substitution de souveraineté au profit de l’UE. La deuxième, celle de la Commission, avec les dix années de présidence Delors.
Il est vrai que c’est avec sa présidence que s’affirme la dérive institutionnelle qui voit le président de la Commission apparaître comme un chef de gouvernement dans les sommets internationaux. C’est aussi durant sa présidence que se multiplient les accords et traités qui tendent à transformer les communautés européennes en ensemble étatique : accord de Schengen abolissant les frontières internes de l’UE (1985), Acte unique européen créant « le grand marché unique » (1986), traité de Maastricht en 1992 qui crée la monnaie unique et dépouille les États de leur souveraineté monétaire.
Jacques Delors s’était beaucoup investi durant la campagne sur le référendum de Maastricht, n’hésitant pas à affirmer : « L’euro nous apportera la paix, la prospérité, la compétitivité et, rien que pour la France, il se traduira par la création d’un million d’emplois. » Une forme de publicité mensongère, lorsque l’on constate la désindustrialisation de l’Europe, l’expansion commerciale chinoise, l’appauvrissement de la société et le déclassement de la classe moyenne dans nombre de pays européens. Quant à la paix... Si une monnaie pouvait assurer la paix, il semble que cela se saurait. La réalité est que la guerre est à nos portes.
Cet homme de gauche a été un artisan déterminé de la dérégulation financière au nom de la fluidité du marché, et c’est sous son impulsion qu’a été adoptée la directive 88/361/CEE qui pose le « principe de la libération complète des mouvements de capitaux » (EUR-Lex, libéralisation des capitaux). Son « traité préféré » était l’acte unique qui fonda la grand marché unique, « veau d’or » de l’Union européenne au nom duquel s’abattit une avalanche de directives d’uniformisation des normes et règles relatives aux produits au nom de la fluidité du marché. Alors que, dans le même temps, les accords commerciaux négociés par la Commission ouvraient l’espace européen à la concurrence mondiale avec un zèle libre-échangiste d’une naïveté confondante.
Comme par scrupule compensatoire, la période Delors fut aussi celle des grandes directives sociales, souvent redondantes avec les législations nationales, et de la création du programme Erasmus pour favoriser les échanges étudiants entre universités européennes.
Pour conclure et bien éclairer quel système a installé Jacques Delors en Europe, laissons-lui la parole : « L’Europe est une construction à allure technocratique et progressant sous l’égide d’une sorte de despotisme doux et éclairé » (Strasbourg, 7/12/1999). Concédons lui sans peine le caractère technocratique, mais le despotisme n’est ni doux ni éclairé, comme le montrent les mesures de rétorsions prises contre les États qui refusent de perdre leur liberté d’action sur des questions vitales ou sociétales. Oui, Jacques Delors fut un acteur zélé de la construction d’un État impérial européen sur les ruines de notre liberté et de notre démocratie.
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26 commentaires
Que pouvait on attendre de bon de cet homme qui fût le digne héritier de JEAN MONNET défenseur d’une Europe supra nationale vassalisée par les Etats-Unis ?
Maintenant qu’il est mort, c’est à lui de rendre des comptes….
Son héritage ? 3000 milliards de dettes ! Nationalisations ruineuses de 81 et 82 ! 3 dévaluations du Franc en seulement 18 mois ! Chapeau l’artiste !
Grand technocrate Européiste …bof ..
Artisan utopiste de l’utopie d’une Europe , surtout une Europe fédérale à l’allemande ,J.Delors a pourtant lui même exprimé sa surprise de l’Europe actuelle qui ne correspond pas et plus à l’idée qu’il s’en faisait et dont on commence à bien mesurer les effets néfastes au quotidien ,qui laisse craindre le pire à court terme ; qu’une Europe des nations soit tentée ,pourquoi pas ,encore faudrait-il que les auto proclamés élites réfléchissent et découvrent qu’ils sont manipulés , larbins et victimes avant et avec nous des progressistes mondialistes ayant reçu le renfort woke mais c’est quasi impossible tant ils sont endoctrinés ,imbus d’eux mêmes et sûrs de ne pas avoir et jamais avoir de soucis matériel , d’ailleurs ils s’en foutent les gueux paieront toujours quoi qu’il arrive .
J’aimerais que quelqu’un me montre un homme politique de gauche qui n’est pas un menteur; ou un pro-européen qui ne l’était pas. Je pense que l’entreprise est ardue et vouée à l’échec. Et à l’égard des hommes politiques qui se disent catholiques de gauche, ma méfiance est encore plus grande, si possible.
Quelle déception en lisant votre article. Vous parlez d’héritage « politique », ça nous le connaissons, je pensais que vous alliez nous parler de son héritage tout court de ce personnage dont la fortune avait été déjà évoquée il y a environ deux décennies à faire palir l’oncle picsous !
Comme les « pères » fondateurs de l’Europe institutionnelle , il est un fossoyeurs des Etats européen , formatés , éduqués , dressés , par leur maitre l’Empire américain.
Ils sont tous à l’encenser – « père de l’Europe » tralala – mais e qui compte est ce qu’ils en ont fait maintenant: une horreur totalitaire, néfaste aux Européens.
Exact,ces « successeurs » deviennent fous!!!
Idéologue fanatique, et donc aveugle aux souffrances de la France, tout entier au service d’une utopie destructrice et criminelle. Il m’inspire une idée crue, exprimée par Boris Vian : J’irai cracher sur sa tombe.
Entièrement d’accord !
Paix à son âme, mais cette europe pourrie jusqu’à la moelle nous TUE (‘nous l’avions refusée POURTANT mais un hongrois à leur solde en à fait fi ,leur euro véreux juteux pour qui vend et baisant pour qui achète nous ruine .de plus lui ,madame veils et le badinter ,nous ont achevés ,leurs doctrines de faux socialos sont à mettre à la raison de notre décadence ,insécurité libre sexe et ruine.et 3300 milliards de DETTES.
Et impossible de sortir de l’Europe à cause de l’euro, dans le cas contraire, nous serions pire que la Grèce ! Hors de question de rendre hommage à ce traitre !
Impossible????tiens donc?et les Anglais eux ont bien fait d’en sortir!!!!!a court terme nous les avons pris « pour des crétins »mais voila,a long terme,ils auront certainement plus de chances »de survivre que nous autres Français qui sommes a la botte d un individu,et de ses maitres,bref les Anglais ont eu bien raison,le jour ,ou ils auront decidé Ce Sera Leur Décision et pas celle d’énarques et autres pompeux non élus ,dictant la façon dont nous devrions agir!!:!!
Un héritage dont on se passerait bien. A commencer par Martine Aubry. Quant à l’UE c’est un désastre.
Complice de Mitterand il aura participé au déclin de ce pays , ouvert la porte à toutes les dérives et nous en payons le prix fort aujourd’hui ..
Leur seul héritage à lui et sa fille , la destruction du monde du travail et de la souveraineté de la France
Ne vous en faite pas pour l’héritage (filial) de Martine ! Hallucinant
M. Delors avait déclaré il y a quelque temps que « cette Europe manque d’âme ». J’approuve ce propos. Pour moi, elle est avant tout techno, avec certains décideurs non-élus , et surtout, surtout… surplombe les Nations dans ce qui devrait être de leurs prérogatives.