[L’ÉTÉ BV] [CINÉMA] Anti-Squat avec Louise Bourgoin, entre mélo et étude sociale
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À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, Anti-Squat, de Nicolas Silhol.
Inès Viviani, agent immobilier sans activité, risque sous peu d’être expulsée de l’appartement qu’elle occupe avec son jeune fils Adam. Poussée par la nécessité de subvenir aux besoins du foyer, cette mère célibataire postule en tant que « resident manager » chez Anti-Squat, une société qui permet à des propriétaires de locaux vacants (immeubles, bureaux…) d’y loger des résidents temporaires. Le but de ce concept, importé semble-t-il des Pays-Bas, étant de prémunir ces espaces contre tout risque d’occupation illégale et de permettre, au passage, à des personnes en difficulté financière de trouver pour quelque temps un logement à moindre coût. Toute la subtilité, pour des sociétés comme Anti-Squat, repose évidemment sur cette frontière ténue entre le « squattage » à proprement parler et le statut de « résident temporaire »… C’est pourquoi les volontaires à ce type d’occupation se soumettent à un règlement des plus stricts afin de garantir la préservation des lieux : il faut être ressortissant européen ; les enfants sont interdits ; il n’est pas permis de faire venir plus de deux invités à la fois ni d’organiser des fêtes ; toute absence de plus de deux jours sans autorisation est proscrite ; et il est possible à tout moment d’être expulsé, y compris l’hiver quand les températures sont au plus bas…
Chargée de recruter les volontaires et d’assurer si nécessaire un rôle de police, Inès, incarnée à l’écran par Louise Bourgoin, ne réalise pas, au départ, les difficultés auxquelles elle devra faire face. D’autant qu’elle-même, au cours du récit, en viendra à prendre des libertés avec le règlement lorsque son fils ira la rejoindre dans l’immeuble.
Un phénomène méconnu en France
Après Corporate, sorti en 2017, qui abordait le sujet du harcèlement au travail, le réalisateur Nicolas Silhol nous alerte, avec Anti-Squat, sur un phénomène encore méconnu en France mais qui semble prendre de l’ampleur. Une pratique aussi hasardeuse pour les propriétaires de biens immobiliers – qui s’exposent alors à tout un tas de risques (notamment de détériorations) – que cynique à l’égard des résidents temporaires, considérés à tout moment comme une menace potentielle en dépit de la source de profit qu’ils représentent… L’allégorie sur l’immigration est, ici, évidente mais s’avère bien incomplète dans la mesure où elle élude les questions identitaires et leur violence corollaire.
Cousu de quelques fils blancs, le scénario tente assez habilement, malgré tout, la jonction entre le mélo et le social à la manière du cinéma britannique de Ken Loach, avec un dernier acte sans doute trop convenu pour convaincre totalement, qui confronte les exploités d’aujourd’hui avec ceux d’hier, fraîchement montés en grade dans la hiérarchie sociale depuis qu’ils ont abandonné leurs idéaux, leur éthique et leur honneur. Le désenchantement de Nicolas Silhol face à cette énième victoire du cynisme et de l’individualisme est tel qu’il frise la complaisance – défaut que l’on retrouve également chez Loach.
À l’inverse, par sa façon d’essentialiser et de glorifier, à la fin du récit, une jeunesse uniformément idéaliste, passionnée et révolutionnaire, le cinéaste fait montre d’une naïveté confondante.
Reste un sujet fort, un récit bien construit et des acteurs au diapason. Dommage que Samy Belkessa, malgré son jeu convaincant dans le rôle d’Adam, nous impose à tout bout de champ son rap éruptif et insupportable…
3 étoiles sur 5
https://www.youtube.com/watch?v=QOjvmPGKBBU
Un commentaire
Ce n’est qu’un film, mais ça pourrait devenir la réalité dans ce pays, qui se dit être la septième puissance économique mondiale et serait le phare du monde, pour tout ce qui se fait de bien ici bas.