[Chronique] Gabriel, l’anti-Jordan !

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Macron nous refait le coup de Mitterrand avec Fabius : « le jeune Premier ministre que j’ai donné à la France ». Mais en politique comme dans la vie, l’âge ne constitue pas un critère de bien ou de mal. Certes, Jeanne d’Arc avait 17 ans quand elle rencontra Charles VII à Chinon, le duc d’Enghien 21 ans quand il remporta la bataille de Rocroi. Mais Churchill avait 66 ans quand il résista seul contre tous à l’Allemagne nazie victorieuse, alliée à l’Union soviétique, et de Gaulle 68 ans quand il fonda la Ve République. Saint-Just, l’Archange exterminateur de la Révolution, mourut à 26 ans sous la guillotine qu’il avait tant aimée pour les autres, et le maréchal Pétain avait 84 ans quand il fut appelé au pouvoir par une IIIe République aux abois. L’âge ne dit rien. Les actes tout.

Gabriel Attal s’exprime bien, maîtrise la communication et sait l’orienter en fonction de l’état de l’opinion. Son propos lors de la passation des pouvoirs - considération pour la classe moyenne, hommage à l’autorité et à l’ordre public – penchait à droite. Méfions-nous. Il vient de la gauche, version caviar, militait pour Strauss-Kahn et fréquente le club Bilderberg. Le jeune homme est l’archétype de l’oligarchie. Mirabeau disait : « Les Français sont comme les lapins, on les attrape par les oreilles. » Tâchons de ne pas ressembler à l’aimable rongeur.

Beaucoup ont souligné les différences d’origine et de formation entre Gabriel Attal et Jordan Bardella. Elles sautent aux yeux, certes, et sont symboliques mais disent peu sur le fond. L’important est le sens du devoir, du bien commun, le respect des Français et l’amour de la France.

À l’évidence, l’angoisse de l’exécutif est que la liste du RN remporte un succès éclatant aux élections européennes. Choisir un Premier ministre jeune pour contrer un président du RN jeune et talentueux est une manœuvre tactique qui peut s’avérer dangereuse pour le chef du gouvernement s’il s’implique dans une campagne à l’issue incertaine.

Il se trouve que la politique est une chose sérieuse. Contrairement à l’opinion de beaucoup, y compris de certains politiciens. Lors de la passation des pouvoirs entre Mme Borne et M. Attal, la première a évoqué la souveraineté européenne, lubie macroniste, et le second la souveraineté nationale et européenne, improbable cocktail. Cette question sera un enjeu essentiel des prochaines élections européennes. Et l’antagonisme est profond entre le RN et Renaissance.

Il existe une dynamique juridique et institutionnelle dans la succession des traités européens. C’est une erreur ou une tromperie délibérée de la sous-estimer. Cette logique imprègne « l’interprétation constructive » des traités définie par la Cour de justice de l’Union européenne. Et celle-ci a été engagée très tôt. L’arrêt Costa contre ENEL du 15 juillet 1964 en a posé les principes et vaut d’être cité : « En instituant une communauté à durée illimitée, dotée […] de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains… »

Le problème est que, traité après traité, ladite communauté, devenue Union européenne, n’a cessé d’étendre ses domaines de compétence et que ceux-ci sont d’autant moins restreints qu’en vertu de l’article 5 paragraphe 3 du traité de Lisbonne, qui institue une sorte de principe de subsidiarité inversé, elle peut encore les étendre à l’infini sous prétexte d’efficacité. La souveraineté nationale, c'est-à-dire notre liberté, n’est plus qu’un souvenir et la souveraineté européenne une illusion.

Brzeziński, dans son livre Le Grand Échiquier (Édition Pluriel 2023), fait figurer la carte de l’imperium américain. L’Union européenne y figure sous la couleur réservée aux territoires sous « domination géopolitique ». Ce qui en dit long sur la réalité de la supposée souveraineté européenne. Les États membres ont perdu des pans entiers de souveraineté, mais pour rien. L’UE impose le calibrage des pommes, des règles du marché de l’électricité radicalement contraires aux intérêts français, met à mal notre agriculture mais est à la remorque des États-Unis sur le plan militaire, technique, linguistique, culturel et économique.

Le choc entre Gabriel Attal et Jordan Bardella sera frontal. Ce sera celui du déraciné contre l’enraciné. Celui d’un État européen fantasmé contre la France charnelle. Celui du mensonge de l’idéologie contre la vérité du réel. Ce sera le moment de dévoiler aux yeux des Français la réalité du projet européen, empire mort-né, et d’y opposer celui d’une Europe au service des nations. Ce sera le combat de notre liberté.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Notre président donne à la France son poulain, adoubé comme lui par tout ce qui compte aujourd’hui dans le microcosme des mondialistes à tout prix. Cela me rappelle, toutes proportions et références gardées ,le vieux maréchal Pétain faisant don de sa personne à la France, au bord du gouffre.

