[Chronique] M. Barnier : faut-il que « tout change pour que rien ne change » ?

Capture d'écran
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Il y eut comme un « ouf » de soulagement qui traversa le système, à l’annonce de la nomination de M. Michel Barnier comme Premier ministre. Un frisson sur l’échine de ces braves électeurs du centre et de la droite conformiste qui, sans trop barguigner, avaient voté pour le Nouveau Front populaire plutôt que pour les méchants candidats du Rassemblement national et, soudain, s’effarouchaient de voir cette coalition disposer de 193 sièges à l’Assemblée nationale et réclamer à cor et à cri Matignon et la mise en œuvre de leur programme d’extrême gauche.

Les voici donc tranquillisés pour leur portefeuille. Après tout, l’avortement dans la Constitution, le wokisme à l’école, la Cène singée par des drag-queens, l’exhibition de Marie-Antoinette la tête coupée, la violence du quotidien, l’immigration de masse, le déclassement de la France sur le plan international : tout cela n’est pas bien grave tant que les placements financiers se portent bien. Après tout, Versailles vote massivement pour la Macronie.

Donc, Michel Barnier rassure l’électeur embourgeoisé et assure le système de sa pérennité. Le « start-uppeur » de l’Élysée nous avait promis le nouveau monde. Nous retournons plutôt à l’ancien, celui de Chirac ou de Sarkozy. Car, enfin, M. Barnier est le plus pur produit du système qui a mené la France où elle est. Certes, son parcours politique peut impressionner : élu local très jeune, plusieurs fois ministre – Environnement, Affaires européennes, Affaires étrangères, Agriculture -, deux fois commissaire européen – politique régionale puis marché intérieur et services financiers -, négociateur du Brexit. Il avait été aussi tête de liste aux européennes en 2009, sous l’étiquette « Quand l’Europe veut, l’Europe peut ». Il avait été, ensuite, président de la délégation française du PPE, dont il était vice-président. Entre ses mandats, le petit monde européiste ne l’oublia pas en lui confiant diverses missions. Ce sont les charmes de la connivence.

Que traduit tout cela ? Une parfaite conformité et non moins parfaite docilité à l’égard des paradigmes du système oligarchique qui est le nôtre. La même représentation du monde : européisme, mondialisme, conformisme et soumission à l’idéologie matérialiste dominante.

Lors de la primaire de LR pour l’élection présidentielle de 2022, l’homme fit alors une mutation surprenante. Il prônait un moratoire de trois à cinq ans pour l’immigration, une « souveraineté juridique européenne de la France » à l’égard de la Cour de justice européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme et un « bouclier constitutionnel temporaire » sur l’immigration ! Autant de propositions contraires au principe de la primauté du droit européen sur le droit national, fondement de la domination de l’UE sur les États membres. Après l’échec cuisant de Valérie Pécresse, il appela à voter pour Emmanuel Macron « sans états d’âme » (France Info, 11 avril 2022). « Chassez le naturel, il revient au galop. »

Cet homme à l’allure indéniable, courtois, sérieux jusqu’à l’ennui, pourra peut-être remettre un peu de civilité dans le débat politique. C’est déjà quelque chose, et cela changera des « boys band » de Macron mais, somme toute, c’est assez peu, étant donné l’état où la France se trouve. Même pour cela, il aura fort à faire avec les braillards débraillés de LFI.

Le groupe croupion de la Droite républicaine peut se réjouir d’avoir un de ses membres à Matignon. L’imposant Larcher, le sportif Wauquiez et le fluet Retailleau y voient sans doute une divine surprise. L’odeur du maroquin flotte au-dessus d’un parti entraîné depuis des années dans une chute aux enfers. Au demeurant, le sénateur de la Vendée a tout de suite discerné chez le très européiste Michel Barnier « toutes les qualités pour réussir ». Pour l’ancien bras de droit de Philippe de Villiers, c’est assez savoureux.

M. Barnier apparaît comme le pompier de service d’un monde politique à bout de souffle. Pur produit du système, il n’est pas là pour le changer mais pour le sauvegarder : « Il faut que tout change pour que rien ne change » (Le Guépard, Lampedusa). Félicien Marceau croyait que « le pouvoir peut aussi bien grandir l’homme, le hausser jusqu’au sommet de lui-même » (préface de L’Homme du roi, édition 1994). Soyons beau joueur, souhaitons-le au nouveau Premier ministre. Hélas sans trop y croire.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

42 commentaires

  1. Certains réclamaient en forme d’humour sans doute Tony Estanguet comme premier ministre et nous avons eu un autre président de comité olympique, certes ancien, celui d’Albertville 1992! C’est drôle, non?

  2. Associer le RN au gaullisme est un peu osé : le RN est né sur un anti-gallisme forcené suite à la guerre d’Algérie.

  3. G. Attal: « la politique française est malade! ». Je dirais même plus, tout est malade en France, la France est malade. Peut elle être soignée ? Par qui ? Est ce encore possible ?

