[Chronique] État de droit : Retailleau a raison

Cette dénaturation de la notion d’État de droit est une machine de guerre contre les choix démocratiques des peuples.
Capture d'écran LCP
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Bruno Retailleau a provoqué l’inévitable chœur des pleureuses de la gauche bien-pensante et des libéraux-libertaires en énonçant une évidence : l'État de droit n’est « ni intangible, ni sacré ». Le ministre de l’intérieur a ensuite précisé sa pensée en des termes juridiquement imparables : « C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain » (JDD, 29 septembre). Cent soixante-dix parlementaires ont lancé un appel de soutien au Vendéen, qui faisait face à un hypocrite mouvement d’indignation.

Il est patent que depuis quelques années, nous assistons à une dérive de la notion d’État de droit, organisée par les idéologues du camp prétendument progressiste. Il s’agit de « fossiliser » le corpus idéologique des lois ou directives adoptées par une majorité transitoire de gauche ou libérale. La Commission européenne avait même tenté d’imposer « un État de droit économique » qui aurait interdit aux États membres de contester la politique des échanges mondialistes et libre-échangiste. Bien entendu, cette tentative de rendre intangible un état donné de la législation s’étend aux questions migratoires ou à celles dites « de société ».

Selon la théorie classique de l'État de droit, celui-ci repose sur quatre piliers fondamentaux : le respect de la hiérarchie des normes, l’égalité des citoyens devant la loi, la mise en place de la séparation des pouvoirs, le respect de la dignité de la personne humaine. Ce concept d’État de droit avait été théorisé par Hans Kelsen, juriste tchèque, au début du XXe siècle selon la formule suivante : « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. »

L’Ancien Régime connaissait un État de droit ; le souverain devait en effet se conformer aux lois fondamentales du royaume et au principe de catholicité. On voit bien que l'État de droit a évolué dans le temps. Il existait un État de droit soviétique et un État de droit national-socialiste qui étaient soigneusement mis en œuvre par les juridictions de l’époque dans les pays soumis à ces idéologies.

En fait, la gauche et les libéraux confondent volontairement la notion de l’État de droit avec l’état du droit à un moment donné. Ils veulent imposer « l’effet cliquet » général pour empêcher de revenir sur les législations qu’ils ont pu faire voter lorsqu’ils détenaient le pouvoir, quand bien même le peuple les avait désavouées par la suite. La manœuvre est un peu grossière, mais amplifiée par la caste médiatique, voire soutenue par certaines juridictions, elle a pu impressionner certains.

La Commission européenne en use et en abuse à l’encontre des États membres dont les gouvernements ne partagent pas ses vues idéologiques supranationales et libertaires. La Pologne et la Hongrie en ont fait les frais. Ainsi, modifier l’âge de la retraite des magistrats en Pologne a été considéré contraire à l’État de droit. Notons que l’âge de la retraite a été modifié à de nombreuses reprises, en France, sans attirer les foudres de ladite Commission. Ou encore faire figurer un avertissement sur les livres pour enfants qui mettent en scène des couples « ne correspondant pas au rôle traditionnel des femmes et des hommes dans la famille » en Hongrie a été considéré comme une épouvantable atteinte à l’État de droit par la Commission et, malheureusement, par la France macroniste qui s’est jointe à l’action européenne.

En fait, cette dénaturation de la notion d’État de droit est une machine de guerre contre les choix démocratiques des peuples. Au demeurant, les textes européens ont remplacé le terme « démocratie » par « principes démocratiques », lesquels seraient autre chose que le vote. Chacun se souvient de la déclaration de Juncker selon laquelle « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » (Figaro, janvier 2015).

La question soulève aussi celle du gouvernement des juges. Il ne faut jamais oublier que Montesquieu était lui-même magistrat et « qu’il prêchait pour sa paroisse » en théorisant sur le pouvoir judiciaire qui, de fait, a bloqué toutes les tentatives de réforme de la fin de l’Ancien Régime. Mitterrand s’était laissé aller à dire : « Méfiez-vous des juges : ils ont tué la monarchie, ils tueront la république. » Sacraliser l’état du droit, substitué à l’État de droit, c’est euthanasier la démocratie au nom des « grands principes ». Une vieille tradition de la gauche française depuis les Jacobins.

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

37 commentaires

  1. En dictature c’est « Fais ce que l’on te dit, tu réfléchiras plus tard » en démocratie c’est « Cause toujours, tu m’intéresse ». En tout cas il es de plus en plus urgent et incontournable, de quitter ce guêpier- panier de crabes qu’est ce système européen sauf pour un seul sujet : La liberté des échanges commerciaux.

