Cinéma: « L’Histoire de Souleymane » n’a pas dédaigné l’argent de Bolloré

© Capture d’écran LCP
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Le député Charles de Courson indiquait récemment comme économie possible une réforme du « système des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, qui aboutit parfois à subventionner des films qui n’ont pas de public ». Ce système est une gigantesque usine à gaz, dans lequel le financement public est peu lisible - caché qu’il est dans un labyrinthe de subventions, d’aides, de prêts, etc.

Prenons l’exemple de L’Histoire de Souleymane qui a ému le festival de Cannes et pourrait soûler les spectateurs. Selon les Registres du cinéma et de l’audiovisuel, son budget total est de 2.645.043 euros, hors TVA. Du Centre national du Cinéma (CNC), il a touché une avance sur recettes (530.000 euros) et diverses autres aides. Le CNC est financé par des taxes, dont une sur les tickets de cinéma. Quand vous achetez une place pour voir un bon film, vous financez par avance un autre bon film… ou un très mauvais « qui n’aura pas de public ».

Les défenseurs du système disent volontiers que le fonctionnement du CNC, qui s’autofinance par taxation, ne relève pas des subventions publiques. C’est pourtant de l’argent public, et il fait des heureux. Un rapport du Sénat de 2023 notait que « 9,6 % des entreprises de production concentrent 65 % du soutien automatique, ce qui relativise l'idée d'un soutien reflétant l'extrême diversité du cinéma français ». L’exception culturelle française est pour partie un mythe.

L’aide à la diversité: la propagande par l'image

Ce qui n’est pas un mythe, c’est le « Fonds Images de la diversité » qui incite à « écrire une histoire commune de l’ensemble de la population autour des valeurs de la République », dit la notice. Pure propagande qui consiste à représenter « l'ensemble des populations immigrées, issues de l'immigration et ultramarines » (luttes raciales), de préférence « celles qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » (luttes sociales).

La diversité est généreuse: « Il n’y a pas de plafond maximum pour les aides à la production sur le Fonds Images de la diversité », dit le CNC. En 2023, ce fonds a distribué 1.484.000 euros. Le film L’Histoire de Souleymane a perçu 70.000 euros pour la diversité. On en conclut que l’histoire d’un migrant illégal, employé illégalement, s’inscrit « autour des valeurs de la République » et encore plus si l’acteur a été réellement lui-même sous OQTF.

Canal+, « premier financeur de la création cinématographique »

Sauf exception, le financement public d’un film ne peut excéder 50 %. Le restant est d’origine privée. Le mastodonte du secteur est le groupe Canal. Il a comme obligation de consacrer 17 % de ses investissements à la création cinématographique, dans les faits, il dépasse cette obligation. Apportant 200 millions d’euros par an, Canal+ est « le premier financeur de la création cinématographique en France » selon les mots de son président Maxime Saada. A ce titre, L’Histoire de Souleymane a touché 516.600 euros du Groupe Canal.

Détail du financement alloué par le Groupe Canal à "L'Histoire de Souleymane". Source : https://rca.cnc.fr/rca.frontoffice/consultation/inspub/9045a73b-2c83-4523-e79e-08dc39f92326

La façon dont la presse relaye ou pas les financements de Canal+ est instructif. Il n’est que de voir comment Télérama en parle à propos du film Vaincre ou Mourir (« financé par Studio Canal avec la bénédiction de son grand patron, le catholique un rien rigide Vincent Bolloré ») ou de l’adaptation du Suicide français (« pour une diffusion sur la chaîne documentaire du groupe Canal+, détenue par le milliardaire réactionnaire Vincent Bolloré »). Mais quand il s’agit de L’Histoire de Souleymane, en revanche, Télérama n’indique pas que la société de l’horrible-facho-très-riche est pour 1/5 du budget total…

Le groupe Canal, c’est Canal+, pain béni pour « la grande famille du cinéma », mais aussi C8 et CNews, les chaînes que ce même « monde de la culture » rêve de voir disparaître parce qu’elles appartiennent à Bolloré. En ce domaine, grand écart assuré pour nos cultureux, que le groupe Canal, consulté par BV, ne souhaite pas commenter. Et grande hypocrisie : on ne connaît pas de réalisateurs ni d’acteurs qui aient refusé d’être financés et rémunérés par « l’argent de Bolloré ». Qu’il soit public ou privé, semblent dire les acteurs du milieu, touchez pas au grisbi du cinoche !

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

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