[CHRONIQUE] Jean-Michel Aphatie : vous avez dit « au bord du gaz »…

Jean-Michel Aphatie

Texte mis à jour le 11 novembre à 15 heures et à 18 h 15 (réaction de Jean-Michel Aphatie).

Dans un récent tweet, Jean-Michel Aphatie semble avoir trouvé drôle d’indiquer que Cyril Hanouna était « visiblement au bord du gaz ». À peu près du niveau de « Durafour crématoire ». Imaginons, un instant, que M. Bardella se soit permis ce genre de dérapage ; l’indignation eût été unanime.

Jean-Michel Aphatie s'en est cependant expliqué longuement, ce 9 novembre, dans un message publié sur X.


Néanmoins, ce message n'a pas convaincu tout le monde. Preuve en est la réaction de la journaliste Valérie Benaïm : « Je suis très en colère. J'en ai assez, mais vraiment, là, la coupe est pleine. J'en ai assez qu'on s'amuse à jouer avec des sous-entendus avec des mots où on met "au bord du gaz" et après, on vient dire en rétropédalant et en marchant sur une ligne de crête que l'on voit le mal partout. [...] Dès qu'il y a une personnalité juive qui a pris des positions, tout de suite, on va utiliser ça. » Maladresse ou lapsus, le contexte actuel donne une portée toute particulière à cette polémique.

En réalité, nous sommes aujourd’hui confrontés à un nouvel antisémitisme qui n’a rien à voir avec le vieil antisémitisme ranci des années trente. Il repose sur trois piliers : l’hostilité à l’égard des Juifs d’une grande partie du monde musulman, la résurgence de l’antisémitisme de gauche et le wokisme.

En Europe, ce nouvel antisémitisme décomplexé, et qui n’hésite pas à recourir à la violence comme nous venons de le constater à Amsterdam, trouve un terreau fertile dans une partie des populations arabo-musulmanes qui importe le conflit entre Israël, le Hamas et le Hezbollah sur notre continent. Et qui se nourrit des invectives contre les Juifs (et les chrétiens) contenues dans le Coran. La présence nombreuse de ces populations finit par entraver la liberté d’action de certains gouvernements européens. Chacun se souvient du refus d’Emmanuel Macron de participer à la marche contre l’antisémitisme après le 7 octobre. Cette réticence à nommer les choses est le signe de vilaine trouille de certains de nos dirigeants devant les éventuelles réactions de notre propre « rue arabe ». Terreau fertile et terrain électoral pour certains.

Antisémitisme : le retour aux sources

Une part de la gauche a renoué avec l’antisémitisme qui fut d’abord l’apanage de la gauche au XIXe siècle. Aucun antisémitisme à la cour de Louis-Philippe, pas plus qu’à celle de Napoléon III, mais, au contraire, antisémitisme virulent chez les idéologues de gauche qui dénonçaient le pouvoir du capitalisme juif. Proudhon n’hésitait pas à affirmer : « Le juif est par tempérament anti-producteur… c’est un entremetteur, toujours frauduleux et parasite. » Marx n’était pas en reste car il considérait que les Juifs avaient « pris la tête de la contre-révolution » (Gazette rhénane, 1848) et que « le dieu du Juif (l’argent) n’est qu’une traite illusoire ». Finalement, nous assistons à une sorte de retour aux sources, sans doute plus opportuniste qu’idéologique. Il y a là, en effet, une manne électorale à récupérer, et de surcroît dans une population féconde sur le plan démographique et qui pourrait représenter une force électorale non négligeable dans l’avenir. Qui sait, ouvrir la porte du pouvoir ? Dans la soumission, car les fameuses et fumeuses « valeurs de la République » seront de peu de poids face à celles de l’islam conquérant.

La vieille lune du combat entre opprimés et oppresseurs

Enfin, le wokisme, qui a fait de la lutte « décoloniale » un axe de son action militante, voit dans Israël une poursuite du colonialisme occidental qu’il convient d’éradiquer. Dans ce bricolage idéologique, les Palestiniens jouent le rôle des populations colonisées et opprimées et les Israéliens celui des colons occidentaux honnis. C’est ainsi qu’une part des petits-bourgeois gauchistes qui détestent leur Histoire et leur civilisation, et en fin de compte se détestent eux-mêmes, ont fait du combat pro-palestinien, et surtout antisémite, un cheval de bataille. C’est le retour à la vieille lune du combat entre opprimés et oppresseurs qui serait le moteur de l’Histoire, la lutte des classes revue à la sauce woke, en vérité très indigeste mais qui ne rebute pas de jeunes petits-bourgeois gavés.

Cet infâme cocktail produit un antisémitisme décomplexé qui encourage, voire justifie, la violence contre les Juifs. L’extrême gauche l’assume tranquillement, comme une partie de la caste médiatique, et peine à reconnaître le caractère terroriste du Hezbollah ou du Hamas et semble trouver excusables l’attaque du 7 octobre ou la prise d’otages, pratique habituelle des occupants nazis.

La situation de la Terre sainte est extrêmement compliquée et le développement des colonies juives en Cisjordanie n’a fait que complexifier la résolution de la question palestinienne. Mais qu’il soit permis de rappeler que la résolution 181 de l’ONU, du 29 novembre 1947, prévoyait la création d’un État juif, d’un État arabe et d’un corpus separatum pour Jérusalem, placé sous administration internationale. C’est l’attaque immédiate des États arabes qui a rendu impossible cette proposition raisonnable dans le principe et conduit, après des conflits sans cesse renouvelés, à la situation que nous connaissons.

Il est loisible à chacun de contester la politique d’Israël mais indécent de basculer dans l’antisémitisme le plus assumé. Israël fait la guerre et c’est sa survie qui est en jeu. Il est navrant de constater que des journalistes militants et des hommes politiques de gauche n’hésitent nullement à renouer avec l’antisémitisme le plus décomplexé. Avec les conséquences que l’on sait ou que l’on voit à Amsterdam comme en France.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/11/2024 à 1:17.
Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

78 commentaires

  1. Merci à M. Buffetaut d avoir parfaitement resitué les circonstances de la création de l Etat d Israel trop souvent ignorées et déformées (y compris au plus haut sommet de l Etat hélas…) S agissant d Aphatie sa piètre mise au point se garde bien d aborder le choix immonde de ses mots… Pas étonnant non?

  2. apathie concentre dans ses interventions tout ce qu on peut trouver détestable je vous l accorde . mais de là a faire un procès en antisémitisme pour une expression , je pense que c est très exagéré. sanctionnons les choses réellement faites ou dites mais ne créons pas une police de la pensée qui voudrait punir ce qu elle pense que la personne pensait.
    les condamnations , non pas pour des faits mais pour l interprétations qu on leur donne est le propre des dictatures

  3. Inutile d’en faire des tonnes,je ne partage rien avec Apathie,mais j’avoue que C. Hanouna me fatigue,du coup je ne le regarde plus ,il « adore »tout le monde et se présente comme une victime permanente avec des chroniqueurs qui volent à son secours ,c’est puéril !

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