[Cinéma] Le Théorème de Marguerite, romance et mathématiques

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Nous recensions, en août dernier, La Voie royale, le film de Frédéric Mermoud sur les prépas scientifiques, porté par la jeune et talentueuse Suzanne Jouannet. Un récit pesant qui, néanmoins, avait le mérite de décrire l’état d’esprit qui prévaut dans ce type de cursus scolaire. Sorti en début de mois, Le Théorème de Marguerite prend une direction un peu différente, se concentre moins sur le parcours universitaire de son héroïne que sur la recherche scientifique à proprement parler.

Le récit s’articule autour de Marguerite, une brillante élève de l’ENS qui travaille sa thèse de mathématiques sur la « conjecture de Goldbach », un problème ambitieux qui n’a été résolu, à ce jour, par aucun scientifique. Pensant, à tort, avoir couvert tous les angles du sujet, Marguerite se plante lors de sa soutenance, déçoit lourdement son professeur et décide, par conséquent, de tourner le dos définitivement aux mathématiques.

Contrainte, alors, de rembourser ses années de thèse, Marguerite dégote un petit boulot alimentaire dans la vente, se trouve une colocation dans le treizième arrondissement de Paris et commence, sur un coup de tête, à s’intéresser au mah-jong, le célèbre jeu chinois. De quoi raviver peu à peu sa passion pour les nombres premiers et remettre en selle la scientifique qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. Finalement, aidée par un ancien rival de l’ENS, Marguerite décide de reprendre, dans son coin, ses recherches sur la conjecture de Goldbach…

Froideur et sentiments

Réalisé par Anna Novion, Le Théorème de Marguerite repose sur plusieurs paris : tout d’abord, celui d’intéresser le spectateur lambda aux mathématiques les plus abstraites (et ce n’était pas mince affaire avec l’auteur de ces lignes…), ensuite, créer de l’empathie pour une héroïne aussi inadaptée aux rapports humains et bâtir enfin, malgré tant de froideur rationaliste et individualiste, un début de relation sentimentale entre ladite héroïne et son partenaire de recherche. Ce n’était pas évident à première vue, mais ces trois défis sont relevés haut la main – autant dire que cela relève de l’exploit.

Un tantinet prévisible dans son évolution générale, le récit brille par ses à-côtés, par ses dialogues ciselés et par les petites trouvailles scénaristiques (les parties de mah-jong clandestines, les murs de la colocation tapissés d’équations) qui émaillent l’ensemble et témoignent d'une belle inspiration créatrice de la part d’Anna Novion. Les amateurs de sciences auront, par ailleurs, la garantie d’un travail de recherche et de documentation crédible dans la mesure où la mathématicienne Ariane Mézard a officié en tant que conseillère à l’écriture du scénario.

Mais l’idée forte de la réalisatrice, outre de faire des mathématiques un sujet cinématographique en soi, demeure avant tout le choix de sa comédienne, Ella Rumpf, qui insuffle un tempo particulier à ce personnage décalé – proche de l’autisme –, contraint de sortir de sa carapace et de se fier aux autres pour pouvoir atteindre ses objectifs.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

4 commentaires

  1. On a malheureusement hypertrophié en France la sélection par les maths et mythifié les sciences exactes (les maths). Blaise Pascal (qui est d »un autre niveau) conseillait fermement de développer, outre  »l’esprit de géométrie », » l’esprit de finesse », dont il reconnaissait qu’il est plus difficile à maîtriser. Notre drame est que l’esprit de finesse n’est plus enseigné : sémantique, catégories, qualifications des faits, position du sujet, dialectique , logique, maîtrise des concepts, rhétorique : la méthode pour penser sur des faits qui ne sont pas de mesures mais la vie notamment sociale, et de choisir les principes qui les régissent. Savoir raisonner servirait à 100% de la nation : Goldbach à 0,001 % :  » tout nombre entier plus grand que 2 est la somme de trois nombres premiers » !! Écoutez parler Villani et vous comprendrez tout. Même le mot maths est inapproprié qui mêle l’indispensable arithmétique et le calcul infinitésimal
    qui ne sert qu’à une infime minorité.

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