Cinéma : La Conspiration du Caire réunit tous les ingrédients de la réussite
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En 2017, le réalisateur Tarik Saleh, Suédois d’origine égyptienne, s’était distingué avec Le Caire confidentiel, un thriller âpre et particulièrement virulent envers la police du président Sissi.
Trois jours seulement avant le début du tournage, ayant probablement eu vent du scénario, les autorités du pays ordonnèrent à Tarik Saleh de quitter le territoire. Le film fut donc tourné en Turquie et obtint, par la suite, un fort succès à l’international. Depuis, le cinéaste ne s’avise plus de mettre les pieds en Égypte où il risque tout bonnement sa peau.
Avec son dernier film en date, La Conspiration du Caire, également tourné en Turquie, le bras de fer se poursuit entre Saleh et le régime de Sissi. Le réalisateur, inspiré selon ses dires par la relecture du Nom de la rose d’Umberto Eco, imagine une intrigue policière au sein de l’université al-Azhar, mettant aux prises les autorités religieuses et les autorités politiques du pays.
Un intertitre au début du film nous rappelle très brièvement que cette institution islamique fut fondée en 972 sous les Fatimides, dynastie chiite, et que c’est seulement au XIIe siècle que Saladin – l’homme par qui s’accomplit l’unité du monde musulman (seconde croisade) après sa conquête de l’Égypte – fit de l’université un centre d’études sunnite. Dès lors, nous dit le cinéaste, le pouvoir égyptien fut de tout temps attentif à ce que les positions politiques du grand imam d’al-Azhar ne vinssent contrarier les siennes : « Il ne peut y avoir deux pharaons », clame à ce propos un personnage au début du film.
Le récit suit alors Adam (Tawfeek Barhom), un fils de pêcheur ayant reçu une bourse pour étudier à l’université. Peu de temps après son arrivée, le grand imam d’al-Azhar décède, remettant son titre en jeu. Le successeur, conformément aux usages, devra être élu parmi les enseignants, les cheikhs. Un vote sur lequel le gouvernement entend bien agir insidieusement.
Après avoir repéré Adam, le colonel Ibrahim (Fares Fares, méconnaissable) le charge en effet de se mêler aux étudiants les plus radicaux, les Frères musulmans, proches du cheikh Dourani, et d’obtenir des informations qui lui permettront d’éliminer sa candidature à la tête de l’institution, les autorités égyptiennes préférant voir élire le cheikh Beblawi, ouvertement hostile au djihad et favorable à une étroite collaboration entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel.
Contraint de se soumettre aux exigences du colonel Ibrahim, qui se montre tour à tour paternel et menaçant, Adam devient donc malgré lui un pion sur un échiquier politique qui le dépasse. Un jeu de dupes avec les salafistes qui pourrait bien lui coûter la vie, à moins bien sûr que l’armée ne se retourne d’abord contre lui…
Film d’espionnage en huis clos, La Conspiration du Caire réunit tous les ingrédients de la réussite : un lieu magnifique (la mosquée Süleymaniye d’Istanbul), un réel savoir-faire dans la composition des cadres, des enjeux forts, une intrigue riche en rebondissements, un tandem parfait de Tawfeek Barhom (The Looming Tower, Mon Fils, Marie-Madeleine) et Fares Fares qui bénéficie enfin d’un rôle à la hauteur de son talent. Le récit d’espionnage comporte néanmoins quelques incohérences tandis que l’intrigue politique prend un cheminement alambiqué dans les dix dernières minutes. Celles-ci offrent cependant au colonel une belle scène de repentir ; et Adam obtient un face-à-face mémorable avec une sommité religieuse. Un passage durant lequel le jeune homme peut librement s’exprimer en égal et placer le devoir de vérité et d’humilité au-dessus de toute considération personnelle relative aux desseins de Dieu.
4 étoiles sur 5
2 commentaires
J’ai remarqué depuis quelques années déjà que les meilleurs films sont souvent ceux de pays qui ne sous avaient pas habitués à être des nations de cinéma , comme les EU de Hollywood , l’Italie de la Cineccita ou la France . Les films Coréens , Turcs , Egyptiens africains sont souvent d’excellente facture et font preuve d’une liberté et d’une originalité de ton que l’on ne retrouve pas ailleurs .Dont acte , je suis très tenté d’aller voir ce film dont vous nous avez fait une excellent résumé qui a éveillé ma curiosité .
Merci mais je n’irai pas voir ce film ….