Cinéma : Riverboom, le documentaire à ne pas rater

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C’est relativement rare, mais l’on tombe parfois sur des films absolument uniques en leur genre, totalement inattendus, qui ne ressemblent à rien de préexistant. Certes, nous connaissions déjà le concept de « found footage », qui consiste à réutiliser des images perdues, fraîchement retrouvées, pour fabriquer un nouveau film. En la matière, le cinéma d’épouvante est passé maître dans l’art de produire des faux – on pense, évidemment, au Projet Blair Witch, à REC, à Cloverfield ou encore à Paranormal Activity.

Sorti en salles le 25 septembre dernier, Riverboom est un « vrai », pur jus, mais avec tout de même pas mal de sucre ajouté… Un documentaire suisse joyeusement foutraque, excentrique et fantaisiste dont les images avaient été perdues pendant deux décennies avant d’être retrouvées puis montées par leur créateur.

 

L’Afghanistan par la rigolade

Un an, seulement, après l’effondrement du World Trade Center, survenu le 11 septembre 2001, Claude Baechtold se voit proposer par le reporter de guerre Serge Michel, journaliste au Figaro, un périple en Afghanistan, alors en plein conflit armé. Muni simplement d’un appareil photo bon marché, Baechtold accepte l’aventure sans trop savoir dans quoi il met les pieds. Sur place, le jeune homme obtient une fausse carte de presse, dégote une caméra DV amateur puis est rejoint avec son compère par Paolo Woods, un photographe de guerre chevronné. Guidées par un traducteur un peu zinzin, ces trois têtes brûlées vont alors parcourir le pays, de Kaboul – zone sécurisée aux mains des Occidentaux – jusqu’au nord, où s’affrontent deux seigneurs de guerre.

Filmé sur un mode surréaliste où l’ironie mordante de la voix off, enregistrée vingt ans après les images, le dispute à l’amateurisme de l’époque, Riverboom n’a rien du documentaire rigoureux, sérieux et factuel auquel on pourrait s’attendre sur la guerre en Afghanistan, même si Claude Baechtold fait l’effort minimum, auprès du spectateur, de contextualiser les conflits, avec synthèse, pédagogie et moult cartes. Narquois, le réalisateur ne manque pas d’exposer, au passage, la méconnaissance et le désintérêt patents des réalités sociologiques du pays par l’armée américaine, et le messianisme délirant de ses gradés…

 

Immortalisation d’une aventure de jeunesse

Son sujet, en vérité, n’est pas tant la géopolitique et la situation chaotique de l’Afghanistan – bien que ce fût l’objet initial de son voyage – que l’immortalisation et la célébration nostalgique de cette aventure de jeunesse. Une période de la vie du cinéaste où tous les risques étaient permis, y compris celui de traverser des terrains minés, de filmer des champs de cannabis aux mains des talibans ou d’aller interviewer de façon un peu cavalière des tueurs sanguinaires à la mine patibulaire.

Documentaire déjanté, détonnant radicalement avec la gravité des événements – on pense souvent au style de Michael Moore –, Riverboom est également un mélange complexe d’images filmées, de photographies d’époque, d’archives et de commentaires ajoutés qu’une bande son rythmée parvient aisément à agglomérer. Claude Baechtold nous livre là un objet cinématographique solide, drôle et souvent piquant à côté duquel il serait dommage de passer.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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