[CINÉMA] La Convocation : quand l’administration envenime les conflits…

Élisabeth apprend que son fils aurait tenté d’agresser Jon sexuellement dans les toilettes de l’établissement.
Capture d'écran
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Élisabeth aimerait comprendre ce qu’il se passe : l’école de son fils vient de la convoquer en urgence sans donner plus d’explication. À croire que, du haut de ses six ans, Armand a pu commettre un acte gravissime. Pour répondre à ses interrogations, Élisabeth doit se contenter, hélas, des propos décousus d’une jeune institutrice débutante et mal à l’aise, Sunna, moins soucieuse de clarté que du respect des procédures stricto sensu. Cette dernière, à la demande de sa hiérarchie qui, très vite au cours du récit, se joint à ses côtés, a convoqué en même temps la mère du garçon ainsi que les parents de Jon, un camarade de classe. De fil en aiguille, et à force d’insistance, Élisabeth apprend que son fils aurait tenté d’agresser Jon sexuellement dans les toilettes de l’établissement.

En l’absence des deux principaux intéressés, les parents vont alors tenter de mettre les choses au clair, quitte à réveiller de vieilles rancœurs et à laver publiquement leur linge sale devant un corps enseignant tellement crétin qu’il en devient dangereux.

Avec La Convocation, son premier long-métrage, le Norvégien Halfdan Ullmann Tønde, petit-fils d’Ingmar Bergman et de l’actrice Liv Ullmann, s’essaie au huis clos à petit budget et se réfère, de-ci de-là, au cinéma de Luis Buñuel et d’Alfred Hitchcock pour mieux signifier l’opacité de ce genre d’affaire et la difficulté d’y établir la vérité.

L’administration dans le viseur

Son récit est surtout l’occasion d’exposer la bêtise crasse et le cérémonial d’une administration totalement rongée par le politiquement correct, qui se croit très pertinente, devant les parents d’élèves, à faire des circonvolutions et à tourner lamentablement autour du pot pour simuler la délicatesse, la rigueur et la fausse neutralité. « Fausse » car, en vérité, l’école a déjà décidé de la culpabilité d’Armand. Lequel n’a même pas la possibilité de se défendre ni de donner sa version des faits – l’administration ne voudrait surtout pas rater une belle occasion de se montrer vigilante et d’exercer son action préventive en matière de harcèlement sexuel…

Face à de telles quiches, Élisabeth, sommée de se justifier de tout et de rien, se rebiffe, pointe avec pertinence les manquements de l’établissement et les incohérences dans les discours, puis s’abandonne dans un fou rire nerveux traduisant aussi bien le sentiment d’absurdité totale de la situation que l’angoisse relative aux suites de l’affaire – il est notamment question de prendre des mesures d’éloignement et, donc, indirectement, de criminaliser Armand…

Du remplissage maladroit

Alors qu’il partait d’une bonne idée de scénario, le réalisateur, malheureusement, ne parvient pas à l’exploiter jusqu’au bout, s’essouffle à mi-parcours du récit et tourne en rond, à l’image de ce corps enseignant qui ne sait quoi tirer de cette réunion stérile. Halfdan Ullmann Tønde tente alors de meubler le temps restant par des confidences et des révélations tirées par les cheveux entre l’héroïne et le père de Jon, puis entre les deux parents de ce dernier. Pire : le cinéaste perd pied et nous noie avec lui dans des séquences surréalistes qui visent vainement à surligner le profond désarroi et la solitude morale d’Élisabeth. Tout cela, finalement, pour apprendre que non, la vérité ne sort pas toujours de la bouche des enfants (d’aucuns diraient même que c’est plutôt rare). Encore faut-il avoir l’intelligence, quand on est un adulte responsable, de ne pas surinterpréter leurs propos…

Un exercice plaisant mais inachevé.

 

2,5 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Dommage ! Car avec le programme evars, on peut s’attendre à ce genre de convocation ; mon petit fils en maternelle à qui je conseillais un gros bisou à son copain malheureux, m’a chuchoté qu’il devait demander l’autorisation au dit copain de l’embrasser dixit instit ! Adieu spontanéité et empathie

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