[CINÉMA] Je le jure, à la croisée de Clint Eastwood et de Victor Hugo…

Le tournage du nouveau film de Samuel Theis a bien failli ne pas aboutir. Accusé de viol par un technicien, le réalisateur a aussitôt été traité comme un coupable – MeToo oblige – par sa productrice Caroline Bonmarchand et sa distributrice Alexandra Henochsberg, qui lui ont imposé des mesures d’éloignement pendant les prises, justifiant ainsi indirectement les accusations à son encontre : le cinéaste devait s’isoler dans une pièce pour donner ses directives par casque à ceux qui, dans l’équipe, ne souhaitaient pas le croiser. Une ambiance absolument délétère.
Si le nombre de copies pour Je le jure a été revu à la baisse (une soixantaine seulement, au lieu de deux cents prévues initialement), Samuel Theis a, quant à lui, été mis sur la touche pendant la promotion du film.
Juré n° 22
Sorti le 26 mars dernier, Je le jure s’affiche, en soi, comme un énième film de prétoire, dans la même veine que le récent Juré n° 2, de Clint Eastwood. Moins mélodramatique cependant, le film de Theis vise, sur un mode naturaliste, à exposer les rouages d’un procès en appel du côté de ces jurés qui ont été tirés au sort pour statuer non pas sur la culpabilité de l’accusé – que celui-ci reconnaît ouvertement – mais sur la teneur de sa peine. Le récit suit Fabio (Julien Ernwein), un ouvrier de Moselle un peu largué dans l’existence, travaillant dans le recyclage de métaux et vivant une liaison secrète, car non assumée, avec une femme bien plus âgée. Lorsqu’il reçoit par courrier sa convocation pour participer à un procès d’assises, Fabio, juré n° 22, rechigne mais finit par s’y plier. Sur place, aux côtés d’autres tirés au sort, il découvre l’affaire. Celle d’un jeune pyromane africain, multirécidiviste, qui s’est amusé à mettre le feu à un immeuble et a causé la mort d’un pompier.
Juger non pas un crime mais un individu
Peu concerné par le sort de sa victime (« Il a choisi ce métier »…) ni par la peine de ses proches, Jean-Charles Fadi a décidé de faire appel de sa première condamnation de douze ans de réclusion, l’estimant trop sévère compte tenu des difficultés de la vie en prison. Ce nouveau procès a donc pour objet de statuer sur l’opportunité d’une peine plus clémente…
Au-delà même de la question du repentir – sur laquelle il y a peu d’illusions à se faire –, le film interroge le spectateur sur la manière de juger un tel individu : faut-il le punir à hauteur de son crime, raisonner en termes de possibilité de réinsertion sociale, venger la famille de la victime ou simplement protéger la société pour un temps limité ? La présidente de la cour d’assises, qu’incarne très bien Marina Foïs, a pour fonction de guider les jurés dans leur décision finale et de leur faire concilier ces quatre préoccupations dans un souci de justice et d’équité.
Un film hugolien…
Bien mené, mais néanmoins naïf dans ses discours, Je le jure cache mal sa volonté de nous apitoyer sur le sort de l’accusé dont on feint jusqu’au bout de croire à des possibilités de réinsertion – le cinéaste se donne bonne conscience comme il peut…
Notre société judéo-chrétienne, sans doute, a-t-elle les moyens, à ses yeux, d’encaisser toujours plus de délinquance, de violence, et de faire dans la compassion. Ainsi, l’enfance douloureuse de Jean-Charles Fadi se voit commentée de long en large, quand sa propension à commettre des incendies est psychiatrisée… Face à lui, Paul, le juré un peu réac campé par Micha Lescot, est volontiers ringardisé, outrancier et caricatural dans ses prises de position zemmouro-lepénistes. A contrario, Fabio, tolérant et mesuré comme il faut au moment de délibérer, incarne le bon sens… Celui-ci, nous dit-on, va apprendre à se responsabiliser à travers cette expérience en tant que juré d’assises et à assumer ses propres choix dans l’existence…
Artificiel et démonstratif au possible.
2,5 étoiles sur 5
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6 commentaires
Critique sévère j’ai beaucoup aimé ce film.
Bien aimé juré n°2.
Ce film sent le navet.
Clint Eastwood le meilleur sociologue des USA. Sans avance sur les recettes pour ses films. Nous avons les avances et des films larmoyants avec des acteurs « spécialisés ». Y a t’il malgré tout ce qu’on en dit un miracle américain ?
Marina Foïs pour guider les jurés … !
Ce qui s’annonce être un fiasco, d’après la lecture de cet édito, m’a fait penser au film (sorti ou à sortir) : « Toutes pour une » que j’ai essayé de visionner !! Un « remake des trois mousquetaires du pauvre Dumas qui doit vouloir sortit de sa tombe, tant on le fait souffrir en parodiant ses textes !! Je ne suis pas allé à plus de dix minutes de projection pour zapper sur un autre film. Je pense, sans exagération, que ce « film » sera le navet du siècle et peut-être des suivants.
Je suggère à l’excellent chroniqueur Pierre Marcellisi de le visionner à son tour (s’il y arrive). Ça vaut son pesant de cacahuètes …
Quand il y a Marina Fois dans un film, vous êtes sûr qu’il ne fera pas d’entrée. Cette actrice fait fuir les spectateurs ! En plus d’être une mauvaise actrice, elle est comme toujours avec ces gens la, dans le camp du bien. D’ailleurs combien ce film à fait d’entrées ? J’ai cherché et je n’ai pas trouvé. Encore un film fait de bons sentiments avec pleins de subventions !