[Chronique] La nouvelle bataille de Poitiers

Capture d'écran LCP
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Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, une fusillade a opposé des bandes rivales dans le quartier des Couronneries, à Poitiers. Cinq personnes ont été grièvement blessées, dont un adolescent de quinze ans entre la vie et la mort. À la suite de cette fusillade, des dizaines d'individus se sont affrontés, armes diverses au poing. Bruno Retailleau a dénoncé une « mexicanisation » de la société française et promis de mobiliser les forces de l’ordre, la Justice et les services fiscaux et de l’URSSAF afin de lutter sans faiblesse contre le narcotrafic, sans oublier d’alourdir les sanctions contre les consommateurs de stupéfiants qui sont, bien évidemment, les moteurs de cette délinquance. Le grand mérite du ministre de l’Intérieur est de nommer les choses et de mettre en œuvre les moyens qu’il peut aligner pour combattre le fléau. Le philosophe, bien oublié, Brice Parain écrivait : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde, car le mensonge est justement la grande misère humaine, c’est pourquoi la grande tâche humaine correspondante sera de ne pas servir le mensonge. »

Or, la situation que nous connaissons aujourd’hui à Poitiers, à Rennes, à Maurepas et jusque dans nos campagnes - c’est un élu rural qui l'écrit - n’est pas le fruit du hasard mais de la complaisance, du déni et de la faiblesse.

Complaisance, d’abord. Lorsque je siégeais au Parlement européen, j’avais rédigé un rapport intitulé « Une Europe sans drogue ». Je m’étais alors heurté aux sarcasmes de la gauche de l’Hémicycle, et notamment de Daniel Cohn-Bendit. Réclamer une Europe sans drogue revenait à souhaiter une Europe sans crimes, sans violence, etc. C’était donc aussi illusoire que ridicule. Et, de fait, il était et il est encore de bon ton, pour une certaine gauche et certains milieux friqués, de minimiser l’usage de stupéfiants. Le cas récent du député LFI Andy Kerbrat, pris en flagrant délit d’achat de drogue auprès d’un dealer de rue, a quelque chose de tristement symbolique de cette complaisance fondamentalement idéologique.

Déni, ensuite. Pour avoir présidé pendant plusieurs années des organismes de logement social, j’ai bien évidemment été confronté à la problématique du trafic de drogue et des points de deal dans les halls d’immeubles, qui pourrissaient la vie des résidents qui se voyaient soumis à « des contrôles d’identité » de la part des dealers ! Les représentants de locataires venaient s’en plaindre auprès de moi et me racontaient leur parcours du combattant pour tenter de faire intervenir les pouvoirs publics : lettres au maire, au commissaire de police, au député, au préfet. Le plus souvent sans réponse ou avec des réponses dilatoires. Il était plus simple de détourner le regard.

Faiblesse, enfin. Ne pas faire de vague semblait être le maître mot. Il ne fallait pas risquer de mettre le feu aux banlieues et, finalement, cette économie parallèle permettait de faire circuler de l’argent qui évitait des tensions sociales parce que, malheureusement, l’offre d’emplois pour des jeunes nombreux,français ou non, pas forcément très qualifiés, était insuffisante et moins rémunératrice que les trafics.

Ainsi s’est développée à bas bruit une contre-société violente, sans repères, animée par le goût du lucre sans effort mais, en fin de compte, reflet criminel de la société déracinée, matérialiste, hédoniste et libertaire que propose aux yeux de tous une oligarchie occidentale cynique et décadente, sans autre horizon que la satisfaction immédiate de ses désirs individuels et de sa soif de pouvoir et d’argent.

Cette bataille de Poitiers d’un nouveau genre n’est que la conséquence de décennies de laisser-aller idéologique et de faiblesse politique, notamment parce que s’attaquer au problème amenait nécessairement à s’interroger sur les conséquences du laisser-faire, laisser-passer en matière migratoire. Ce qu’interdisait une gauche faussement morale mais vraiment électoraliste, qui tétanisait la « droite » conformiste. Laquelle se bornait à déplorer la multiplication des quartiers de « reconquête républicaine » - infâme jargon de l’impuissance politique.

Pendant ce temps, au Maroc, le Président Macron, flanqué de Yassine Belattar, célébrait le poncif éculé de l’Al-Andalus, lieu d’un dialogue apaisé entre l’islam, la chrétienté et le judaïsme, alors que c’était le règne de la dhimmitude, c'est-à-dire de l’humiliation des non-musulmans qui devaient acquitter « l’impôt de soumission » (djizia et kharâj). Les combats de rue de Poitiers ont aussi une portée symbolique. Celle d’un « ordre républicain » tombé dans le ruisseau, dans le lieu même où notre civilisation fut sauvée. Souvenons-nous des mots de Napoléon : « J’ai trouvé une couronne dans le ruisseau, j’ai essuyé la boue qui la couvrait, je l’ai mise sur ma tête. » Qui donc relèvera la souveraineté française en déshérence ?

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

42 commentaires

  1. « Ainsi s’est développée à bas bruit une contre-société violente, sans repères, animée par le goût du lucre sans effort ». Bonne définition de la loi de la jungle, résultat inéluctable quand on a sciemment détruit une société. Vous les politiques n’avez aucune pudeur quand vous déplorez les effets dont vous avez chéri les causes, depuis maintes et maintes années.

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