Cinéma : Les Banshees d’Inisherin, fable irlandaise originale de Martin McDonagh
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Nous recensions, dernièrement, Les Huit Montagnes, de Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch, film italo-belge qui célébrait les joies de l’amitié inconditionnelle entre deux hommes dans la vallée d’Aoste. Dans un registre bien différent, le long-métrage dont il va être question ici nous explique au contraire qu’en matière d’amitié, rien n’est jamais vraiment acquis.
Avec Les Banshees d’Inisherin, le réalisateur Martin McDonagh nous propose une sorte de fable irlandaise aux accents comiques et surréalistes sur l’étiolement des rapports humains.
Nous sommes alors en 1922. Après la ratification par le Dáil Éireann du traité de Lloyd George, qui exige des parlementaires de l’État libre un serment de fidélité à la couronne britannique, la guerre civile éclate à Dublin à l’initiative de Rory O’Connor. Les affrontements se répandent très vite au sud-ouest du pays, à Limerick, Waterford, Cashel, Tipperary, Cork, puis embrasent l’ensemble du Connacht et, notamment, la région de Galway.
Au large de la côte ouest, sur l’île (fictive) d’Inisherin, que l’on pourrait situer quelque part dans les îles d’Aran, personne ne se soucie vraiment de ce qui se passe dans le pays, chacun menant sa petite vie avec ses préoccupations propres. Parmi ces habitants, Pádraic Súilleabháin (prononcer Sullivan) est d’humeur chagrine : son ami de longue date, Colm, a décidé du jour au lendemain de ne plus avoir affaire à lui. Ignorant la raison d’un tel rejet, Pádraic s’entête à obtenir des réponses, provoquant toujours davantage l’exaspération de Colm qui finit par prendre des mesures extrêmes. Lesquelles risquent bien de le priver personnellement de sa passion pour la musique…
Ainsi, à mesure qu’il s’accroche à cette amitié comme à une chimère, Pádraic, non seulement réduit de façon irréversible la capacité de Colm à exercer son art, mais ne voit pas s’éloigner son entourage le plus proche ; en premier lieu, sa sœur Siobhan qui rêve de quitter Inisherin.
Entre l’humilité profonde de Pádraic, qui souhaite une existence simple, entouré de ceux qu’il aime, et la prétention de Colm, qui cherche à tout prix à laisser une trace à la postérité par la composition artistique et refuse de consacrer du temps à ceux qui le « freinent », le cinéaste nous montre clairement comment l’entêtement du premier va mettre en péril les aspirations de chacun.
En fin de compte, le cadre paisible dont jouissait Inisherin risque bien de connaître des tensions fratricides comparables à celles du reste du pays.
Ponctué régulièrement par les apparitions d’une banshee, figure mythologique celte qui s’apparente à une sorcière et prédit les décès à venir, le film de Martin McDonagh s’avère une fable poétique, enjouée et souvent absurde, sur le (nécessaire) lâcher-prise dans les relations humaines.
Servi par le trio gagnant de Bons Baisers de Bruges (Martin McDonagh, Colin Farrell et Brendan Gleeson), auquel se greffe la comédienne Kerry Condon (découverte dans la série Rome), Les Banshees d’Inisherin, véritable western irlandais, ravira, à coup sûr, les amoureux de la verte Érin, ne serait-ce que par ses paysages magnifiques et son humour typique, pince-sans-rire.
4 étoiles sur 5
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Irlande
3 commentaires
C’est grâce à Martin McDonagh que j’ai découvert que Colin Farrell avait du talent, merci pour ça. Dommage que « Bons baisers de Bruges » soit affublé d’un titre aussi banal qui sent davantage le film bien franchouillard que le drame qui s’y déroule. Je ne manquerai pas le trio magique dans ce nouveau film, j’attendrai seulement sa diffusion sur une chaîne cryptée qui me coûte seulement le prix de trois places de cinéma, pour un nombre de films quasiment illimité.
Un beau film malgré quelques longueurs …
Ça a l’air bien. Pour ma part, plus un seul euro donné pour le cinéma. Tant pis pour moi.