Cinéma : Maternal, de Maura Delpero

Avec une certaine grâce, Maura Delpero nous livre un beau film sur l’abnégation et sur la difficulté de tenir son rang.
Film maternal religieuse pieta

À l’heure où l’enfant, en Occident, est en passe de devenir un droit comme un autre – pour le meilleur et surtout pour le pire –, la réalisatrice italienne Maura Delpero nous rappelle, avec Maternal, son dernier film, qu’un nouveau-né implique avant tout certains devoirs de la part des parents.

Luciana et Fatima vivent à Buenos Aires dans un foyer (« Hogar », le titre original du film en espagnol) pour mères adolescentes et célibataires, tenu par des nonnes. Tandis que Fatima a parfaitement intégré la nécessité, dorénavant, de raisonner en adulte et de faire passer son enfant avant son bien-être personnel, Luciana (Agustina Malale, parfaite dans sa composition) garde les deux pieds dans l’adolescence et fait subir quotidiennement à sa fille les conséquences de son immaturité. Bien plus préoccupée par sa vie sentimentale et ses coucheries d’un soir que par son rôle de mère, Luciana ne pense qu’à faire le mur pour aller danser, draguer et fumer ses pétards dans le dos des religieuses pour lesquelles elle ne témoigne que mépris. Parmi elles, sœur Paola, venue tout droit d’Italie, est prise en tenaille entre son devoir de charité envers les filles du foyer et son agacement bien légitime de jeune femme ayant volontairement renoncé aux joies de l’enfantement pour servir Dieu. Elle qui a fait le choix de consacrer sa vie aux autres ne comprend pas la légèreté avec laquelle Luciana, pathétique, continue d’envisager l’existence au détriment de sa fille. Si bien que lorsque la mère disparaît un beau jour, sœur Paola s’entiche de la petite Nina, injustement délaissée, et s’occupe d’elle comme si elle était sa propre enfant, s’écartant dès lors de son rôle de nonne…

Avec une certaine grâce, Maura Delpero nous livre un beau film sur l’abnégation et sur la difficulté de tenir son rang. Ni Luciana ni Paola ne semblent véritablement à leur place, dans cette histoire. Incertaine pour les deux femmes, l’issue du récit nous offre quelques plans magnifiques aux allures de Vierge à l’enfant où, débarrassée de sa coiffe, la religieuse s’abandonne pleinement à son instinct maternel tandis que la véritable mère, en passe de se voir retirer la garde de sa fille, réalise en quelques plans seulement son inaptitude profonde et sa médiocrité face aux événements.

Humble, trop sans doute pour accoucher d’un grand film, la démarche de la réalisatrice aura néanmoins le mérite de la sincérité et de la lucidité, ce qui n’a rien de négligeable.

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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