[CINEMA] Bastion 36 : quand Netflix saborde une fois de plus Olivier Marchal

Ne serait-il pas temps pour Olivier Marchal de revenir aux salles obscures, la maison mère du cinéma ?
Capture écran Netflix France
Capture écran Netflix France

Un peu comme en Italie, nous avons en France une véritable tradition du polar. Jean-Pierre Melville, Alain Corneau, Henri Verneuil, Gilles Grangier et Georges Lautner en furent les principaux représentants dans la France d’après-guerre. Seul héritier véritable de cet âge d’or, Olivier Marchal assura la relève dès le début des années 2000 avec Gangsters, film nerveux à petit budget, injustement méconnu et souvent mésestimé – y compris de son auteur… Depuis, cet ancien flic de la PJ, passé par la brigade criminelle et l’antiterrorisme dans les années 80, s’est fait le spécialiste du polar aux dialogues fleuris et aux héros abîmés, passablement alcoolos et victimes expiatoires d’une administration trop soucieuse de son image publique. On pense évidemment à 36 quai des Orfèvres, son film le plus abouti à ce jour, mais également à Borderline et à MR 73, qui marquait sa seconde collaboration avec Daniel Auteuil. Par ailleurs, bien que Les Lyonnais et Carbone s’écartaient de la police, son domaine d’expertise, le cinéaste y faisait montre du même savoir-faire dans la mise en scène – leur qualité globale fut, cependant, nettement moindre…

Marchal et sa période Netflix

Depuis 2020, hélas, Olivier Marchal a cédé au chant des sirènes et a réalisé pour Netflix ces films suivants : Bronx et Overdose. Deux longs-métrages brouillons, aux récits téléphonés, qui traduisaient un tiraillement du réalisateur entre le cinéma et la fiction télé. Marchal y caricaturait son style, remisait pour de bon le lyrisme de ses premiers longs-métrages, et se perdait dans une violence gratuite et numérique portée par des personnages à peine esquissés, sur fond de musique rap.

Si bien que, lorsqu’une suite à 36 quai des Orfèvres fut annoncée dans les médias, nous étions naturellement inquiet, mais voulions croire, cependant, que le réalisateur se remettrait sur les bons rails.

Contrairement à ce qui fut prévu initialement, Bastion 36 n’est pas lié au film de 2004, ni par l’intrigue ni par les personnages. Le récit suit Antoine Cerda (Victor Belmondo), un capitaine de police membre de la BRI, qui s’est fait gauler par l’IGPN pour avoir participé à des combats clandestins contre des racailles de cité. Muté d’office à la BAC, en Seine-Saint-Denis, le jeune officier apprend un an plus tard qu’un membre de son ancienne équipe de la BRI a été abattu de sang-froid et que deux autres ont disparu mystérieusement. Quand l’un d’entre eux est retrouvé mort à son tour, Cerda décide de mener l’enquête et comprend très vite que ses collègues ont franchi la ligne jaune…

Un retour aux fondamentaux

Adapté du roman Flics Requiem, de Michel Tourscher, Grand Prix VSD du polar 2013, Bastion 36 marque une volonté évidente de Marchal de retourner à ses fondamentaux, ne serait-ce que par le choix de son titre. Le cinéaste retrouve ses thématiques habituelles (guerre des polices, corruption, IGPN) et délaisse quelque peu l’action chic et choc de Bronx et d’Overdose pour un récit plus ancré dans les réalités sociales contemporaines de la police (la prime de risque dérisoire, les flics qui ne fument plus, les courses-poursuites qui ne sont plus permises par la hiérarchie, etc…).

Néanmoins, à travers les excès de ses personnages, le cinéaste continue malgré lui de prêter le flanc à cette gauche qui réclame régulièrement le désarmement de la police et diabolise à loisir les forces de l’ordre – un sujet politico-médiatique que l’intéressé aurait tout intérêt à aborder dans un futur projet, lui qui n’a jamais caché son mépris du politiquement correct.

Un réel manque de consistance

Malheureusement, le retour aux sources pour Olivier Marchal n’est que partiellement réalisé, comme s’il manquait un supplément d’âme à son récit. Outre la composition musicale d’Erwann Kermorvant, de moins en moins inspirée au fil des ans, l’écriture du scénario manque de consistance. Les personnages secondaires ne sont pas suffisamment caractérisés, se limitent à leur fonction policière, manquent cruellement d’à-propos, de second degré et, par conséquent, de relief.

Surtout, le film tourne en vase clos, communique peu avec son époque et se prive ainsi d’une analyse pertinente sur l’état de la société et sur ce que devient la police – il est d’ailleurs très révélateur qu’aucun plan extérieur du 36 rue du Bastion n’apparaisse à l’écran.

