Cinéma : Adults in the Room, de Costa-Gavras

Cinéma : Adults in the room, de Costa-Gavras

Tournant pour la première fois en Grèce, pays dont il est originaire, le réalisateur Costa-Gavras adapte les mémoires politiques de Yánis Varoufákis, ministre des Finances sous le premier gouvernement Tsípras, formé en janvier 2015 suite à la victoire de SYRIZA aux élections législatives. Pour d’obscures raisons, Conversations entre adultes est devenu, pour les besoins du film, Adults in the Room. Un titre en anglais qui évoque la langue privilégiée au sein de l’eurogroupe et sonne comme une concession supplémentaire – peut-être est-ce voulu ? – au monde anglo-saxon…

Le film revient avec intérêt sur le bras de fer auquel se livra Yánis Varoufákis, en 2015, avec les institutions européennes et avec les créanciers de la Grèce qui affichèrent, dès le départ, leur refus d’alléger les mesures d’austérité, lesquelles se traduisirent par une baisse des salaires, une baisse des retraites, une baisse des prestations sociales et des dépenses publiques. Porté au pouvoir par le peuple grec afin de renégocier avec la troïka le remboursement de la dette, SYRIZA se heurta d’office à un mur en raison du bilan catastrophique de ses prédécesseurs. Un bilan que l’on peut résumer par une mauvaise gestion fiscale et financière depuis trente ans et par l’accumulation pharaonique d’une dette de 320 milliards d’euros.

Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, le dit de but en blanc au cours d’une conversation privée : « Le but est de faire de la Grèce un exemple pour tous les autres, afin que tous prennent leurs responsabilités. » Si le pays refuse la discipline, lâche-t-il à plusieurs reprises, au fil du récit, il faudra sortir la Grèce de l’euro. La menace fait son effet, ni Varoufákis ni Tsípras n’envisagent un seul instant de recourir à cette éventualité. Cette obstination de leur part à vouloir rester dans l’euro laisse le spectateur dubitatif.

Il est pourtant clair que, trop forte, la monnaie européenne empêche la Grèce d’être compétitive et de sortir la tête de l’eau. On s’étonne de voir les deux hommes se refuser, par principe, à aborder le sujet. Quelques éclaircissements à ce propos eussent été les bienvenus. Quant aux raisons qui poussent Aléxis Tsípras, à la fin, à renoncer à toute forme de résistance et à accepter les nouvelles mesures d’austérité de la troïka alors que le peuple grec avait, sur ses conseils, voté « Non » lors du référendum, elles demeurent encore bien mystérieuses.

Le seul et unique élément de réponse apporté par Varoufákis et Costa-Gavras tient à la veulerie et au caractère falot de Tsípras, terrifié à l’idée de se mettre à dos l’Union européenne. Un sentiment que le cinéaste met en scène dans une séquence finale symbolique aussi théâtrale que ridicule où l’on voit les différents acteurs de la troïka danser autour du Premier ministre grec jusqu’à le désorienter et l’entraîner malgré lui dans leur monde. On regrette que le film se soit arrêté à l’adaptation du livre de Varoufákis et n’ait pas éprouvé le besoin d’exposer les compromissions ultérieures d’Aléxis Tsípras contraint, lors de son second mandat de Premier ministre, de céder aux revendications sociétales LGBT pour masquer le délitement social de son pays. Sans oublier sa tentative de séparation de l’Église et de l’État pour faire quelques économies de bout de chandelle…

Cinématographiquement parlant, hormis pour la séquence finale, le film donne la désagréable impression d’un assemblage de réunions filmées et de dialogues musclés entre deux couloirs, l’exercice est insuffisant. Heureusement, les acteurs sauvent l’ensemble.

2 étoiles sur 5

ttps://www.youtube.com/watch?v=xbzqUBRVQms

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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