Cinéma : Le Petit Nicolas, un hommage drôle et délicat à Sempé et Goscinny

Le Petit Nicolas

La presse, pour une fois, est unanime : Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? rend hommage à René Goscinny et Jean-Jacques Sempé. Le premier, à qui l’on doit, entre autres, les sagas d’Astérix et d’Iznogoud, nous a quittés en 1974 ; le second est décédé en août dernier, à presque 90 ans, et n’aura malheureusement pas eu le temps d’apprécier le succès public et critique de ce nouveau film.

Jusque-là, Le Petit Nicolas n’avait eu droit qu’à des adaptations cinématographiques en demi-teintes. Tournées en prises de vues réelles avec des comédiens plus ou moins cabotins, ces différentes itérations ne rendaient justice ni aux dessins de Sempé (forcément…) ni aux histoires de Goscinny dont elles ne parvenaient pas tout à fait à retranscrire l’esprit originel.

Prévu au départ pour être un documentaire, avant que le projet n’évolue intégralement vers un film d’animation, le long-métrage d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre vient combler un manque.

Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? se présente alors comme un double film biographique dans la mesure où il met en parallèle la création du Petit Nicolas – avec sa famille, son école et ses copains – et la relation forte de Sempé et Goscinny dans le Paris d’après-guerre. Le film imbrique de façon ingénieuse les deux trames et nous offre des moments émouvants où, seul face à lui-même, tel auteur échange avec le petit garçon imaginaire dont il partage la paternité : tantôt assis sur la machine à écrire de Goscinny, tantôt debout sur la table à dessin de Sempé, Nicolas réclame toujours de nouvelles idées et interroge ses géniteurs sur leur enfance respective. L’occasion, pour Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, de revenir brièvement sur le passé de deux auteurs qui ont connu des temps difficiles et ont fait le choix d’en prendre le parfait contre-pied, de sublimer la jeunesse dans leur œuvre commune. D’où le sous-titre : « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? » Une réflexion sur la réinvention de soi à travers l’imagination qui ne manque pas d’intérêt et qui, fort heureusement, ne s’embarrasse pas outre mesure de développements psychanalytiques de bazar – Fredon et Massoubre restent pudiques à tout moment.

Avec humour et délicatesse, les deux réalisateurs retracent au rythme du jazz les moments forts de quelque huit nouvelles du Petit Nicolas et ont le bon goût, non seulement de reproduire le style graphique de Sempé, mais également de confier la voix de Goscinny à Alain Chabat, qui n’a jamais caché son admiration pour l’auteur d’Astérix. Tout aussi à l’aise, Laurent Lafitte campe à merveille un Jean-Jacques Sempé rêveur et nonchalant qui vivra avec peine la disparition de son ami au courant des années 70.

Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? est sans doute l’adaptation cinématographique la plus exhaustive de l’œuvre de Sempé et Goscinny, celle qui offre la meilleure synthèse, comme la meilleure introduction. Pas sûr, cependant, que les jeunes d’aujourd’hui, biberonnés aux mangas et aux jeux vidéo, y trouvent leur intérêt…

4 étoiles sur 5

 

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

Un commentaire

  1. Je vais le voir avec un immense plaisir (et c’est un amateur du Petit Nicolas depuis toujours, mais aussi de mangas et jeux vidéos qui vous le dit!)

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