  2. Jeune vieux, homme, femme ou autre ça n’a aucune importance, l’importance c’est qu’il soit capable et efficace et ça c’est loin d’être évident .

  3. Nous savons faire la différence entre paroles et actes et actuellement c’est surtout de belles paroles que nous sommes submergés !

  4. Quand on écoute le petit gabriel, on a l’impression qu’il récite une leçon alors que l’on sent chez Jordan Bardella la force et la conviction nécessaires pour entraîner l’adhésion.

  5. Le problème n’est pas ce que va faire Gabriel Attal, il fera comme ses prédécesseurs et ses successeurs (sauf en cas de cohabitation), ce que lui dira de faire la seule personne légitimée par le suffrage universel: le président de la république, qui lui décide et les autres exécutent, comme disait Chirac, pour Sarkosy. Alors toutes ces discutions de bistrot sur que va faire le nouveau ministre, voire le premier n’a aucun sens.

  6. Que le nouveau premier ministre s’occupe des défis auxquels est confronté notre pays. Mais déjà dans ses premières déclarations il distribue les milliards sans un mot sur là où il va les trouver ou là où il va les subtiliser en conséquence.
    Je sais que l’on est encore au lendemain de Noël mais la hotte est vide et ceux qui tirent le traîneau totalement exsangues. Les Français en ont assez des dirigeants qui ne dirigent que leurs ambitions,. Il est temps de redresser le pays, s’il est capable a minima d’emprunter cette voie, le peuple lui en saura gré.

  7. Est-ce bien le rôle d’un jeune 1er ministre que de faire la guerre à un parti qui a les faveurs d’au moins 40% des français ?
    N’a t’il pas mieux à faire pour tenter de sortir la France du bourbier où son maître l’a plongé avec délectation ?
    Encore une fois, je le crains, nous allons avoir droit à « paroles, paroles, paroles » et non « action, action, action »…

  8. Je suis en total désaccord avec cet article car Attal et Bardella c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Bardella a tout validé du régime macronien : le soutien inconditionnel à l’Ukraine et à Israel, le pass sanitaire, le RN ne s’oppose pas au parlement et avale les 49.3 sans voter les motions de censure.. Oui Bardella dénonce l’immigration mais vote une loi de laquelle il ne restera que la régularisation des migrants après le passage par le conseil constitutionnel et la CEDH. Gauche et droite ne veut plus rien dire (la droite au pouvoir mène des politiques plus à gauche que la gauche) . Le vrai clivage c’est souverainiste contre européiste. ; c’est à dire sortir de l’UE ou en sortir. Croire au RN c’est ça : G.K. Chesterton : “Quand les gens cessent de croire en Dieu ce n’est pas pour croire en rien, c’est pour croire en n’importe quoi.”

  9. Attal est à la manœuvre . Bardella est dans les tribunes, avec la main sur le levier du groupe RN de l’assemblée nationale. Attal, dans sa manœuvre n’a quasiment pas de marge. C’est lui qui sera responsable des échecs et McRond celui des réussites. Les coups bas vont voler de toutes parts. A Bardella de montrer l’incompétence d’Attal.

  10. Il vaut mieux arrêter d’opposer le jeunisme de droite contre le jeunisme de gauche. Ces 2 messieurs parlent bien, mais à part parler n’ont rien fait de leurs 10 doigts. On veut entendre des arguments compatibles avec les traités signés par leurs prédécesseurs et, sinon, comment ils déchireront ces chiffons de papier qui nous enchaînent.

  11. Déplacement de Gabriel Attal « au contact des français » (sous titré sur Cnews) ? n’a t-il pas encore connaissance des problèmes que subissent les français au quotidien ? faut-il attendre d’être investi 1er ministre pour s’en soucier ? n’a t-il pas été dans les gouvernements successifs de Macron ? tout cette mascarade ne trompe pas la grande majorité des français (hors mis ces élus courtisans qui s’allongeraient sur le sol afin que ce micro-macron puisse ne pas se salir ses chaussures) . N’attendez pas à ce qu’il se soucie du sort des français , ses déplacements sont le signe de l’ouverture des rivalités en vu des élections européennes du 9 juin prochain, sa nomination n’est en fait que le but premier.

  12. Entre les deux le choix est vite fait . Attal a vécu dans un cocon il ne connait rien à la vie , on ne gouverne pas juste avec de belles paroles mais avec des actes et pour l’instant il n’ arien prouvé , même sa loi sur l’abaya n’est pas respecté , tout ce tapage médiatique pour rien .

  13. Tout est dit clairement là. Bravo Mr Buffetaut. Espérons que le peuple fera preuve de courage, mais je doute malheureusement, et l’expérience d’une vie me l’a démontré….

  14. Seule compte ( devrait compter ) les politiques suivies et non des concours de beauté ou des compétitions de sympathie. Pour ce faire, il faut, bien sûr que tout soit loyal ( médias, affaires qui tombent au « bon » moment , clarté etc ). Ah j’oubliai : de la vraie info’ aussi…

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