Cinéma : 5e set, de Quentin Reynaud

5eset

À 37 ans, Thomas Edison (Alex Lutz) rumine toujours sa défaite de 2001 en demi-finale de Roland-Garros. Considéré, à l’époque, comme un jeune espoir sportif, sa carrière n’a plus jamais redécollé… Depuis, il en est réduit, pour des raisons alimentaires, à alterner les compétitions secondaires aux quatre coins du monde et à enseigner le tennis à des mineurs au sein du club qu’administre sa mère (Kristin Scott Thomas). Pourtant, malgré son âge avancé et ses défaillances physiques, l’espoir demeure de se hisser, un jour, en tête du classement. Si bien qu’en dépit des réserves de sa compagne (Ana Girardot) – qui estime non sans raisons qu’il est temps pour lui de passer à autre chose –, Thomas décide de retenter la compétition.

Parvenir même à intéresser au tennis des spectateurs qui n’ont jamais éprouvé le moindre frisson pour cette discipline constitue en soi un véritable exploit. La clé de cette réussite tient probablement aux motivations initiales du réalisateur Quentin Reynaud : « Je crois que je voulais inviter les gens à comprendre ce qui se passe dans la tête d’un joueur qui dispute Roland-Garros, ce pourquoi il est là et comment il y est parvenu. » Car s’il nous immerge de façon crédible dans le monde du tennis, 5e set nous donne surtout à voir la pression qui s’exerce sur les jeunes espoirs sportifs en règle générale, et le traitement qu’ils subissent en cas de déclassement prématuré – l’engouement autour de leur personne redescend aussi vite qu’il est monté et les condamne au pire à l’oubli de tous ; au mieux, à la pitié des commentateurs.

Dans un domaine sportif qui, plus que tout autre, mise sur la jeunesse et déprécie les plus âgés comme des appareils électro-ménagers tombés dans l’obsolescence programmée après quelques années de bons et loyaux services, le moindre signe de vieillissement, la moindre perte d’agilité des joueurs sont très vite pointés du doigt et font l’objet de railleries. Dès lors, comment ce tennisman de 37 ans pourrait-il sérieusement se mesurer à une étoile montante de vingt ans de moins que lui ?

Le propos du film n’est pas des plus originaux, le pauvre Rocky V est déjà passé par là, il y a trente ans ; le motif du petit con arrogant qui doit être remis à sa place par un ancien est déjà vu et archi-vu, que ce soit dans le cinéma à caractère sportif, dans le film d’action ou d’arts martiaux, ou encore dans la comédie. Idem pour le motif des êtres aimés qui, par leur présence aux matchs, viennent renforcer aux moments décisifs le mental du héros en difficulté. Idem, enfin, pour la thématique du dépassement de soi. Nos contemporains narcissiques nourris avec gourmandise de développement personnel, de gonflette en salle et de trekkings mondialisés sous la pluie, avec tatouages maoris sur les bras, sauront reconnaître l’imaginaire no limit auquel les encouragent allègrement les « produits culturels » de leur époque…

Toujours est-il que l’originalité du sujet ne fait pas tout, le cinéaste nous propose ici des personnages solides, avec une véritable épaisseur, campés par un trio d’acteurs talentueux. Ceux-là justifient amplement le visionnage et rattrapent les faiblesses du scénario. Alex Lutz apporte au récit sa vivacité d’esprit, quand Ana Girardot excelle à communiquer les frustrations tues de son personnage. Kristin Scott Thomas, elle, laisse percer avec brio le désarroi de cette mère/coach qui n’ose pas décourager son fils alors qu’elle n’est plus tout à fait certaine de croire en ses capacités.

Peu original mais divertissant.

 

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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