[CINÉMA] Le Mélange des genres, énième film hypocrite sur la guerre des sexes

La fin du récit voudrait nous faire croire que le gentil Paul a encore voix au chapitre et plaît toujours aux femmes...
Capture d'écran BA
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Policière, Simone (Léa Drucker) a évolué dans un environnement plutôt masculin et conservateur où fusent quotidiennement les blagues salaces et où les idéologies en vogue sont observées avec scepticisme. Critique à l’égard de #MeToo et de #BalanceTonPorc, elle a accepté, sous la supervision de son chef (et mari), d’infiltrer les « Hardies », un groupuscule féministe radical suspecté d’avoir participé au meurtre d’un homme qui maltraitait son épouse.

En parallèle de cela, Paul (Benjamin Lavernhe), petit comédien raté, cantonné aux publicités et campagnes anti-tabac, assume pleinement d’occuper une position sociale inférieure à celle de sa femme Charlotte, comédienne de théâtre renommée. Homme moderne, « progressiste », Paul se laisse avec zèle culpabiliser par les discours d’extrême gauche qui brocardent sans cesse la « masculinité toxique », tant il est soucieux de complaire à son époque, de se distinguer de ses semblables masculins et d’appartenir au « camp du Bien »…

Le hasard fait que Simone et Paul vont devoir mêler leur destin. Car la policière, sur le point d’être démasquée par les « Hardies », n’a pas trouvé d’autre alibi à sa présence en commissariat, la veille, que d’affirmer être allée porter plainte contre le type du bar, Paul justement, qui l’aurait violée il y a des années de cela…

Les dérives du féminisme contemporain

Avec Le Mélange des genres, le cinéaste Michel Leclerc, thuriféraire habituel du cinéma de centre gauche bien-pensant, au même titre qu’un Cédric Klapisch, fait part timidement de ses inquiétudes légitimes envers les dérives d’un néo-féminisme pétri de ressentiment, qui pratique la délation et détruit la vie d’innocents. Sur le mode de la caricature, le réalisateur du Nom des gens et de Télé Gaucho, faussement conciliant, fait mine de vouloir rire de tout le monde : des militantes féministes hystériques, des hommes-soja déconstruits (« démolis », « déconfits », nous dit le film), des masculinistes revanchards et même de la police, forcément viriliste et surcouillue. La représentation de cette dernière est d’ailleurs plus que datée ; le cinéaste semble ignorer que les effectifs de police sont composés, de nos jours, de près de 30 % de femmes, soit plus d’un quart des agents. Et celles-ci sont nombreuses parmi les officiers et les commissaires.

Pas de couilles, pas d’embrouille

Plutôt drôle dans l’absolu, et bien écrit – comme souvent avec Michel Leclerc –, le film cherche un peu trop le juste milieu pour ne pas être suspect… Le cinéaste met sur un même niveau l’outrance masculiniste de quelques paumés d’Internet – nettement moins offensifs, en vérité, que ce qui nous est montré à l’écran – et la capacité de nuisance – bien réelle ! – des militantes de #BalanceTonPorc. Pour autant, entre les deux, le réalisateur ne cache pas sa préférence (bienveillance ?) pour le féminisme radical et son émasculation programmée des hommes. Paul ne dit-il pas aux masculinistes « Je préfère perdre avec elles que gagner avec vous » ? Simone va d’ailleurs, à l’issue du récit, se laisser plus ou moins convaincre par les « Hardies » et changer radicalement de vie ; Michel Leclerc renvoie ainsi dos à dos le « masculinisme toxique » et la police… Pour un peu, il s’excuserait presque d’avoir osé aborder initialement les dérives du néo-féminisme…

La conclusion du récit est d’autant plus politiquement correcte et insatisfaisante qu’elle voudrait nous faire croire naïvement que le gentil Paul (incarnation de Michel Leclerc ?) a encore voix au chapitre et plaît toujours à la gent féminine. On n’y croit pas un instant.

2 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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