Marchal peut largement rebondir, il est sur la bonne voie pour ce faire, mais manifestement, Netflix ne lui réussit pas. Peut-être serait-il temps pour lui de prendre son envol et de revenir aux salles obscures, la maison mère du cinéma…

 

2,5 étoiles sur 5

Picture of Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

21 commentaires

  1. La gauche et extreme gauche Francaise, c’ est la Coréenne du Nord en gestation. Inconditionnel d’ Olivier Marchal.

  2. Comme dans le foot en particulier , les acteurs sont tous où presque issus de l’immigration , les femmes sont sur représentées et toujours avec le grade , qui se la jouent car dans le réel , je doute fort de leurs capacités .

    • Bien vrai et ridicule, alors pourquoi regarder ? Dans le réel, on sait ce que ça donne, il n’y a qu’à voir les recrutements hasardeux chez les pompier de LA ou pour assurer la sécurité du futur Président Trump, entre autres…Le mieux pour arrêter tout ce cirque woke et des quotas, c’est de boycotter.

  3. Contrairement aux « réalisateurs » à tendance Gauchiste qui veulent faire de NOTRE Police des Voyous et des Cow boys ; faudrait-il que les réalisateurs représentants la France fassent de cette institution plus de réserves sur les images défavorables qui pour certains sont sujets à salir ces Hommes Valeureux des Forces de L’Ordre déjà abandonnées par beaucoup (TROP) de juges …

  4. « Rien à cirer »! des état d’âme mercantiles, cinématographiques ou cultureux de nos « vedettes du show business, ne trouvez-vous pas, ami Pierre?
    Le Français moyen, de plus en plus en dessous de la moyenne européenne en res-politica ,est aux dixièmes dessous des conditions de vie et de sécurité, par les forfaitures macronistes.
    Il n’a pas besoin qu’on dévoie son attention vers le futile audio visuel de diversion. Avec le renvoi d’ascenseur entre-soi des « césars » et des Rosalie-rachida, TF1 et BFM le font très bien
    L’Union Nationale et les Français méritent mieux que ça!

  5. J’ai regardé ce film, bof ! je m’attendais à mieux, fade et longuet, le jeune Belmondo très bien, ni trop, ni trop peu.

  6. J’ai omis de préciser que les droits de la série avaient été cédés pour des raisons d’agenda – tournage de « Les Lyonnais » – à un autre réalisateur.

  7. Je mets Olivier Marshal très au dessus de la moyenne pour ce type de films mais vu l’époque où nous vivons où les flics sont tabassés de toutes part tant par la racaille que par le gauchisme qui n’a rien compris à l’intérêt de la nation, peut-être serait-il de bon ton de véhiculer une belle image de nos fdo en mettant de côté les manquements de certains qui sont inévitables. Pas la peine d’en rajouter. Quant à la durée de service du réalisateur et je m’adresse à certains critiques de 3eme catégorie,qu’est-ce que ça peut vous faire ? regardez vous dans une glace et tentez d’élever le débat plutôt !

  8. D’Olivier Marchal je retiens une vision du polar noir telle que je la conçois: des personnages ambigus, des âmes tourmentées, des vécus blessés et des limites souvent floues.

    Sans doute est-ce parce qu’il fut lui-même confronté au réel.

    Je retiens les bons titres évoqués dans le billet mais également une série dont la première saison m’avait captivé: Braquo, qui cochait toutes les bonnes cases.

    Je me languissais de la deuxième saison, inévitablement prometteuse, qui reprendrait sans nul doute tous les fils conducteurs de la première.
    Quelle ne fut pas ma déception devant ce déroulement d’invraisemblances, de nostalgie d’ambiance de cités pourries et de mépris pour le scenario originel, dont rien ne fut repris.

    N’est pas Olivier Marchal ni Frédéric Schoendorffer (en collaboration) qui veut.

    Je m’étais forcé à regarder les 3 et 4ème (la dernière) saisons également.

    A la fin, même les acteurs n’y croyaient plus. La torture s’arrêta là

    Quel gâchis, dont Olivier Marchal même s’était ému.

  9. Les chefs sont des femmes, la plupart des flics sont issus de l’immigration… conditions Netwokflix ?

  10. Heureusement que le cinéma français a encore des « solides » comme çà, successeur des Lautner, Giovanni et autres Enrico.

  11. Et si on arrêtait avec les morts ici, morts là-bas ,morts dans le nord ,dans le sud ,à la mer ,à la montagne, au paradis. C’est Martine revisitée par le macabre.

  12. C’est un malin Marchal. Il n’a passé que 4 ans dans la police mais il se pose en  » grand flic ».

  13. Encore un film pour dénigrer la police, on a pas asser de problèmes avec les gauchos qui dit que la police tue. Maintenant je ne nie pas qu’il y a des pourris partout.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

La France est championne… des demandes d’asile
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois