[L’ÉTÉ BV] [CINÉMA] Rien à perdre, les dérives de l’aide sociale à l’enfance
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À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, Rien à perdre de Delphine Deloget.
Sylvie, quadragénaire, éduque seule ses deux fils avec son modeste salaire de barmaid. Un soir, alors qu’elle est au travail, le cadet se brûle accidentellement dans la cuisine en voulant utiliser la friteuse. Rien de dramatique, mais les agents de l’aide sociale à l’enfance reçoivent aussitôt un signalement et décident préventivement de placer le garçon en foyer, le temps pour eux d’évaluer la capacité de Sylvie à remplir son rôle de mère…
Désemparée, celle-ci voit alors s’immiscer dans sa vie de parfaits inconnus qui, persuadés de savoir mieux qu’elle comment éduquer son enfant, vont passer au crible tous les aspects de son existence : son environnement professionnel, ses horaires de travail, l’état de son appartement, sa vie sentimentale, ses fréquentations, etc. Contrainte de se battre pour récupérer son plus jeune fils, avec le soutien indéfectible de l’aîné, de son avocat et de ses deux frères, Sylvie est sommée à tout moment de faire le dos rond, de se justifier de la moindre chose et d’acquiescer à chaque remarque ou critique de ses interlocuteurs. Chacun de ses propos risque d’être mésinterprété et retourné contre elle. Froisser, ne serait-ce qu’un instant, la susceptibilité des services sociaux peut lui coûter extrêmement cher – elle l’apprendra bien vite à ses dépens…
La « défaillance parentale », une notion floue
Avec Rien à perdre, son premier long-métrage de fiction, la documentariste Delphine Deloget prend le contre-pied de la réalisatrice Jeanne Herry qui, en 2018, faisait l’éloge de l’aide sociale à l’enfance à travers son film Pupille, récit didactique et passionnant sur le long processus d’adoption d’un nouveau-né. Deloget, elle, choisit de se frotter aux dysfonctionnements et abus de cette institution qu’elle juge trop prompte à retirer aux parents la garde de leurs enfants sur des motifs fallacieux – entre 70 % et 80 % des placements en foyer, confie la cinéaste en entretien, auraient pour origine une simple « défaillance » parentale, notion floue laissée à l’appréciation de chacun.
À ce sujet — Cinéma : Pupille, à contre-pied du droit à l’enfant
Deloget dresse alors un portrait peu flatteur (caricatural ?) des employés de l’ASE : bien-pensants, pétris de certitudes, doucereux, ils dissimulent bien mal leur instinct dominateur. Non contents de verser dans le psychologisme facile et de distribuer les bons points, ces pseudo-experts de l’enfance ont tout pouvoir sur l’avenir des familles. C’est bien simple, plus Sylvie se plie à leurs désirs, plus elle aggrave son cas et s’enfonce dans les sables mouvants d’un système kafkaïen et déshumanisant. Et à chaque fois qu’elle laisse paraître sa colère, évidemment, s’éloigne davantage la possibilité de récupérer son fils.
Un récit bien mené
Au-delà de la critique des services sociaux, Rien à perdre – le titre prend tout son sens avec le dénouement du récit – réprouve plus globalement la prise de pouvoir des experts dans nos sociétés occidentales qui trouve sa source dans un certain rationalisme scientiste apparu au courant du XIXe siècle dans le sillon de l’idéologie du progrès. Un rationalisme froid, juridique et procédurier qui tend à faire fi du bon sens populaire et s’avère destructeur pour le corps social.
En soi, le film de Deloget est bien mené. Sa mise en scène reste prosaïque mais parfaitement adaptée à ce type de récit. La réussite globale tient beaucoup, également, à ses trois acteurs principaux, Virginie Efira, Arieh Worthalter et le jeune Félix Lefebvre qui, révélé par François Ozon avec Été 85, s’est pleinement investi dans son rôle au point de prendre vingt kilos. Il a su hisser son jeu au niveau de ses partenaires.
4 étoiles sur 5
https://www.youtube.com/watch?v=PSMdv5OeRKg
16 commentaires
Et après, on s’étonne que les jeunes français ne fassent plus d’enfant. Si c’est pour avoir sur le dos une dictature bien-pensante de l’ASE, ils ont raison. Si on fonde une famille et que l’on a des enfants, c’est pour les éduquer TOTALEMENT, et non pour avoir des fonctionnaires sur le dos.
Les employés de l’ASE sont comme les juges, des fonctionnaires imbus du pouvoir qu’on leur donne, et qui ne sont jamais responsables de rien en xas de défaillance
Administration= fonctionnaire=aucune responsabilité ni sentiment.
Nous nous acheminons tout doucement vers ce qui se passe depuis très très longtemps en Angleterre où les enfants sont véritablement arrachés à leur famille pour des raisons fallacieuses. Et bien souvent ces enfants deviennent des « jouets sexuels » dans un silence assourdissant.
Le charme émouvant de Virginie EFIRA fait passer la charge contre l’ASE pour une juste révolte, mais effectivement il faut se garder de voir les services sociaux comme une éternelle police parentale; l’ASE a des méritoires raison d’exister, face à l’incurie de nombreux foyers mis en cause. Contrairement au cas cité dans ce film, l’ASE prend cause essentiellement en faveur de la mère dans les conflits conjugaux mettant les enfants en danger.
Les services sociaux sont trop souvent incompétents . En faveur ou défaveur des famillee monoparentales ou non .
Quelle formation ont reçu ces « fonctionnaires » ?
Ah, ah ! vague formation de » psy » (-chologues au rabais) , au mieux. Sinon: Formation de fonctionnaires, lecteurs de codes (civil) /pavés hermétiques…
Le film de Jeanne Herry était juste et honnête.
C’est tellement facile de stigmatiser l’ASE …
On n’imagine pas les dommages qu’auraient subis certains enfants si ils n’avaient pas été placés en amont.
Je n’irai pas voir ce film car je suis neuro psy et j’ai travaillé dans ce domaine .
je ne sais pas si c’est » facile » de stigmatiser l’ASE … mais par curiosité et pour ma culture personnelle j’irai sans doute voir ce film qui propose un » autre point de vue » qui souvent en tant que néophyte m’assaille en filigrane.
Je suis en effet souvent étonnée de la soit disant » expertise » de certain corps de métiers… la crise du covid a été un puissant révélateur d » experts » – le climat également – l’économie c’est tout les jours, bref, tout ces gens qui savent tout sur tout et mieux que tout le monde, çà finit par créer le doute, voir le rejet lorsqu’on est doté d’un minimum de bon sens –
Je ne connais pas le monde de l ‘ ASE , un peu mieux celui de l ‘économie et de l ‘écologie , et sur ce point , je suis bien d ‘accord avec vous , on assiste à une vaste manipulation des esprits dans les médias publics …
Je vous approuve sur les soit-disants » experts » !
Nous sommes d’accord. J’ai vu près de moi une mère célibataire, pourtant déchue de ses droit parentaux, conserver en priorité absolue ses droits de visite avec son enfant en foyer d’accueil, grâce à l’ASE, alors que les grands-parents de celui-ci en réclament la garde.
Nous vivons la République des experts (Covid, climat, économie…) et ces derniers nous mènent droit dans le mur !
Pour une broutille on en vient à détruire une famille et mettre un enfant en danger . Que font donc ces agents quand des gamins de 10/12 ans trainent dans la rue à des heures incongrus ,quand ils attaquent un agent de police , là ils n’interviennent jamais .Allez comprendre .
En parallèle, on laisse des enfants dans des environnements plus que nocifs, pour ne pas briser « le lien familial » !
Je suis d’accord que l’on donne trop de pouvoir à des gens qui en usent et abusent en se donnant les meilleures raisons pour le faire . Ils utilisent trop souvent des notions pseudos psychologiques pour imposer leurs choix de retirer des enfants à leurs familles.
Je pense par ailleurs que la société est trop psychologisée si j’ose dire ; tout le monde s’improvise psy . Je crois au bon sens populaire , et aux travail des vrais professionnels mais le problème c’est que tout cela demande du temps pour produire un diagnostique sûr et aujourd’hui on travail trop dans l’urgence mais il faut au contraire un suivi sur le long terme parce que l’ on ne joue pas avec la santé mentale d’un enfant .