  2. Pourquoi, dans un état de droit, lorsque je dépasse de 3 km/heure la vitesse autorisée je suis verbalisée, je suis obligé de payer, sans aucun recours possible ? Pourquoi, dans d’autres cas d’actes réellement barbares, on cherche et on recherche des circonstances atténuantes ? Pourquoi dans ces cas où la vie des citoyens innocents est en danger, est-il possible de faire recours sur recours et tout ça avec l’argent du contribuable victime, à coups d’aides juridictionnelles, d’hébergements, de prise en charge, de soins, etc., sans limite.

  3. Au demeurant dans les vraies Facultés de droit on n’écrit pas ‘’État de droit » ce qui implique l’État qui est la personne morale représentative de la Nation, mais  »état de droit » (avec  »é » et pas  »É » ) ce qui désigne la situation juridique et morale où l’État (et les administrations), et les juges (assermentés pour cela) appliquent scrupuleusement (sans idéologie; copinage ou corruption) les lois votées par un parlement démocratique.

  4. Non, Bruneau Retailleau a bien commis une faute sémantique ; l’État de droit en une notion juridique qui ne souffre d’aucune ambiguïté.
    L’État de droit est un concept juridique, philosophique et politique qui suppose la prééminence, dans un État, du droit sur le pouvoir politique, ainsi que le respect par chacun, gouvernants et gouvernés, de la loi.
    Il aurait dû non pas rétropédaler, comme ont dit, mais simplement admettre qu’il pensait « état du droit », et qu’il s’est donc mal exprimé.
    Pour le reste, il est évident qu’il nous faut maintenant affronter clairement tous les dispositifs juridiques qui entravent notre action politique, que ce soit aux plan national ou européen.

  5. Bien sûr qu’il a raison et encore il mesure ses mots, c’est pire que cela, l’état de droit sans les devoirs n’est que la captation mafieuse et criminelle des droits du peuple lui-même. Mais espérons que le ministre de l’intérieur reste lui-aussi « droit dans ses bottes » et arrive à contrer attaques sournoises d’un président sans devoirs et d’une assemblée sans avenir.

  6. L’Etat de Droit repose sur ce principe que les juges et magistrats soient des surhommes, dotés de qualités de probité méritant leur béatification, si ne n’est leur canonisation. Mais hélas ce ne sont que des hommes, et pas forcément les meilleurs d’entre nous, à les juger, à leur tour, sur leurs actes. A quand une Justice de la Justice, qui les sanctionne.

  7. Bruno Retailleau est un chien de garde au milieu d’un jeu de quilles. Il a absolument raison car ses propos sont totalement logiques. Mais entouré de pantins politique il aura les pied et les poings liés. L’état de droit dénaturé est devenu l’accessoire de la chienlit.

  8. Bien sûr qu’il faut modifier l’état du droit à la délinquance. Des lois si favorables aux délinquants qu’on croirait qu’ils les ont écrites eux mêmes.

  9. « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » « les traités, voyer-vous sont comme les jeunes filles et les roses, ça ne dure ce que ça dure » (C de Gaulle). À quand l’explosion de cette UE qui nous a été imposée (par magouilles) par nos propres dirigeants, traitres à leur pays (1992 Maastrich Mitterand, 2005 référendum Sarkozy…)

  10. Tiens, tiens, par quel miracle Hans Kelsen, né en 1881 à Prague en Autriche-Hongrie est devenu tchèque.

  11. Évangile selon saint Marc 2, 23-28
    « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat » Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé ; et ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. Les pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Cela n’est pas permis. » Et Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? Au temps du grand prêtre Abiatar, il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de l’offrande que nul n’a le droit de manger, sinon les prêtres, et il en donna aussi à ceux qui l’accompagnaient. »
    Il leur disait encore : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. »
    Il doit en être de même pour les français en France. La loi doit s’adapter aux évènements et être faite avec une vue à long terme. Il est temps de clarifier la situation avec les pays que nous avons libéré, enrichie et fait évoluer. L’Algérie, création de la France, en est un bon exemple.

  12. On a beau ne pas en croire un mot,on peut se réjouir que ces sujets soient enfin remis sur la table par M retailleau..même si c’est 50 ans après Jean marie lepen et 5 ans après m.Zemmour dont la sincérité ne peut être contestee..

    • N’oublions pas, qu’en 44, cette administration n’a pas été purgée (ou si peu). Le juge condamnait un homme pour résistance un jour et, le lendemain, condamnait, un autre pour collaboration … Le juge, lui, passait entre les gouttes.
      Alors, la purge du monde de la magistrature ce n’est pas pour demain. Qui aura la possibilité de créer un tribunal qui jugera les juges ? Jugement par référendum ?

      • Espérons que le peuple se réveillera et fera payer très chèrement à ces juges rouges. Voir les parles de Brassens dans gare au gorille,

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