[CINÉMA] 5 septembre, le film sur la prise d’otages des JO de Munich en 1972
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Cette vingtième cérémonie estivale des Jeux olympiques de 1972 était chargée de symbole. Pour la première fois depuis celle de Berlin, en 1936, organisée sous le IIIe Reich, l’Allemagne était désignée par le CIO pour accueillir sur son territoire des athlètes venus du monde entier. La RFA s’affichait alors comme le visage nouveau et rayonnant d’une nation germanique délestée de ses visées expansionnistes de jadis ainsi que de tout antisémitisme. Un pays respectable, en somme, où viendrait concourir en toute sérénité une délégation sportive israélienne…
Le choc psychologique fut donc d’autant plus important lorsque, au onzième jour de la compétition, le mardi 5 septembre 1972, un commando de huit terroristes palestiniens, issus de l’organisation Septembre noir, pénétrèrent dans le village olympique de Munich, abattirent deux Israéliens et en prirent neuf autres en otages. Les assaillants réclamaient la libération de deux cent trente-quatre prisonniers détenus en Israël ainsi que celle de deux militants de la Fraction armée rouge, Andreas Baader et Ulrike Meinhof, tous deux incarcérés en Allemagne.
Ce différentiel numérique exorbitant entre otages israéliens et prisonniers politiques préfigurait déjà, à l’époque, la manière dont les Palestiniens négocieraient leurs otages, cinquante ans plus tard, après le pogrom du 7 octobre 2023. En cela, on peut dire que 5 septembre, le film que Tim Fehlbaum consacre aux événements de Munich, tombe à pic pour rafraîchir nos mémoires et rappeler, incidemment, au spectateur les connivences existantes entre terrorisme palestinien et militantisme d’extrême gauche…
L’angle des médias
Pensé comme un huis clos étouffant dans une régie de télévision située à cent mètres du théâtre des opérations, le récit de 5 septembre a pour particularité de traiter le sujet sous l’angle exclusif des médias, délaissant contre toute attente celui des autorités allemandes qui eurent à démêler la situation sur le terrain. Ce fut la première fois dans l’Histoire, semble-t-il, que des journalistes de télévision suivirent en direct un attentat terroriste. Et bien évidemment, il y eut des ratés.
L’équipe de la chaîne américaine ABC Sports, envoyée au départ pour couvrir les Jeux, décide dans l’urgence de prendre la main sur l’attentat, négocie avec sa consœur CBS les heures d’occupation du canal et en vient très vite à s’interroger moralement sur ce qui est montrable à l’écran, eu égard aux familles des otages. Les producteurs choisiront finalement, en cas d’exécution, de filmer non pas les morts mais les visages terrifiés des témoins rassemblés dans le village olympique – ce qui n’est pas d’un goût tellement plus raffiné.
Indiscrétion et empressement médiatiques
Plus grave, nos journalistes n’ont pas anticipé le fait que si les familles des victimes ont les yeux rivés sur leur télé, il en va de même des assaillants… Ainsi, par leur manque de discernement et leur inconséquence, une opération de police va capoter lamentablement.
Et que dire de cette annonce prématurée de la libération des otages, alors que des coups de feu continuent de s’échanger à l’aéroport entre terroristes et policiers ? Le bilan des victimes – aucun survivant, parmi les Israéliens – n’en sera que plus cruel. Un couac monumental de la part de journalistes sportifs empressés de délivrer l’information politique avant leurs concurrents.
Le producteur Geoff Mason aura, au moins, la satisfaction (amère) de voir cet échec total se muer en victoire d’Audimat, laquelle lui offrira de nouvelles perspectives professionnelles. Triste morale…
On peut, sans doute, reprocher au film de Tim Fehlbaum de ne pas avoir pris le temps d’exposer, au détour d’un dialogue, le contexte historique et les conséquences de la guerre des Six Jours, qui précède l’attentat. Néanmoins captivant, 5 septembre gagne sur les deux tableaux : la reconstitution de l’époque et la reconstitution des faits, représentés avec une nécessaire pudeur.
4 étoiles sur 5
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