Cinéma : House of Gucci, de Ridley Scott
Son précédent film, Le Dernier Duel, est toujours à l’affiche que Ridley Scott enchaîne aussitôt avec la sortie de son adaptation de La Saga Gucci, ouvrage écrit par Sara Gay Forden et paru en 2001. Le cinéaste britannique n’aura donc pas le temps de s’apitoyer sur l’échec commercial du Dernier Duel, qui paie en partie ses postulats idéologiques faisant de la Femme (avec un grand F) l’incontestable victime de l’Histoire (avec un grand H)…
À rebours complet de ces considérations très politiquement correctes dont notre époque est friande, House of Gucci revient sur l’assassinat de Maurizio Gucci orchestré en 1995 par son ex-épouse Patrizia Reggiani. Cent pour cent coupable, la veuve noire évoquerait presque ces dangereuses manipulatrices, incarnées par Mireille Balin, Viviane Romance, Danièle Delorme et consorts, qui firent les beaux jours du cinéma classique français et qu’un certain féminisme revanchard abhorre…
Le récit relate l’immixtion mouvementée, au début des années 70, de la vive et exubérante Patrizia au sein de la famille Gucci. Attirée par l’argent et le prestige, faisant preuve d’un bagout certain, la jeune femme va mettre le grappin sur Maurizio, petit-fils timide et modeste de Guccio Gucci, le fondateur de la célèbre marque de luxe, et semer la zizanie entre son riche époux et ses proches.
Sous la pression de Patrizia, Maurizio, qui se destinait à une carrière d’avocat, va s’investir dans les affaires familiales, écarter à contrecœur son oncle Aldo et son cousin Paolo, avant de délaisser son épouse pour une autre, plein de ressentiment, et mettre ainsi ses jours en danger.
Avec une ironie mordante, le film de Ridley Scott raconte les efforts considérables d’une parvenue pour faire valoir sa légitimité au sein d’une famille qui, à dire vrai, n’a guère plus de raisons de s’enorgueillir de ses origines sociales. Passionnée (et passionnelle), totalement dominée par ses émotions, celle qui précipita la chute de cet empire en fin de race revendiquera jusqu’à son procès pour meurtre le nom de Gucci, tel un logo que l’on arbore fièrement sur son sac à main pour afficher son appartenance à la catégorie sociale supérieure. Vulgaire et pathétique à la fois. À l’image de cette séquence jubilatoire où, jouant son va-tout, Patrizia, éplorée, fait tourner les pages de son album photo en suppliant Maurizio de ne pas la quitter.
Connue du grand public pour sa carrière musicale, Lady Gaga se glisse à merveille dans le personnage de Patrizia Reggiani, confirme ses talents d’actrice après A Star is Born, de Bradley Cooper, et réussit, contre toute attente, à voler la vedette à l’ensemble de ses partenaires masculins parmi lesquels, tout de même, Adam Driver, Jeremy Irons et Al Pacino… Dans ce rôle, qui n’est pas sans rappeler celui de Sharon Stone dans Casino, Lady Gaga brille de mille feux et fait volontiers oublier les défauts du film : le jeu outrancier de Jared Leto, dont le maquillage et les prothèses sont un frein à l’immersion du spectateur, et des accents italiens hasardeux.
House of Gucci dresse avec brio la fin d’une époque, celle où les empires familiaux imposaient encore le respect à la simple évocation de leur nom. Gage de raffinement italien, de qualité et d’exigence, Gucci connaît, depuis, des temps difficiles. Rachetée dans les années 90 par un fonds d’investissement basé à Bahreïn, puis entrée en Bourse, la marque, comme nous le rappelle avec amertume la conclusion du film, n’a plus aucun lien avec la famille dont elle porte le nom… Une fois de plus, tout n’est qu’apparences.
4 étoiles sur 5
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