Cinéma : Les Passagers de la nuit, balade nostalgique dans les années 80
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Il y a des films qui vous hypnotisent par leur ambiance et vous font voyager dans le temps. Des films sensoriels et ouatés, plongés dans l’obscurité de la nuit, jusqu’à la lumière diffuse du petit matin.
Les Passagers de la nuit, de Mikhaël Hers, sorti début avril, est de ceux-là. Débutant le 10 mai 1981, le soir de l’élection de François Mitterrand, le film fait s’entrecroiser, dans les tours du quartier de Beaugrenelle à Paris, le destin d’une famille en pleine mutation et celui d’une jeune femme perdue, vivant au jour le jour, pour une trajectoire commune et fugace.
Quittée par son mari, Elisabeth Davies, incarnée à l’écran par Charlotte Gainsbourg, doit pour la première fois de sa vie trouver un travail pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, Mathias et Judith. Peu débrouillarde, dépourvue de toute connaissance technique ou administrative, Elisabeth, poussée par une nature hypersensible, postule spontanément à Radio France auprès de Vanda Dorval (Emmanuelle Béart). Celle-ci anime une émission de nuit qu’Elisabeth suit assidûment, où les auditeurs viennent s’épancher sur leur vie et obtenir conseil. Une émission évoquant aussi bien « Les Choses de la nuit » de Jean-Charles Aschero, sur France Inter, que celles animées plus récemment par Caroline Dublanche.
Dans le cadre de son nouveau travail, Elisabeth fait la connaissance de Talulah, une jeune femme à la rue, passant d’un squat à un autre, venue se confier à l’antenne. Touchée par sa personnalité, Elisabeth lui propose gentiment de l’héberger quelque temps dans son appartement.
Au contact des membres de sa famille, Talulah se sent acceptée, noue un lien fort avec son fils Mathias, mais ne partage pas vraiment leur souci du lendemain ni leur quête de stabilité matérielle ou affective. Un matin, sans un mot, Talulah s’en va… Près de quatre ans plus tard, alors qu’Elisabeth et ses enfants semblent enfin avoir trouvé un équilibre, la jeune femme revient, plus mal en point que jamais…
Récit poétique d’un sauvetage qui n’aboutit pas, Les Passagers de la nuit défend l’idée selon laquelle seuls les individus parvenus à se sauver eux-mêmes sont en capacité de sauver les autres, à condition que ces derniers veuillent réellement qu’on les aide.
Elisabeth, Mathias et Judith peinent, durant les trois quarts du récit, à trouver un ancrage et une stabilité dans leur vie. C’est lorsqu’ils y parviendront et qu'ils acquerront un minimum de sérénité qu’ils seront en mesure d’aider Talulah à s’en sortir. Seulement, le besoin de liberté et d’indépendance de la jeune femme ne risque-t-il pas, à ce moment-là, de court-circuiter ses efforts ?
Plein de bon sens, le film de Mikhaël Hers bénéficie, tout particulièrement, d’une direction d’acteurs et d’une esthétique visuelle très travaillées. Tourné sur pellicule 16 mm avec un grain magnifique, des couleurs légèrement baveuses et des halos de lumière, le tout monté avec des images d’archives, Les Passagers de la nuit parvient à restituer, sur fond de musique new wave contemplative, l’ambiance ouatée des années 80 tout en évitant deux écueils : les clichés du montage pop et énergique et la surpolitisation du propos général à laquelle se prête allègrement la décennie mitterrandienne. Pourtant, l’éloge de France Inter et la présence au casting d’Emmanuelle Béart et de Charlotte Gainsbourg, qui n’ont jamais fait mystère de leur bord idéologique, n’étaient pas de nature à nous rassurer…
Le réalisateur, heureusement, a l’intelligence d’axer le tout sur la nostalgie, la sentimentalité de ses personnages et l’esthétique générale. À ce titre, son film est une totale réussite.
5 étoiles sur 5
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5 commentaires
On peut pousser l’analogie ou la métaphore de ce film au niveau des individus, des peuples et des Etats, en se demandant si ceux-ci méritent le respect dans la mesure où ils ne se respectent plus eux-mêmes. L’abandon sans limite de soi et de ses valeurs, la soumission, l’acceptation progressive et sans limite de ce qu’on nous impose, est la première forme de l’irrespectable.
Ne perdons jamais de vue que mai 1981 marque le point de départ du déclin de la France.
Allons bon! Charlotte Gainsbourg…Suis-je la seule à la trouver laide et mauvaise actrice, Exactement comme une autre pistonnée par son patronyme, je veux parler de Sara Giraudeau dans « Le bureau des légendes »?
Bilan de la gouvernance socialiste ?
La présence au casting de deux « filles de… » , Béart et Gainsbourg, qui doivent quand même beaucoup au patronyme de leurs papas respectifs ….