[CHRONIQUE] Non, l’État de droit n’est pas intangible !

Le droit peut être un instrument de tyrannie plus sûr encore que les armes.
conseil constitutionnel

Le 4 avril dernier, sur l’antenne de CNews, Manon Aubry a déclaré : « Dans notre pays, l’État de droit est intangible, n’en déplaise à Bruno Retailleau, n’en déplaise à Jordan Bardella et à Marine Le Pen. » On le sait, l’Union européenne use et abuse aussi de cette notion pour poursuivre les États membres dont les gouvernements s’oppose à ses dérives impérialistes. Et le revendique : « Tous les États membres de l’UE ont consenti aux traités et les ont ratifiés, et ils sont tenus, de concert avec les institutions de l’UE, de promouvoir les objectifs de l’UE et de protéger ses valeurs » (Conseil européen, Conseil de l’UE, publication « État de droit : pourquoi est-ce important ? »).

Ainsi, l’État de droit serait la prison juridique des peuples qui entraînerait une fossilisation du droit et pourrait donc faire obstacle à la volonté démocratique exprimée par le vote. Il s’agit, en fait, soit d’une confusion intellectuelle, soit d’une escroquerie intellectuelle délibérée. Qu’est-ce donc, que ce fameux « État de droit » cuisiné à toutes les modes idéologiques ?

La notion a été développée au début du XXe siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen. Il en donnait la définition suivante : « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. » Il s’agit donc de la définition d’un principe d’organisation de la hiérarchie des normes et non d’une définition du contenu desdites normes. La notion a été, par la suite, précisée pour affirmer le principe de l’égalité devant la loi, de la séparation des pouvoirs et du respect des droits de l’homme.

Le principe de l’égalité devant la loi interdit les privilèges juridiques (du latin privata lex, « loi privée »). Au passage, il est permis de s’interroger sur le fait de savoir si en France, aujourd’hui, certaines parties de la population, notamment la fonction publique et les salariés des entreprises publiques, ne bénéficient pas de certains privilèges en matière de droit social (retraite, emplois garantis à vie…) par rapport aux salariés du privé.

Le principe de la séparation des pouvoirs serait la garantie de l’indépendance de la Justice. Ce principe ne garantit en aucun cas l’indépendance idéologique de celle-ci. En effet, ce n’est pas la Justice qui rend la justice, mais les magistrats qui sont des êtres humains comme les autres. Ce qui devrait être fondamental, c’est la neutralité de la Justice. Or, le Syndicat de la magistrature, créé en 1968, revendique hautement sa partialité dans l’exercice de celle-ci. Il est intéressant de citer la fameuse « Harangue de Baudot » (texte d’Oswald Baudot de 1974, substitut du procureur de la République de Marseille et figure du syndicat) : « La justice est en création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez… La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides "attendus" du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la loi. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. » Et de continuer : « Soyez partiaux… ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron [...] pour le voleur contre le policier, pour le plaideur contre la justice... » Tout ceci résonne fortement, dans le temps que nous traversons. Dès lors, lorsque la Justice est ainsi instrumentalisée à des fins de lutte politique et idéologique, la fameuse « indépendance de la Justice » n’est plus qu’un leurre et la ritournelle « on ne critique pas une décision de justice » une foutaise.

Quant aux droits de l’homme, il est patent que ceux-ci ont été dégradés du statut de principes universels et impersonnels garantissant la dignité de la personne humaine en catalogue de droits individuels dont il est permis de se demander s’il ne bafouent pas, en certains cas, la dignité de la personne humaine et le respect de son intégrité, voire de son existence.

L’État de droit ne préjuge en rien du contenu du droit et ne saurait s’opposer à l’évolution de celui-ci, voire à son renversement ou son abolition. Sinon, il s’agirait d’un outil de destruction de la démocratie, puisque la souveraineté du peuple s’exprime dans le vote de la loi. Donc, dans sa faculté de la changer. La conception de l’État de droit comme instrument de fixisme juridique, comme par hasard de gauche, doit être combattue avec la plus grande vigueur. Sur le plan national comme européen, car il s’agit d’un instrument de confiscation de la démocratie au profit de l’oligarchie en place. Le droit peut être un instrument de tyrannie plus sûr encore que les armes.

