[CINEMA] Comme un lundi, film allégorique sur l’aliénation au travail

comme un lundi

Un oiseau qui s’écrase contre une vitre, un patron qui demande à ses employés s’ils ont dormi dans le bureau, un accident de taxi qui vaut à l’héroïne une blessure au front, des éternuements et des coupures de courant… Dans Comme un lundi, du réalisateur japonais Ryo Takebayashi, les mêmes événements de la semaine se répètent encore et encore pour la jeune Yoshikawa et ses collègues de travail. Ayant pris conscience qu’ils étaient prisonniers d’une boucle temporelle, les employés de cette petite agence publicitaire cherchent désespérément un moyen d’interrompre ce cycle infernal et de retrouver le cours normal de leur vie.

Nous évoquions, l’an dernier, le film coréen About Kim Sohee, un drame tiré de faits réels sur l’esclavage moderne en entreprise, et en particulier dans les télécoms. Dans une approche diamétralement opposée, mais sur ce même sujet de l’aliénation au travail, Ryo Takebayashi propose, avec Comme un lundi, une comédie acerbe et kafkaïenne, à la lisière de la science-fiction.

Jouant à fond sur l’humour de répétition, appuyé par un montage énergique, le film revendique ouvertement sa filiation avec Un jour sans fin, d’Harold Ramis, mais adapte le concept à la société japonaise d’aujourd’hui. Une société confucéenne, mâtinée de libéralisme anglo-américain, où l’individu se subordonne au groupe, se met intégralement au service de son employeur et où, par conséquent, le temps de travail hebdomadaire dépasse bien souvent les 40 heures réglementaires pour un nombre dérisoire de congés annuels (21 jours environ).

Dès lors, lessivés, essorés, les yeux cernés comme des pandas, la jeune Yoshikawa et ses collègues ne vivent plus que pour leur boulot – notons que l’intrigue se déroule presque exclusivement dans leur bureau – et peinent à trouver un sens à une existence qui, littéralement, tourne en rond.

Dans ce contexte, nous dit le réalisateur, en bon confucéen, celui qui se désolidarise du groupe et cherche à se sauver individuellement – en parfait accord avec les préceptes de la modernité libérale occidentale – est dans l’erreur. Le salut ne peut passer que par le collectif et par la volonté de faire avancer tout le groupe vers la résolution du problème. Yoshikawa mettra un certain temps à le comprendre.

La solution, finalement, viendra peut-être du patron qui, pour renouveler et rendre agréable le quotidien de ses employés, devra opérer une révolution intérieure, faire preuve enfin de créativité et partager avec eux ses idées. Un propos de bon sens mais un poil convenu, rendant la dernière partie du récit plus pantouflarde.

Reste une comédie joviale qui offre une variation novatrice sur le thème de la boucle temporelle.

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Et bien moi, j’ai trouvé ce film mortel, malgré la mise en scène énergique que vous évoquez.
    C’était tellement ennuyeux que j’ai failli partir au bout d’une demi-heure.
    Heureusement, le film dure 1h30 seulement.
    Il faut aimer ce genre d’histoire répétitive dont on se demande quand ça va enfin décoller.

  2. « Une société confucéenne, mâtinée de libéralisme anglo-américain, où l’individu se subordonne au groupe, se met intégralement au service de son employeur et où, par conséquent, le temps de travail hebdomadaire dépasse bien souvent les 40 heures réglementaires pour un nombre dérisoire de congés annuels (21 jours environ). » Cette philosophie japonaise du travail ne date pas d’aujourd’hui. Le Japon d’après guerre, écrasé, avait tout à rebâtir, à reconditionner. La population de l’époque, toujours ampli d’un patriotisme exacerbé, ne s’est pas posée de questions. Elle a relevé les manches et s’est mise au travail, quelles qu’en soient les conditions. Le pays s’est rapidement reconstitué au point que leurs équipes venues glaner des idées en France nous ont apporté leurs méthodes de gestion dont le « zéro défaut » et le « zéro stock » , tous deux sources de pertes d’argent non rentable. Le Japon est prospère, ce qui n’est plus le cas de la France. L’air du temps a évolué, les japonais aspirent à respirer, à souffler. C’est naturel et mérité. Que ce film apporte un coup de pouce à cette évolution semble dans l’ordre convenu.

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