[Cinéma] Le Comte de Monte-Cristo, une adaptation en demi-teinte du roman

© 2024 CHAPTER 2 – PATHE FILMS – M6 - Jérôme Prébois
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En 1815, fraîchement promu capitaine de navire, à Marseille, le jeune Edmond Dantès envisage l’avenir avec sérénité lorsque, le jour de son mariage avec Mercédès Herrera, les autorités viennent l’arrêter en pleine cérémonie. Victime d’une dénonciation calomnieuse faisant état d’une conspiration bonapartiste, à l’heure où Louis XVIII est aux commandes du pays, Dantès est aussitôt enfermé dans les geôles du château d’If.

Quatorze années durant, avec pour seule compagnie l’abbé Faria, il va ruminer l’injustice dont il a fait les frais et préparer son évasion. Une fois dehors, et ayant mis la main sur une fortune colossale, Edmond Dantès, sous l’identité fictive du comte de Monte-Cristo, n’aura pour raison d’être que de retrouver les responsables de son malheur et de faire payer à chacun tout ce qu’il a dû subir…

Écrit et réalisé par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, scénaristes à l’origine du récent diptyque Les Trois Mousquetaires, de Martin Bourboulon, la nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo retrouve le même souffle romanesque, mais au service d’un récit résolument plus noir où l’humour et la légèreté n’ont décidément plus leur place.

Un récit trop elliptique

Joliment réalisé, riche de belles images aux couleurs chaudes du Midi qui évoquent le cinéma en Technicolor™ d’André Hunebelle et de Christian-Jaque et bénéficiant, de surcroît, d’une bande originale puissamment inspirée, le film a pour gageure de condenser 1.300 pages en trois heures de récit seulement, les scénaristes ayant insisté pour tout faire tenir en un seul long-métrage. Le résultat, hélas, n’est pas tout à fait à la hauteur de leur ambition. Bourré d’ellipses, signalées par des intertitres maladroits évoquant telle année ou tel laps de temps écoulé, le récit fait l’impasse sur bon nombre de sous-intrigues du roman d’Alexandre Dumas, notamment les déboires de l’armateur Morrel, puis ceux du jeune Albert de Morcerf en Italie. Pris par le temps, Delaporte et de La Patellière sont contraints, également, de supprimer des personnages pourtant incontournables, tel le Corse Bertuccio, majordome et confident privilégié du comte de Monte-Cristo.

Un héros pas assez tourmenté

Plus grave peut-être, la durée limitée du film conduit nos deux cinéastes à faire primer l’action, et donc le récit d’aventures, au détriment de l’errance intellectuelle et morale du personnage principal, avec toutes les frustrations, la rancœur accumulée, l’esprit de vengeance, la fureur silencieuse et la noirceur du roman d’origine – ce que, précisément, le spectateur attend de cette histoire (!). Le téléfilm qu’avait réalisé Josée Dayan, en 1998, avec Gérard Depardieu demeure, sur cet aspect des choses, inégalé. Car en dépit du talent certain et de l’investissement de Pierre Niney, nous ne ressentons jamais tout à fait la colère et la folie obsessionnelle d’Edmond Dantès, là où Dayan avait su rendre Depardieu terrifiant.

Reste, néanmoins, un film de belle facture qui fera fructifier l’imagination des plus jeunes et constituera à coup sûr une sortie agréable en famille.

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Pierre Niney n’est pas un mauvais acteur, mais quoi dire de plus que les deux premiers films sur le sujet. Les réalisateurs n’auraient ‘il plus d’imagination que de reprendre à la pelle des œuvres littéraires déjà réalisées au cinéma? Germinal, Dantes, Arsène Lupin, Dartagnan, Gavroche ont été pris et repris, pourtant il existe de belles œuvres non réalisées au cinéma: Le père Goriot, l’éducation sentimentale, les faux-monnayeurs, sous le soleil de satan, voyage au bout de la nuit, le silence de la mer, le petit prince, Aurelien, le hussard sur le toit et aussi l’œuvre de Robin Hoob, l’assassin royal, les aventuriers de la mer et les cités des anciens.

  2. Bonjour Pierre,
    Tout à fait, mais il suffit de voir ou revoir les deux mini series , dans l’ordre chronologique :
    Monte-Cristo avec Weber en 1979, de De la Patelliére père, 6×60 mins et celle de Dayan en 1998 avec Depardieu, père et fils, 4×100 mins qui grâce à leurs formats permettent de développer toute l’œuvre de Dumas. Aucune des deux n’a vieilli…
    Oui, le film de De la Patelliére fils est un peu trop court, mais il dure déja 178 min, oui, il manque 20/30/40 min, car il y a la matière dans le roman et oui, les trois impasses que vous mentionnez sont vraiment manquantes. En tant que pro vous savez bien la difficulté à dépasser 3 h pour un film.
    Néanmoins, je ne me suis pas ennuyé une minute, contrairement au dernier Avatar (je me suis endormi et oui je peux m’endormir dans un film d’action qui m’ennuie) ou Dune (que c’est long et trop court à la fois) pour comparer avec de bons films de durée comparables, il me semble.
    Et comme vous, je suis resté, un peu, sur ma faim. Un peu sévère le 3/5, il est rare, bien trop rare depuis de trop longues années d’avoir de bons films Français sans prechi/precha woke et autres billevesées politiquement correct, même dans des films d’époque en costume ( cf disney et netflix) ou autres (Avatar). Enfin, de l’argent bien dépensé pour une place, le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé avec 1.2 M d’entrée depuis le 28 juin. Jusqu’à ce film, Niney ne m’avait pas du tout, mais pas du tout convaincu, encore moins son « césar ». Là, il grimpe dans mon estime, à voir dans la durée.
    C’est à mon gout, je ne suis qu’un vieil amateur de films, une des deux meilleures adaptations, avec Weber, du roman. Pourquoi ? Parce que Weber et Niney ont l’age de Dantés. Dayan ayant éludé le pb en faisant jouer, très bien, Depardieu Fils puis Depardieu père.
    Pour les cinéphiles revoir les films avec Wilm ( N/B, 1943), Marais, Jourdan et les deux séries suscitées.
    Merci de votre article qui, je l’espère, incitera les lecteurs de BV à aller voir le film, il vaut le prix d’être vu. Bien Cordialement,

  3. C’est un peu facile de juger le film par rapport au roman ou par rapport à un téléfilm de 3 épisodes. Il faut un minimum de détacher de l’œuvre de Dumas pour apprécier le film. Une adaptation est toujours une autre œuvre comme une traduction.

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