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

44 commentaires

  1. État de droit ? Du vent tout ça ! Cette rethorique ne sert que ceux qui en abusent pour museler les opposants façon dictature déguisée en démocratie. Pour se débarrasser définitivement de cette caste néfaste, il faut en arrivant au pouvoir invoquer l’article 16 de la constitution, révoquer toute la magistrature et ne conserver que ceux parmi eux qui auront été intègres dans leur fonction, puis pour cela,les soumettre à obligation de résultats efficaces en les faisant élire.Quant aux autres dont on aura connu la nocivité prouvée, révocation définitive sans indemnité avec interdiction d’exercer dans le service public. Qu’ils se trouvent donc un emploi dans le privé si toutefois des employeurs veulent les recruter,ce dont je doute. C’est à ce prix que les choses changeront,sinon si on continue avec les mêmes agents,c’est comme si on avait une équipe sportive avec de mauvais joueurs , ce serait peine perdue.

  2. Effectivement, le jugement concernant MLP est légal…
    Il n’en constitue pas moins un déni de justice et un procès politique.

  3. État de droit où tout va de travers. État de droit quand ça arrange les uns pour nuire aux autres . État de droit, et ta sœur ?

  4. Qui tient la plume pour la rédaction de cet état de droit ? On croirait que les lois sont faites pour protéger les délinquants et le système. En aucun cas pour protéger le citoyen.

  5. État de Droit : « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. »
    Un principe fondamental en droit est que tout justiciable à la droit de se défendre et le droit à exercer un recours.
    Donc les juges de Marine n’ont pas respecter cette fameuse hiérarchie !
    Que va donc dire le conseil constitutionnel ?
    Il est à croire que les « médias mainstream » n’ont pas été capable de trouver des juristes pour exposer ces faits, même Julien Dray (que l’on ne peut qualifié de factieu) à fait sur CNews une explication de texte sans équivoque : ces juges sont dans l’erreur…

  6. ETAT DE DROIT INTANGIBLE

    ETAT DE DROIT INTANGIBLE

    Manon Aubry « …l’État de droit est intangible… » Y a-t-il un rapport dans son esprit avec le fait que le Coran l’est aussi ?

  7. On oublie complément l’état de devoir..
    L’état parle de l ‘état de droit.
    Mais oublie ses devoirs.
    Que ce soit sur le régalien .
    On invente des commissions bidules inutiles pour recaser les copains .
    La Dilcrah ou la CNCDH sous le prétexte des droits de l’homme.

  8. L’Etat de droit est un principe essentiel pour la démocratie , mais à l’intérieur de l’Etat de droit l’état du droit doit évoluer avec la société .

  9. Il y a quelques années, devant l’importance que prenait l’individu et ses droits, je pensais qu’il fallait passer de l’État de Droit au Droit de l’État. Mais ce changement n’est pas envisageable, la défection de l’intérêt collectif dans notre société ne permet pas d’envisager tel quel le virage.
    Alors, tout comme les Droits de l’Homme qui devraient se nommer les Droits et Devoirs de l’Homme, nous pourrions demander à la Justice, aux juges d’appliquer l »’État de Droit et Devoir ».

  10. Le corps de la magistrature devra être revu de fond en comble. Les gouvernants ne se sont pas gêné pour mettre en place l’ARCOM dont on connait désormais la finalité. La mise en place d’un organisme de surveillance du fonctionnement de la magistrature est une nécessité absolue.

    • L’Arcom a été créé sous un autre nom, j’ai oublié lequel mais sa finalité était déjà la même, par Mitterrand himself dans le but de contrôler les chaines privées qui venaient d’apparaitre dans le PAF. Mitterand, contrairement à ce que même la fausse droite raconte n’était absolument pas un démocrate. C’est lui qui a institué la grande majorité des ces comités Théodule qui ne représentent personne, qui n’ont absolument aucune légitimité démocratique, mais qui permettent de placer des petits copains à des postes hautement rémunérés car échappant à la grille salariale classique de la fonction publique. Il a également assuré la majorité des nominations dans la haute administration des petits copains. Nous héritons 40 ans après des métastases socialo-communistes.

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