[CINÉMA] « Les Fantômes », la réalité syrienne à travers le prisme occidental

© Films Grand Huit_Kris Dewitte
© Films Grand Huit_Kris Dewitte

C’est un lieu commun depuis les films d’Eisenstein : le cinéma est une arme de propagande redoutable, le moyen par lequel une nation impose au monde entier sa vision d’elle-même, comme sa lecture des conflits internationaux. Et quand une œuvre abordant une guerre civile aussi récente que celle de Syrie (2011) est à ce point encensée par la presse occidentale, le spectateur alerte a de quoi s’interroger…

Coproduit intégralement par la France et l’Allemagne, Les Fantômes, de Jonathan Millet, aurait pu aborder mille aspects du conflit syrien, notamment l’avancée inquiétante de Daech ou bien la prise en tenaille du régime de Bachar el-Assad entre, d’un côté, les islamistes et, de l’autre, les sanctions de la coalition atlantiste. Le réalisateur – on s’en doutait – préfère relayer les discours habituels sur le président tyrannique qui opprime son peuple, emploie des armes chimiques et torture ses opposants politiques. Des faits avérés, même si des atrocités furent commises de toutes parts.

Bourreau et victime

Le récit suit un jeune rescapé des prisons de Bachar el-Assad, Hamid, venu jusqu’à Strasbourg traquer son ancien tortionnaire pour le compte d’une organisation mystérieuse formée d’opposants au régime. Assez éloigné du récit d’espionnage qui nous était promis, le film se concentre sur l’errance intellectuelle du personnage principal, cette victime des prisons syriennes qui a vu ses proches mourir, a subi la torture et observe de loin son bourreau. Lequel s’est détourné de Bachar et a entrepris de refaire sa vie en Europe

Plutôt convenu dans son évolution narrative, le film de Jonathan Millet trouve son intérêt majeur dans ces quelques séquences où s’apprivoisent les deux hommes et où le tortionnaire, bien sûr, ignore qui est en face de lui… On a déjà vu cela cent fois au cinéma, souvent en mieux, mais force est d’admettre que ce type de proposition fonctionne toujours, d’autant que le bourreau est campé par l’énigmatique et talentueux Tawfeek Barhom (Mon Fils, Marie-Madeleine, The Looming Tower ou encore La Conspiration du Caire). Plus à la traîne, son partenaire de jeu, Adam Bessa, n’affiche qu’une seule expression de visage durant tout le film, celle de la souffrance et du traumatisme, au point d’agacer prodigieusement. Que l’ancien bourreau ne soit pas plus soupçonneux à son égard est pour le moins surprenant…

On l’aura compris, Les Fantômes n’est pas tout à fait le film « implacable », « haletant », « fascinant » ou « poignant » que nous annonçait la presse. Un tel battage ne peut s’expliquer que par l'engagement anti-Assad du cinéaste.

2 étoiles sur 5

https://www.youtube.com/watch?v=4ffDy9iM_EI

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/07/2024 à 9:10.

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

8 commentaires

  1. Ça finit par devenir pénible de supporter ce genre de film qui oppose les méchants ( ici , forcément B el Assad et ses sbires ,) et les bons ,( ses opposants qui sont forcément tous ,de gentils et parfaits démocrates ). Gonverner un pays en proie d’un côté, a l’avancée de nos pires ennemis , lesIslamistes de Daech et aussi , par ailleurs ,aux attaques occidentales , ne doit pas être évident. Certes , des atrocités ont été commises de tous les cotés mais , Bachar renversé , Daech s’ emparait de la Syrie .Heureusement qu ‘il a pu se maintenir au pouvoir avec l’aide …de la Russie honnie par l’occident . Ce film n’apporte rien de nouveau , de pure propagande atlantiste , a mettre aux poubelles de l’histoire du cinéma. Sans intérêt.

  2. D’autre par ca n’est pas la Syrie de Bachar al Assad, qui a perpétué l’attentat de Rafic Hariri à Beyrouth ! Mais c’est le Mossad Israélien qui a perpétué cette attentat et qui donc seul coupable de cette attentat et non Bachar al Assad ! Hervé de Néoules !

  3. Ca n’est pas Bachar al Assad, qui a massacré son Peuple ! C’est la CIA et les Occidentaux qui ont organisés la rébellion Islamique, face à un système politique laïque ! La syrie est un état laïque je le rappelle et ce sont les Occidentaux, qui ont destabilisé ce Pays ! Ca n’est pas Bachar al Assad, qui a massacré son Peuple ! Et sans l’intervention salvatrice de la Fédération de Russie ! Ce pays n’existerait plus ! Hervé de Néoules !

  4. Et je suppose que cette propagande a été subventionné au nom de la préférence nationale par le biais de l’exception culture française ?

  5. Merci Monsieur Marcellesi pour votre commentaire.
    J’ai hésité à aller voir ce film parce que la bande annonce transpire déjà tout ce que vous dénoncez.
    Donc c’est confirmé, je n’irai pas le voir, d’autant qu’il est encensé par la critique de propagande d’État

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