  4. Barnier fut bien choisi par Macron; son plan plus dur contre l’immigration mêlé au pouvoir d’achat et autres distractions ne sera pas appliqué. Tant de problèmes assaillent ce pouvoir héritier des RPR PS Centre qu’il n’en traitera aucun. L’escroquerie électorale prospère.

  5. Il n’empêche que l’on a évité le pire casse tête pour la France : Lucie Castets !! Ouf……………….

  6. Il n’a même pas commencé que vous l’avez déjà jugé. Vu son expérience politique nationale et européenne, ce qui lui apporte un certain recul et en faire son bilan, attendons de voir. Quant à « son sérieux jusqu’à l’ennui », il ne me semble pas que de Gaulle, ni Mittérand étaient des rigolos ! Je préfère avoir un président sérieux, avec une certaine hauteur de vue que des petits bonhommes qui possèdent certes l’art de communiquer, de nous faire avaler des couleuvres, l’art de manipuler certains Français pour les convaincre (Attal par exp.) de voter pour le NFP pour faire barrage au RN. Qui, d’entre nous, (j’ai 70 ans) n’a pas commis d’erreur dans sa jeunesse et changer d’avis avec le recul;
    Ah ! Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait !

    • Entièrement d’accord avec vous, laissons lui le temps de mettre en oeuvre ce qu’il vient d’énoncer, avec une seule réserve, celle de ne pas se laisser influencer par Macron et de refuser tout compromis avec lui.

  7. Sinon toujours le silence total concernant la promesse de macron de faire une petite baignade dans la Seine pour les JO . A moins qu’il nous réserve la surprise pour la clôture des paralympiques ? …promesses de macron c’est comme une promesse de gascon …que du bidon

  8. Barnier est (ou a été) un ponte européiste pseudo-gaulliste mis au chômage en mars 2021 par sa patronne Van der Leyen. Macron vient de le sortir de son placard savoyard pour en faire « son collaborateur », terme vexant et désobligeant couramment utilisé à dessein par Sarkozy pour rabaisser son Premier ministre F. Fillon lequel encaissait le coup sans jamais se rebiffer. En acceptant Matignon, le désormais nouveau « collaborateur » Barnier quitte l’opposition des Républicains-canal Wauquiez pour intégrer le camp macroniste qui a gagné un membre de choix. Ce faisant, le transfuge Barnier fait allégeance à son nouveau maître Macron, en se mettant à ses ordres et à son service.

  9. TOUT est dit dans cette énumération :
    – Elu local très jeune
    – Plusieurs fois ministre – Environnement, Affaires européennes, Affaires étrangères, Agriculture –
    – Deux fois commissaire européen – politique régionale puis marché intérieur et services financiers –
    – Négociateur du Brexit.
    – Il avait été aussi tête de liste aux européennes en 2009, sous l’étiquette « Quand l’Europe veut, l’Europe peut ».
    – Il avait été ensuite président de la délégation française du PPE dont il était vice-président.
    – Entre ses mandats le petit monde européiste ne l’oublia pas en lui confiant diverses missions. Ce sont les charmes de la connivence.
    Effectivement « RIEN ne changera » ! …

    • Pur politique sans aucun contact avec la réalité choisi pour sa courtoisie et son intelligence on vera si mlp veille car il n’y a rien à attendre du reste

  10. Très bonne analyse de la situation. De la discipline au lieu d’une agitation fébrile. Du sérieux de vitrine qui remplacera l’action. Un apaisement pour combien de temps? Car la gauche veille et la rue n’est pas loin. Et si, en la traversant, on ne trouve pas de boulot, ce sera pour participer aux grèves qui ne manqueront pas d’enfoncer encore plus la France.

  11. Aucun espoir avec ce ministre qui est dans la lignée de macron et de l’UE . Souhaitons que le RN ne se fasse pa avoir .

    • C’est évident que le RN va se faire avoir. Il n’y a aucun Talleyrand dans ce parti. Voyez les « erreurs de casting (sic) » reconnues par Bardella quant à leurs candidats RN imprésentables ou pas du niveau minimum requis, ce qui a contribué à plomber le 2° tour de la législative 2024. Ca donne l’impression que ce parti a engagé n’importe qui, n’importe quoi. S’il veut s’imposer, le RN doit régler son gros problème qualitatif.

  12. En écoutant ce matin l’émission sur Cnews , cette députée , Mme Shannon Seban présidente de Renaissance de Seine St Denis , qui dit  » mépriser le RN » mais pas ses électeurs , un peu antithétique comme réflexion, car si un électeur vote pour un membre du RN c’est bien qu’il souscrit aux thèses du RN , alors la rhétorique de cette dame est comme l’idéologie de son parti « absurde » , elle comme ses colistiers ont assez craché sur les citoyens qui votent pour un postulant RN. Avec des visions comme l’avancent cette élue Renaissance on est en droit de se poser la question qui est donnée en titre de cette chronique.

  13. Son moratoire sur l’immigration, ça s’annonce bien.
    Son mondialisme et son européisme, ça s’annonce mal.
    Docteur Jekyl et mister Hyde ? Quel est celui qui va prendre le dessus ?

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