[Chronique] Nouveau gouvernement, vieux dévoiements

élysée

Au bout de seize jours, Michel Barnier est parvenu à constituer un gouvernement. De battus, a beau jeu de proclamer la gauche. En effet, la majorité présidentielle est passée de 250 députés à 166 et « la Droite républicaine » de 61 à 47. Mais le Nouveau Front populaire était, fort heureusement, dans l’incapacité de proposer un gouvernement susceptible de recevoir la confiance de l’Assemblée nationale, comme l’a démontré l'échec de leur candidat au perchoir. Dans une Assemblée sans vainqueur, le gouvernement ne pouvait qu’être un gouvernement d’éclopés ou de déçus. En revanche, les électeurs de gauche qui se sont coalisés avec les macronistes au second tour des législatives sont les vrais dindons de la farce. Tant pis pour l’assemblage hétéroclite du Nouveau Front populaire.

La Ve République est morte et tout le monde feint de ne pas le voir

Macron peut être assez satisfait du gouvernement. Ses partisans y sont les mieux représentés et « la Droite républicaine », qui se retrouve avec une représentation inespérée pour une formation en chute libre sur le plan national, est devenue officiellement le corps des supplétifs de la Macronie. M. Retailleau y gagne son bâton de maréchal. Enfin, les choses sont claires, la famille de l’ex-UMP achève de trahir l’héritage gaullien que, de toute façon, elle avait bradé depuis longtemps : souvenons-nous de Maastricht, du quinquennat, des cohabitations et de l’indifférence aux résultats des référendums ! Bref, tout l’esprit des institutions est passé par pertes et profits, tout comme les multiples révisions en ont détruit la lettre. En cela, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron même combat. La Ve République est morte et tout le monde feint de ne pas le voir.

Les séides du président de la République donnent de la voix. Mme Bergé sera attentive à ce qu’on respecte ses « valeurs », mais nul ne sait de quoi il s’agit, à moins qu’il ne faille considérer le travail de déconstruction sociétale de la Macronie comme des « valeurs » ?

Tout cela n’est que mauvaise comédie politique alors que la France est confrontée à des défis majeurs dont le premier est sans doute la remise en ordre de l’État le plus cher d’Europe et qui, néanmoins, s’avère incapable d’offrir des services publics de qualité. Justice, police, armée, Éducation nationale, hôpital sont en souffrance tandis que citoyens et entreprises sont accablés de contraintes administratives et fiscales. L’État bureaucratique, telle une sangsue, vide de son sang et de son sens l’État régalien et épuise la société. Ce n’est pas sans raison que le Rassemblement national demandait un audit de l’État.

Incurie politique et administrative

Prenons quelques exemples. Dans l’hôpital français, la part des effectifs non soignants est de 34 %, alors qu’il est de l’ordre de 25 % en Allemagne, Espagne et Italie (INSEE) et Gérard Collomb affirmait que pour une heure passée sur le terrain, les policiers devaient accomplir sept heures de procédures administratives. La question de la réforme des administrations est « l’éléphant dans la pièce ». En 154 ans, la République a atteint un niveau de sclérose qu’il avait fallu mille ans à la monarchie pour atteindre. C’est sans doute ce que l’on appelle le progrès.

La question de l’augmentation des impôts pour combler le déficit public est la traduction de cette incurie politique et administrative. Les citoyens n’ont pas en faire les frais mais ils sont en droit d’exiger une remise en cause des pratiques administratives et politiques du pays. Le travail à accomplir est aussi phénoménal que celui accompli par le Premier consul en son temps. Il est peu probable que le nouveau gouvernement n'en ait le courage ni l’étoffe. L’âge du capitaine et de ses adjoints n’a rien à voir à l’affaire. Ce qui est vieux et usé, ce sont les modes de penser et d’agir. On peut être jeune en âge et sclérosé en esprit. Et l’on peut être avancé en âge et jeune, vif et entreprenant en esprit et en action. Churchill et de Gaulle en furent la preuve éclatante.

Il y a fort à parier que nous assistions au crépuscule des vieux. Attendons « la jeunesse du monde », comme aurait dit Charette. Mais pas trop longtemps.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

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