[CINÉMA] Lire Lolita à Téhéran : la dissidence d’un groupe de femmes en Iran

Lire Lolita à Téhéran pose la question de l’exil : faut-il rester et résister, ou bien partir ?
Crédit Metropolitan FilmExport
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Le mouvement « Femme, vie, liberté », né en réaction à la mort de Mahsa Jîna Amini en 2022, commence à porter ses fruits. Le président iranien Massoud Pezechkian a renoncé, le 5 mars dernier, à un projet de loi sur « la promotion de la culture de la chasteté et du hijab ». Pendant ce temps, en France, nos « élites » de gauche, compromises jusqu’au cou avec l’islam politique dans une espèce de « pétaino-pacifisme », tergiversent ; certains s’offusquent même que l’on veuille interdire le voile islamique dans le sport. Mahyar Monshipour, ancien boxeur franco-iranien, vient très justement de remettre à sa place, sur ce sujet, le judoka Teddy Riner.

Le nouveau film d’Eran Riklis (La Fiancée syrienne, Les Citronniers ou encore Mon fils) vient donc à point nommé pour nous rappeler un peu la réalité du voile et de la place des femmes, en Iran…

Un film en dissidence

Coproduction israélo-italienne, Lire Lolita à Téhéran n’a pas été tourné au pays des mollahs, contrairement au récent film de Mohammad Rasoulof Les Graines du figuier sauvage. L’Israélien Eran Riklis a posé sa caméra à Rome, où il est parvenu à reconstituer la capitale iranienne, et s’est entouré de comédiens réprouvés par le régime et exilés en Europe – les deux têtes d’affiche, Golshifteh Farahani (À propos d'Elly, Exodus, Paterson) et Zar Amir Ebrahimi (Les Nuits de Mashhad, Tatami) ont d’ailleurs choisi notre pays pour destination.

Adapté de l’autobiographie d’Azar Nafisi, Lire Lolita à Téhéran nous raconte les désillusions d’une professeur de littérature anglaise et américaine revenue en Iran à partir de 1979, après la chute du chah, dans l’espoir d’une émancipation du peuple iranien…

L’échec de deux révolutions

Pour mémoire, l’échec relatif de la « révolution blanche » opérée par le chah dans les années 70, son refus de démocratiser le pays ainsi que son renforcement des lois restrictives, avec son utilisation abusive de la SAVAK, la police politique, lui aliénèrent une bonne partie de la population, désormais divisée entre les communistes du parti Toudeh, les républicains libéraux et les partisans d’un retour aux valeurs traditionnelles islamiques. « Ce sont, en définitive, ceux en qui l'on croyait le moins, explique Jean-Paul Roux, grand historien spécialiste de l’Orient et de l’Asie centrale, dans son ouvrage sur l’Iran, qui emporteront le régime : les islamistes. Eux seuls sont unis ; eux seuls savent vraiment ce qu'ils veulent ; eux seuls osent défier le chah ; eux seuls constituent une force organisée, hiérarchisée. »

Contraint à l’exil le 16 janvier 1979 sous la pression de la rue, le chah dut alors abandonner le pouvoir au très populaire ayatollah Khomeiny qui proclama la République islamique d’Iran, le 1er avril 1979, ratifiée par référendum. S’ensuivit, dans la foulée, une série d’exécutions et d’attentats contre les partisans de l’ancien régime, sous les regards étonnés des Occidentaux qui avaient plus ou moins appuyé Khomeiny… Enfin, le Conseil islamique révolutionnaire décida l’obligation du port du voile pour toutes les Iraniennes, dès l’âge de neuf ans.

Se cacher, résister, ou partir…

Le film de Riklis nous montre comment le professeur Nafisi fut témoin privilégié – et victime – de la chape de plomb qui s’abattit soudainement sur les femmes. Dans l’incapacité d’enseigner sereinement sa matière à l’université, elle décida donc de poursuivre son travail hors les murs et de réunir secrètement ses meilleures élèves afin de lire ensemble, en toute liberté, les classiques de la littérature anglo-saxonne. Des moments d’allégresse et de convivialité, sans voile, qui permirent à chacune d’interroger sa place dans la société et d’envisager l’avenir.

Plutôt convenu dans sa progression scénaristique et dans ses choix de mise en scène, ce « film de femmes » offre cependant une tribune politique appréciable à ses deux actrices principales – les autres sont un petit peu trop en retrait, leurs personnages n’étant pas suffisamment développés.

En prêchant la totale liberté de conscience, Lire Lolita à Téhéran, sorte de Cercle des poètes disparus au féminin, pose naturellement la question de l’exil, en fin de récit : faut-il rester et résister, ou bien partir ? Golshifteh Farahani et Zar Amir Ebrahimi ont déjà fait leur choix…

 

3 étoiles sur 5

https://www.youtube.com/watch?v=i3xDy5B88v8

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 08/04/2025 à 22:22.

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Partir, quitter son pays, c’est l’attitude des couards, des pleutre … et aussi des incultes et des apatrides.
    Les femmes Iraniennes, en exil temporaire pour sauver leurs vies de militantes, se battent depuis la France, l’Italie… pour leur Patrie. Les autres, en Iran, développent leur combat contre le fascisme islamiste.
    Aussi, les tueurs islamistes nommés « gardiens de la révolution », sont de plus en plus isolés, et Israël travaille au soulèvement populaire en Iran, contre les mollhas. C’est pour bientôt! Trump y veille aussi!
    Le courage admirable de ces Femmes a pour objectif la libération de tous, y compris de ces hommes complices et soumis au pire des obscurantismes.

  2. Femmes courageuses, bien autre chose que nos féministes qui par ailleurs les abandonnent ! Quand à nos voilées, qu’elles prennent conscience de la chance qu’elles ont de ne pas vivre dans ces pays de dictature religieuse !

  3. En France c’est pareil : seuls les islamistes sont unis, seuls les islamistes savent vraiment ce qu’ils veulent. Tandis que nous n’osons même pas interdire le voile dans le sport. Nous sommes passifs et la charia s’impose discrètement.

  4. ces femmes se battent pour leur liberté et chez nous elles veulent être entravées pauvre petite chose que sont ces Françaises déconnectées de la réalité et courage à toutes ces femmes Iranienne qui résistent comme elles peuvent au péril de leur vie.

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