Des films à voir ou revoir cet été : Les Duellistes, de Ridley Scott

LES DUELLISTES

Vieux films ou nouveautés, chefs-d'œuvre célèbres ou pépites injustement méconnues... suivez pendant l'été les conseils cinéma de Pierre Marcellesi.

La bande-annonce du prochain film de Ridley Scott, Le Dernier Duel, dont la sortie est prévue pour le mois d’octobre, est visible depuis quelques jours sur Internet. Alors que les images suggèrent un mélange entre Gladiator et Kingdom of Heaven, le titre et le synopsis ne manqueront pas d’évoquer Les Duellistes, premier film du cinéaste sorti sur les écrans en 1977.

À l’époque, Ridley Scott avait déjà réalisé près de 200 spots publicitaires et désirait passer au long-métrage. Sans argent, il se mit à parcourir la littérature du XIXe siècle en vue d’adapter une œuvre tombée dans le domaine public. C’est finalement une nouvelle de Joseph Conrad qui attira son attention. Parue en 1908, Le Duel relate la relation tumultueuse de deux soldats français, du Consulat jusqu’à la Restauration, qui chaque fois qu’ils se rencontrent croisent le fer pour régler un vieux différend dont plus personne n’a souvenance.

Lorsque le hussard Gabriel Féraud, incarné à l’écran par Harvey Keitel, blesse en duel le neveu du maire de Strasbourg, le brigadier-général Treillard décide de le faire arrêter et confie la tâche au lieutenant Armand d’Hubert, joué par Keith Carradine. Ce dernier vient chercher Féraud jusque dans le salon de Mme de Lionne et froisse sa fierté. Le hussard alors provoque d’Hubert en duel. Un combat qui n’aboutit à rien dans la mesure où Féraud n’en accepte pas l’issue. La décision hiérarchique, par la suite, de faire arrêter les deux duellistes tombe à l’eau lorsque la nation entre en guerre. Dès lors, un contentieux lie Féraud et d’Hubert, éternels adversaires chaque fois réunis par les hasards des campagnes militaires.

Notons, au passage, que la nouvelle de Conrad s’inspire, semble-t-il, d’une histoire survenue dans les environs de Sarlat ; c’est ce qu’avait révélé le maire de la ville à Ridley Scott à l’époque du tournage.

Le film est intéressant à plus d’un titre ; il dresse le portrait d’une certaine jeunesse française en pleine explosion démographique à la veille de l’Empire, laquelle fournira les contingents militaires nécessaires aux campagnes de Bonaparte. Une jeunesse fougueuse, intrépide, passionnée, que l’on retrouve tout incarnée dans le personnage de Gabriel Féraud, celui par qui tout commence et qui refuse jusqu’à la fin de lâcher le morceau. À travers lui, on pense évidemment à Napoléon, notamment lors du dernier plan du film qui nous montre Féraud, surplombant une colline, de dos, seul face à lui-même avec son bicorne sur la tête. Armand d’Hubert, quant à lui, évoque une autre jeunesse française, celle qui, écœurée par les guerres de la Révolution et de l’Empire, aspire à la tranquillité, au ménage et à un certain embourgeoisement ; autrement dit, celle qui verra plutôt d’un bon œil l’arrivée de Louis XVIII sur le trône et le retour à l’ordre.

L’évolution du récit donnera raison à d’Hubert, bien que la passion de Féraud en soit le véritable moteur et que c’est lui, en définitive, qui fascine le spectateur. Précisons quand même que Ridley Scott est anglais, comme le fut Joseph Conrad qui prit la nationalité britannique à 29 ans ; le regard que les deux hommes portent sur l’Empire et la Restauration, par conséquent, n’est sans doute pas totalement neutre et doit être, au moins en partie, envisagé sous l’angle des conflits séculaires entre la France et l’Angleterre.

Au-delà de son aspect historique, Les Duellistes séduit par sa façon de mettre en scène les valeurs martiales, le sens de l’honneur, de la réputation, le souci du rang à tenir, de la constance au fil des ans. Que de valeurs dont manque cruellement aujourd’hui notre jeunesse et qu’il convient de lui réinculquer.

Le film bénéficie, de surcroît, d’une photographie magnifique, largement inspirée – de l’aveu même de Ridley Scott – du Barry Lyndon de Kubrick, avec ses éclairages en lumière naturelle, à la bougie, et ses filtres Tiffen, conférant au tout un cachet particulier, proche de la peinture, loin de ces images numériques artificielles dont nous abreuve le cinéma contemporain.

Un film à découvrir ou à redécouvrir en famille.

 

5 étoiles sur 5

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=EdViaQFT8rc&authuser=1

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/07/2021 à 16:52.
Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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