Cinéma : Le Fils d’un roi, de Cheyenne-Marie Carron

LE FILS D'UN ROI

Tout commence dans un lycée de banlieue parisienne lorsqu’un professeur d’Histoire-géo fait étudier la Révolution française à ses élèves. Elyas (Aïmen Derriachi), issu de l’immigration marocaine, se prend à défendre la monarchie devant ses camarades et attire la sympathie de Kevin (Arnaud Jouan), fils d’ouvriers. Ensemble, leur vient une idée : choisir pour sujet de TP la défense de l’Ancien régime, quitte à déplaire à leur prof. À mesure que se précisent leurs convictions et que grandit en eux un réel sentiment d’appartenance nationale, les deux élèves se heurtent à la doxa du système éducatif…

Cela faisait des années qu’elle tournait autour du pot. Tandis que le cinéma français communiait fièrement dans le prêt-à-penser et la misère intellectuelle – on l’a encore vu récemment aux Césars avec la prestation pitoyable de Florence Foresti et d’Aïssa Maïga –, Cheyenne-Marie Carron, de son côté, égrenait les perles politiquement incorrectes de sa filmographie, évoquant tour à tour, et en avance sur son époque, le retour au patriotisme, le retour au sacré, l’islamisme, la remigration, l’honneur de la légion, et la résistance du monde paysan face à la grande distribution.

Avec Le Fils d’un roi, disponible dès à présent en DVD, la réalisatrice se penche enfin sur la pièce maîtresse qui sous-tend ses idées politiques et sans laquelle la France, depuis deux cents ans, n’est plus tout à fait la France : la monarchie.
Hormis quelques longueurs et des dialogues parfois trop démonstratifs, les films de Carron ont pour trait commun le refus du ressentiment et de l’attaque frontale des idées adverses, la cinéaste préférant de loin défendre avec sérénité un point de vue apaisé sur les choses. Ce film ne déroge pas à la règle. Plutôt que de s’en prendre violemment à la République et à ses compromissions, comme le fit jadis un Léon Daudet, Cheyenne-Marie Carron préfère célébrer, avec une certaine candeur, la figure maternelle et protectrice de la royauté, incarnée dans le film par la mère de Kevin qui, telle la Belle au bois dormant, n’attend qu’une étincelle pour sortir de l’état végétatif dans lequel elle se trouve depuis son AVC.

Face à ce regain d’intérêt des élèves pour la monarchie, le professeur d’Histoire-géo tombe des nues, complètement désarmé, renvoyé à ses préjugés universitaires et à son inculture crasse qu’il peine à masquer derrière un sourire goguenard et faussement maîtrisé, celui du progressiste rationaliste qui sait bien que le Beau et le Sacré n’existent pas et que seules comptent les « valeurs républicaines ». Déplorant le fait que les élèves ne s’intéressent bien souvent qu’à leurs pays d’origine, il ne s’imagine pas un instant que la mystique républicaine, impuissante à unifier le peuple, favorise cet effet.

Notons que l’innocence des deux personnages principaux, alors au début de leur apprentissage, ne laisse aucune place aux figures un peu trop clivantes de la contre-révolution ou à l’école d’Action française. Sans doute, le plaidoyer eût-il été trop long, trop complexe, pour un film de deux heures. La réalisatrice se cantonne donc aux idées générales, à ce qui fait l’intérêt d’un tel régime, mais oublie inévitablement quelques arguments fondamentaux avancés par Maurras et consorts, tel que le souci de la continuité. Soit l’importance pour un souverain de laisser à son fils un pays prospère dans la mesure où l’intérêt dynastique se superpose à l’intérêt national. On l’aura compris au fil des dialogues, Carron est plus sensible à la question sociale, et notamment au système des corporations, qu’à la question politique, ce qui pointe aussi les limites du film.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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