[CINÉMA] Anora, Palme d’or pour un vaudeville…
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Il faut toujours être méfiant, avec les récompenses décernées par le Festival de Cannes, et en particulier avec la Palme d’or qui, bien souvent, distingue les films les plus politiquement corrects, ou du moins les plus en phase avec leur époque. Si quelques bonnes surprises, heureusement, sont parfois possibles (Parasite en 2020 ou Sans filtre en 2022), elles ne sont pas la règle du genre. On se souvient que Titane, en 2021, faisait l’éloge décomplexé de la transidentité et qu’Anatomie d’une chute, en 2023, devait moins sa Palme d’or à ses qualités (bien réelles) de mise en scène qu’à ses discours misandres. Pour cette année 2024, le choix du jury relève, pour nous, du mystère complet, la récompense ultime étant décernée à Anora, de Sean Baker. Un film tapageur au possible qui se veut une relecture moderne de Cendrillon, ce qu’était déjà Tangerine, réalisé par le cinéaste en 2015 – certains critiques évoquent même Pretty Woman, de Garry Marshall !
Le récit suit Anora (Mikey Madison), danseuse érotique dans un club où la clientèle, moyennant un « extra », peut aisément obtenir des rapports sexuels avec les filles. Un soir, Anora fait la connaissance d’Ivan, un fils d’oligarques russes, capricieux et tête à claques, venu s’amuser avec ses amis. Les deux s’entendent à merveille, se revoient quelques jours après dans la riche villa d’Ivan, puis décident carrément de passer une semaine tarifée ensemble. À l’issue de celle-ci, le jeune homme entreprend sur un coup de tête de demander Anora en mariage. Ni une ni deux, le « couple » file se marier à Las Vegas sans même se soucier des conséquences. Car en effet, lorsque la famille d’Ivan apprend la nouvelle, furieuse, elle envoie sur place trois hommes déterminés à mettre fin à cette union et à obtenir le divorce. Mais c’est sans compter le caractère explosif d’Anora et l’immaturité profonde d’Ivan, qui prend soudainement la fuite…
Vulgaire et complaisant
Le film de Sean Baker, cinéaste très largement surestimé de part et d’autre de l’Atlantique, se veut une allégorie perspicace et irrévérencieuse de la fin du rêve américain mais s’apparente davantage, en vérité, à un vaudeville non assumé… Le récit se divise en deux segments distincts : la phase de rencontre et de débauche continue du jeune couple, puis la recherche d’Ivan par sa famille, aidée d’Anora.
Le premier segment – interminable – se complaît dans la représentation racoleuse des oligarques russes décadents, du sexe clinquant et de la prise de stupéfiants par deux gamins inconséquents à qui l’on aimerait bien mettre quelques claques. Le public de Cannes, manifestement, a adoré – on sait la gourmandise des bobos pour la culture du « trash » et du « clash », c’est de leur niveau…
Le cliché de la femme-victime
À ce sujet — Cinéma : Parasite, une Palme d’or méritée !
Tout aussi potache et vulgaire (on ne compte plus le nombre de « fuck » et de « fucking » dans les dialogues), le second segment du récit, par la recherche désespérée d’Ivan à travers la ville, fait mine de vouloir donner du relief à Anora en faisant d’elle une victime désenchantée du bon vouloir des hommes, elle qui pensait prendre un nouveau départ dans la vie en épousant ce gosse de riches. Pas finaude pour un sou, la jeune femme comprend trop tardivement que son « prince-sauveur » n’est qu’un petit con doublé d’un lâche, dont les propres parents ne sont plus dupes depuis belle lurette.
Le capitaine Borisov s’est fourvoyé
Parmi les trois hommes venus réclamer le divorce, seul Igor semble faire preuve d’empathie à l’égard de la danseuse. Sobrement incarné par le comédien Yuriy Borisov – que nous avions découvert dans les excellents Compartiment n°6 et Le capitaine Volkonogov s’est échappé –, ce jeune Russe au cœur tendre est l’unique personnage non caricatural du récit, cela mérite d’être souligné. Néanmoins sous-exploité, on se demande ce que Borisov vient faire dans ce film affligeant de 2 heures 20.
Et dire que Les Graines du figuier sauvage était en compétition…
1 étoile sur 5