[CINÉMA] Jouer avec le feu, le pétard mouillé du film antifa

Capture d'écran bande-annonce
Capture d'écran bande-annonce

Ah, tiens, cela faisait longtemps ! Un beau film citoyen comme on les aime : « engagé », « courageux », « sans concession » ! Une œuvre très vigilante, nous prévient L’Obs, qui entend « scruter la montée des replis nationalistes et des idées xénophobes dans des territoires sociaux et géographiques délaissés par les politiques ». En bref, un film qui « dit les choses », qui « dénonce implacablement » la France rance des campagnes, mais sans mépris surtout, sans méchanceté ni paternalisme…
Dans le genre, on avait eu droit, il y a une dizaine d’années, à Un Français, de Diastème, et, plus récemment, à la comédie Les Barbares, de Julie Delpy.

Inspiré du roman Ce qu’il faut de nuit, de Laurent Petitmangin, publié en 2022, Jouer avec le feu ne décevra assurément pas les électeurs bobos du NFP ni l’extrême centre macroniste, clientèle habituelle des salles obscures.

La gauche découvre la mansuétude

Le récit suit Pierre, un caténairiste de l’est de la France, vivant avec ses deux fils : Louis, le cadet, consciencieux et promis à de hautes études à l’université ; et Fus, l’aîné turbulent et sans emploi, qui commence dangereusement à fréquenter des jeunes d’ultra-droite, au grand désarroi de son père, ancien syndicaliste de gauche…
Tout l’enjeu du récit, dixit les coréalisatrices Delphine et Muriel Coulin, est de savoir ce que l’on est prêt à accepter par amour – nous sommes donc ravis d’apprendre que la gauche s’interroge activement, de nos jours, sur sa capacité à tolérer, a minima, les idées de droite !
Mais pas de mauvais esprit, reconnaissons à la décharge des cinéastes que la droite représentée à l’écran est celle, bien particulière, des groupuscules violents ultra-minoritaires, qui n’ont d’autre raison d’être que de se fritter à leurs homologues d’extrême gauche. Lesquels, bizarrement, ne font jamais l’objet d’aucun film au cinéma, alors que les services de police tirent régulièrement la sonnette d’alarme quant à leur degré (bien réel, quant à lui) de dangerosité…

La manœuvre était prévisible

Cette ultra-droite, qu’incarne le personnage de Fus, a beau être circonscrite et résiduelle, pour ne pas dire dérisoire, Delphine et Muriel Coulin n’hésitent pas, indirectement, par l’utilisation d’extraits télévisés diffusés incidemment, à l’amalgamer à ces partis politiques de droite, en Europe, qui doivent leur percée actuelle aux thématiques migratoires. Comprendre par là que Meloni, Orbán et Le Pen sont plus ou moins néonazis (!) – les millions d’électeurs concernés apprécieront…
Cette profonde malhonnêteté intellectuelle était néanmoins prévisible, car l’on savait que les réalisatrices, coscénaristes de Samba, le film de propagande pro-migrants (pro-dumping social ?) de Nakache et Toledano, sorti en 2014, louent l’abject documentaire La Cravate, d’Étienne Chaillou et Mathias Théry, dont nous avons déjà eu l’occasion, sur Boulevard Voltaire, d’exposer les procédés de manipulation.

Le sujet central à peine survolé

Pas nuancé pour un sou, le récit de Jouer avec le feu rate même son étude anthropologique des milieux ultras. À peine entamée au profit d’une relation père-fils sans grande originalité, cette vague exploration sociale nous donne le sentiment que les deux coréalisatrices étaient trop paresseuses pour étudier sérieusement leur sujet. Car peu curieuses, en vérité, de se frotter à l’imaginaire intellectuel de ces gens-là, qu’il faut condamner sans chercher à comprendre, les sœurs Coulin se contentent de filmer leurs cibles comme des démons, éclairées à contre-jour ou dans la pénombre, sous le regard « prozaqué » de l’inoxydable – et faussement populo – Vincent Lindon… Le spectateur ne saura donc rien de ce qui motive un jeune à rejoindre les crânes rasés.

En définitive, les coréalisatrices livrent un énième film bien-pensant, hyper-formaté et sans aucune idée de cinéma. Une première compromission dans la carrière des talentueux Benjamin Voisin et Stefan Crepon – notre déception à leur égard est de taille.

1 étoile sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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