Cinquante ans après : les leçons actuelles du printemps réprimé de Prague
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Au matin du 21 août 1968, des troupes blindées et des dizaines de milliers de parachutistes du pacte de Varsovie, l'équivalent de l'OTAN pour les pays de l'Est, ont envahi la Tchécoslovaquie. Brejnev, secrétaire général du Parti communiste de l'URSS, veut mettre fin au printemps de Prague auquel Alexandre Dubček a ouvert la voie. La population ne résiste guère, Dubček se voit imposer un texte de capitulation. C'est le début de la « normalisation ». En quelques jours, l'ordre règne à Prague.
Cette intervention renforça pour un temps l'autorité du Parti communiste tchécoslovaque, illustrant une nouvelle fois les limites de la souveraineté des États satellites pour les maîtres du Kremlin. On aurait pu citer, aussi, l'insurrection de Budapest et sa répression sanglante, en 1956. Laissons aux historiens le soin d'analyser cette période et d'expliquer les raisons multiples pour lesquelles l'URSS finit par se disloquer. Mais on peut tirer, pour aujourd'hui, quelques leçons de cet épisode tragique.
Le Bureau politique du Parti communiste français exprima "sa surprise et sa réprobation" à la suite de cette intervention militaire, mais il n'était pas encore mûr pour condamner l'impérialisme de l'URSS. Roland Leroy, l'un des dirigeants du PCF, présent à Prague, a témoigné dans L'Humanité, le 25 août 2008 :
« La réaction du Parti communiste français se voulait sans équivoque […]. Sans équivoque, mais limitée. »
Pas question de remettre en question "la conception du rôle pour le moins prééminent de l'Union soviétique" ni celle "du rapport des classes sociales" découlant du marxisme.
Il faudra encore beaucoup de temps au Parti communiste pour emprunter quelques signes extérieurs de démocratie. Ne parlons pas de son emprise, longtemps durable, sur certains syndicats, jusqu'à la composition de leurs listes professionnelles. Tant mieux s'il a évolué, bon gré mal gré, fût-ce pour survivre, mais pourquoi ne pas confesser un passé loin d'être irréprochable ? Faut-il rappeler que son allégeance à Moscou s'est révélée en de multiples occasions ? Qu'il ne participa à la Résistance qu'après la fin du pacte germano-soviétique ? Qu'il mit du temps à reconnaître les crimes staliniens, alors même qu'ils étaient patents ?
Quand certains dirigeants communistes soulignent, pour le discréditer, que le Rassemblement national pourrait avoir des accointances avec des mouvements qualifiés de néo-nazis, ne faudrait-il pas leur conseiller de balayer d'abord devant leur porte ? En 1940, des militants d'extrême droite, notamment de l'Action française, furent les premiers à résister aux Allemands, bien avant les communistes. Beaucoup d'entre eux, vingt ans après, défendirent l'Algérie française, alors que des communistes portaient les valises du FLN, qui pratiquait en masse le terrorisme qu'on reproche aujourd'hui aux islamistes.
Plutôt que de chercher des poux à Vladimir Poutine, on devrait reconnaître qu'il a su tirer son pays du totalitarisme dans lequel il s'était embourbé pendant plus de cinquante ans. Les dirigeants européens, notamment, au lieu de prendre des sanctions contre la Russie et souligner ses atteintes aux droits de l'homme, devraient chercher à se rapprocher de ce pays, qui a une longue tradition culturelle occidentale, non le rejeter vers des alliés discutables comme la Chine, l'Iran ou la Turquie.
Chacun jugera, enfin, si l'Union européenne n'est pas devenue, à son tour, une immense machine à « normaliser », qui n'utilise sans doute pas, pour étendre son influence, la contrainte des armes, mais le chantage des capitaux. On pourrait demander au peuple grec ce qu'il en pense.
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