[CINÉMA] Le Dossier Maldoror, une bonne fiction sur l’affaire Dutroux
Le criminel Marc Dutroux n’en finit pas de faire parler de lui. En 2020, un collège de trois psychiatres était chargé d’établir, à la demande de son avocat Bruno Dayez, un rapport d’expertise en vue de préparer une libération conditionnelle – ce à quoi l’intéressé peut prétendre depuis 2013. Extrêmement défavorables, leurs conclusions laissaient peu de doute quant aux possibilités de Dutroux de sortir un jour de prison…
Aujourd’hui, c’est à travers le cinéma que le pédocriminel refait l’actualité, puisque le cinéaste Fabrice Du Welz sort sur les écrans une fiction policière librement inspirée de cette affaire sordide qui avait secoué la société belge.
Pour rappel, en août 1996, Marc Dutroux, son épouse Michelle Martin et leur complice Michel Lelièvre furent inculpés pour l’enlèvement et la séquestration de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne, retrouvées peu après dans une cache à Marcinelle. Par la suite, quatre corps de fillettes furent retrouvés, ainsi que celui d’un complice, Bernard Weinstein. Très vite, les autorités belges évoquèrent la piste d’un réseau savamment organisé, mêlant aussi bien la pédocriminalité que le trafic de stupéfiants, auquel participerait notamment Michel Nihoul, personnalité médiatique proche des milieux d’affaires. Le journaliste Karl Zéro considère ce dernier comme l’une des têtes pensantes d’une organisation criminelle bien plus vaste, ce que la Justice n’a encore jamais pu prouver…
Un film cathartique
En s’inspirant librement de l’affaire Dutroux pour son film Le Dossier Maldoror, qui prend soin de modifier les noms des protagonistes afin de mieux livrer une lecture personnelle des événements, le réalisateur Fabrice Du Welz entend bien exorciser la société belge dans son ensemble qui, d’après lui, ne s’est jamais véritablement remise de toute cette horreur. L’occasion, pour le cinéaste, de revenir sur les dysfonctionnements des institutions, de pointer l’absence (coupable) de coopération entre police et gendarmerie – évoquée dès les intertitres d’ouverture – et d’offrir au spectateur belge une fin fantasmatique où le Mal est enfin puni à hauteur de ses crimes : « J'ai voulu pousser mon récit vers la fiction, dit le réalisateur, jusqu'à l'uchronie, jusqu'au fantasme de justice dont nous avons été privés. »
À ce sujet — Cinéma : BAC Nord, de Cédric Jimenez
Sur ce point précis, la conclusion du récit, lorgnant vers le « vigilante movie », à la manière d’Un justicier dans la ville ou de L’Inspecteur Harry, ne manquera pas d’offusquer les bonnes consciences de gauche qui crieront au discours « réactionnaire », au « fascisme » ou encore au « populisme »… Toute la question, dorénavant, est de savoir si Fabrice Du Welz est prêt à rendre les coups ou s’il se couchera comme le cinéaste Cédric Jimenez qui, n’ayant pas assumé BAC Nord, s’était excusé lamentablement au bout d’une semaine, dans la presse, d’avoir été récupéré par « l’extrême droite ». Les paris sont ouverts.
Le choix de la retenue
En soi, si Le Dossier Maldoror (la référence à Lautréamont est voulue) n’est pas le film exhaustif que l’on espérait sur l’affaire Dutroux, il n’en demeure pas moins une belle réussite. Récit poisseux digne de David Fincher (Seven, Zodiac), le film nous prouve que le cinéma francophone, depuis La prochaine fois je viserai le cœur (sur Alain Lamare) et L’Affaire SK1 (sur Guy Georges), n’a pas grand-chose à envier à ses modèles américains. Peu racoleur, compte tenu de ce à quoi nous a habitués le genre, délicat, le cinéaste a le bon goût de laisser le pire hors-champ, en sollicitant l’imaginaire inconscient du spectateur, et de se concentrer non pas sur les victimes et leurs familles, ni sur le tueur, mais sur un jeune gendarme à fleur de peau, vif et intuitif, qui subit de plein fouet le manque de discernement et l’inconséquence de sa hiérarchie. Toujours aussi talentueux, l’acteur Anthony Bajon, qui a fait du chemin depuis La Prière, de Cédric Kahn, nous montre une fois de plus qu’il sait choisir ses rôles, parcimonieusement et consciencieusement.
4 étoiles sur 5
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