[CINÉMA] Les Graines du figuier sauvage, ou le prix de la dissidence
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Nous recensions récemment le film Tatami et sa critique en règle du régime autoritaire en Iran. Plutôt risqué, le long-métrage de l’Israélien Guy Nattiv, coproduit par les États-Unis et la Géorgie, avait pu se faire grâce à des acteurs iraniens déjà tombés en disgrâce ou issus de la diaspora.
Bien plus courageux encore, dans la mesure où il a été tourné en Iran, et par une équipe intégralement iranienne, le film qui nous intéresse aujourd’hui, Les Graines du figuier sauvage, aura coûté l’exil forcé de son réalisateur. En effet, condamné, début mai, à huit ans de prison (dont cinq applicables) pour « collusion contre la sécurité nationale », Mohammad Rasoulof (Un homme intègre, Le Diable n’existe pas) avait réussi à s’enfuir en Allemagne.
Sorti chez nous le 18 septembre, ce nouveau film polémique, Prix spécial du Jury à Cannes en 2024, s’inscrit dans le contexte des manifestations anti-voile qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en 2022. Iman, avocat honnête et consciencieux, est promu enquêteur au tribunal révolutionnaire de Téhéran. Un poste à hautes responsabilités, bien payé, à travers lequel il est amené à entériner des condamnations sans la moindre preuve de culpabilité. Tandis que ses filles Rezvan et Sana soutiennent, en secret, le mouvement de protestation qui fait rage dans le pays, Iman participe à leur répression. Najmeh, sa femme, est, quant à elle, prise entre deux feux.
Le jour où ses collègues de travail l’informent que des listes circulent, parmi les manifestants, avec les coordonnées personnelles de nombreux représentants de l’autorité, le père de famille se voit confier une arme de service pour pouvoir protéger son foyer. Mais lorsque cette arme disparaît mystérieusement, Iman commence à suspecter ses filles et son épouse…
Une contribution aux manifestations anti-voile
Allégorie poignante et anxiogène d’un régime iranien paranoïaque qui persécute les siens, questionne sans arrêt leur fidélité, les accule, les pousse à la délation, les traque et les terrorise, Les Graines du figuier sauvage n’est rien de moins que la contribution modeste de Mohammad Rasoulof au mouvement de protestation qui secoue l’Iran depuis 2022. Le cinéaste ne s’en cache pas : « Mon expérience en prison a été singulière car elle a coïncidé avec le début du mouvement "Femme, Vie, Liberté" en Iran. Je suivais, avec d’autres prisonniers politiques, les changements sociaux depuis l’intérieur de la prison. Alors que les manifestations prenaient une ampleur inattendue, nous étions stupéfaits par la portée des protestations et le courage des femmes. »
Des conditions de tournage difficiles
La réussite de son film, réalisé à la fin de sa détention, est d’autant plus impressionnante que Rasoulof a eu toutes les peines du monde à le produire ; il a fallu opter pour une équipe technique minimale, approcher des acteurs suffisamment critiques du régime pour ne pas vouloir le dénoncer aux autorités et diriger le tournage de l’extérieur en prenant soin de n’être jamais présent sur le plateau (!). C’était mission impossible, mais le cinéaste l’a fait. Le résultat est bluffant, le film tient parfaitement la route. On regrette, cependant, quelques longueurs sur la fin, lorsque le père traque sa famille dans les ruines d’un village abandonné, mais ne pinaillons pas. Les Graines du figuier sauvage est un long-métrage subtil et extrêmement courageux dont nos cinéastes hexagonaux, militants et rebelles conformistes, seraient bien avisés de s’inspirer.
Quant à l’avenir professionnel de Mohammad Rasoulof, réfugié à Hambourg, il n’est nullement en danger. Gageons qu’il rejoindra tous ces artistes et comédiens réprouvés par Téhéran et parviendra à les fédérer autour de futurs projets.
4 étoiles sur 5
Thématiques :
Iran
5 commentaires
Tout le monde devrait voir ce film fabuleux, poignant et haletant. Les terribles évènements qui ont meurtri Israël ont pris naissance en Iran, chez les islamistes radicaux à la tête de ce beau pays. Dans cet Iran totalitaire, inquisitorial, violent et étouffant , qui n’hésite pas à massacrer sa jeunesse, les images sont parfois insoutenables et révoltantes. Ce régime criminel finira par tomber. Les Iraniens et surtout les Iraniennes méritent mieux que cela. Et bravo aux courageux réalisateur et acteurs.
» Ce régime criminel finira par tomber. » C’est l’évidence même. L’Empire perse, contemporain de la Grèce antique, a connu bien des invasions, et le régime des Mollahs, d’obédience communiste, ne date que de 1979. Patience!
Il faut absolument voir ce film qui montre le malheur de la population Iranienne qui n’en peut plus de ces religieux islamistes chiites qui ne tiennent le pays que par la dictature des mollahs appliquée par des exécutants corrompus.
Un très beau film allez y
Très courageux en effet, et très beau film. Demain peut-être aurons-nous les « Pins de la taïga sauvage », fait par un réalisateur Russe (qui bien sûr devra s’exiler et sera peut-être empoisonné ou défenestré)..