[CHRONIQUE] Le Mercosur envers et contre tous.

Capture écran France Info sur YouTube
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Mme von der Leyen vient d’affirmer que la négociation de l’accord Mercosur était « dans la dernière ligne droite », mais en rappelant que celle-ci est souvent la plus difficile. Il demeure que l’objectif constant de la Commission est la signature de cet accord. En dépit de l’opposition de la France à  ce texte « en l’état » - France rejointe par l’Italie - techniquement le traité international en question comporte d’une part un accord d’association, pour lequel une décision unanime des Etats membres est nécessaire, d’autre part un accord commercial, domaine dans lequel la Commission possède la compétence exclusive de négociation, sur mandat du Conseil de l’Union européenne. En ce cas le mode de prise de décision est celui dit de la procédure ordinaire, à savoir la majorité qualifiée des États membres. Le souhait de la Commission est évidemment de dissocier les deux volets afin de pouvoir faire adopter l’accord commercial de libre échange à la majorité qualifiée et de passer outre l’opposition de certains États membres s’ils n’obtiennent pas la minorité de blocage (au moins quatre États membres et 35% de la population de l’UE).

Mercosur serait-il abandonné ?

Il en résulte que lorsque M. Macron et M. Barnier affirment qu’ils s’opposeront à l’accord Mercosur « en l’état », ne peuvent y parvenir seuls. La récente prise de position de l’Italie hostile à cet accord est une bonne nouvelle. La Pologne et l’Autriche ont exprimé de sérieuses réserves et les Pays-Bas sont hésitants. Le rejet du projet d’accord de libre échange n’est donc pas impossible, malgré l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal qui y sont très favorables. Pour autant l’accord Mercosur serait-il définitivement abandonné. Évidemment non et pour une raison simple, le libre échange est en effet l’alpha et l’omega de la politique économique de la Commission européenne et que le Parlement européen, notamment le PPE, a une orientation très libre échangiste. Et en matière de libre échange, la Commission est terriblement obstinée. Pour avoir entendu dans les couloirs bruxellois : « pourquoi vouloir à toute force manger du bœuf européen quand on peut manger de bœuf argentin », il ne faut pas, hélas, se faire trop d’illusion sur l’issue du bras de fer en cours.

Il existe en effet une conjonction d’intérêts en faveur de l’accord Mercosur. L’Allemagne souhaite pouvoir exporter ses berlines et ses machines outils en Amérique du sud, l’Espagne désire renforcer politiquement ses liens économiques, historiques et culturels avec « la hispanidad », la secte verte est hostile par principe à l’élevage bovin, et la Commission est idéologiquement libre échangiste, à la suite de Robert Schuman qui croyait aux effets pacifiques du « doux commerce » cher à Montesquieu et Kant. Là où le commerce passe, les canons se taisent ! Funeste illusion. Le monde d’avant 1914 était celui du commerce international et du libre échange, doté d’une monnaie commune, l’étalon or. A l’évidence, ceci n’a en rien empêché le déclenchement de la première guerre mondiale.

Quelques concessions probables

Le résultat est que l’Union européenne est l’espace le plus ouvert à tous les vents de la concurrence. A titre d’exemple, le taux d’ouverture des marchés publics dans l’UE est le plus élevé du monde 95 %. Ils sont fermés à 100 % en Chine, en Inde ou au Brésil. A 29% au Japon et 32% aux USA (source Sénat).

Le plus probable et qu’il sera fait  pour faire « passer la pilule » au monde agricole, mais que le Mercosur sera mis en œuvre. La rhétorique des « clauses miroirs » est illusoire car comment l’UE pourrait-elle imposer aux États membres du Mercosur de changer leurs législations ? Une fois encore nos producteurs seront mis en concurrence avec des producteurs qui ne supportent pas les mêmes contraintes sociales, sanitaires, écologiques et administratives. Pour rassurer le « bon peuple », il est expliqué que l’ouverture sera limitée. Au départ sans doute. Mais quelle sera l’évolution ? L’exemple de l’industrie en Europe ne peut que faire trembler pour notre agriculture.

La réalité est que depuis des décennies, traité après traité, la France a abandonné sa souveraineté, donc sa liberté, entre les mains de l’UE et de son eurocratie. Il est un peu tard pour déplorer que nous ne soyons guère plus qu’une préfecture de l’empire sur lequel règne Ursula von der Leyen. Un petit rappel toutefois. La crise dite de « la chaise vide »de 1965/1966 avait pour origine une question agricole. Elle avait débouché sur le compromis de Luxembourg, c'est-à-dire l’unanimité pour les votes importants. C’était le temps de De Gaulle. Peut-on croire un instant que le très europhile Macron aurait le courage de pratiquer la politique de la « chaise vide » ? A force de préférer l’Union européenne à la France, la technocratie à l’enracinement charnel, la mondialisation à la nation, il faut bien en payer le prix.

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Il ne faut pas se leurrer , ce gouvernement tout comme son précédent vont une fois de plus rouler dans la farine les agriculteurs . Ils vont une fois de plus se faire enfumer et se faire avoir .

  2. C’est de pire en pire ! L’Europe bruxelloise marche sur sa tête. Chargée de défendre les siens, quels qu’ils soient, elle enfonce sous l’eau la tête de certains, notamment les agriculteurs français. et bien d’autres. Monsieur Macron a beau faire le joli coeur en s’opposant mollement à cette ineptie de Mercosur, il finira par laisser faire. C’est hélas Bruxelles qui a le pouvoir et non les États européens. Madame Van des Leyen va tranquillement continuer à jouer à la marchande intercontinentale. Mais à trop tirer sur les ficelles….

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