Ciotti et Boyard : deux conceptions de l’élégance parlementaire
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Éric Ciotti a ouvert les hostilités, cette semaine, en réclamant le retour au port de la cravate dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. On sait que les Insoumis, depuis 2017, font de l'absence de cravate un point d'honneur un peu absurde. Le député des Alpes-Maritimes, fidèle à sa vision du monde, réclame quant à lui un peu de dignité.
Louis Boyard, l'un des benjamins de l'Assemblée, lui a répondu par le biais d'une lettre ouverte à la présidente de l'Hémicycle, Yaël Braun-Pivet. Il y déplore la présence de députés vêtus de costumes onéreux et demande que l'on interdise, « par respect pour le peuple », le port de ces tenues.
Au fond, on pourrait se dire que chacun est l'héritier de sa famille politique. Les Insoumis, qui comparèrent jadis les sans-cravate aux sans-culottes, sont les héritiers des Montagnards et des enragés de la Révolution. On sait, parmi eux, le soin qu'avait un Marat, par exemple, d'apparaître toujours sale, les ongles noirs, le linge douteux. Une manière de faire peuple, guère respectueuse du peuple d'ailleurs.
Ciotti, lui, est l'héritier des gens simples qui s'endimanchaient pour les grandes occasions. Il nous parle également d'un temps où les fonctions sociales appelaient, mécaniquement, le port d'un certain uniforme : la blouse noire de l'instituteur, la blouse blanche du docteur, le costume du notable ou encore... la soutane de l'abbé.
Une anecdote illustrera, à elle seule, l'efficacité de ce sens de la tenue. Comme beaucoup de sales fachos, j'ai un ami prêtre qui porte la soutane. Il devait baptiser, un jour, un enfant venu d'un milieu simple et peu pratiquant ; ne voulant pas les impressionner, il était venu à l'église en col romain. Consternation des parents : « Pourquoi n'êtes-vous pas en soutane ? On n'est pas aussi bien que les autres ? » Avec lucidité, ce couple de paroissiens avait bien compris que le port d'une tenue solennelle, qui correspond à votre état, est une marque de respect et non de snobisme ou de distance. Quand on représente quelque chose de grand, de plus grand que soi, on ne s'appartient plus.
Terminons par la remarque économique de ce petit bourgeois prétentieux que semble être Louis Boyard : au sujet du prix des costumes, un Insoumis devrait savoir que cela coûte toujours moins cher d'acheter ce qu'il y a de mieux. Sacrifier à la fast fashion est bien plus dispendieux (et laid, bien sûr) que d'économiser pour se payer un vrai costard de monsieur. Comment sait-il, d'ailleurs, combien coûtent les costumes de ses collègues ? Sait-il, comme feu Karl Lagerfeld, reconnaître une épaule Cifonelli à 200 mètres ? On ne pariera pas là-dessus.
La vraie décroissance, c'est de porter jusqu'à la corde des choses qui jadis furent chères. Tout comme le vrai respect du peuple, c'est de s'habiller correctement pour parler en son nom. Ces gens sont décidément nuls.
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