Clash Ardisson-Saldmann : quand Thierry Ardisson défendait Bolloré

Capture d'écran YT
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Sa prise de bec avec Sarah Saldmann fait le tour du Web. D’un côté, une jeune avocate de droite qui monte en flèche dans la médiasphère, grâce à ses apparitions sur les plateaux de CNews. De l’autre, Thierry Ardisson, un des animateurs les plus inventifs de la télévision, qui a quitté le feu des projecteurs.

Dimanche, France 5 avait invité l’avocate Sarah Saldmann, révélée par CNews, dans l’émission C médiatique animée par Mélanie Taravant. La question du jour ? La star de C8 Cyril Hanouna a-t-il rompu son fameux et juteux contrat avec le groupe Canal+ ? En gros, assiste-t-on à la ruine de l’enfant terrible de la maison Bolloré médias et à la ruine de cette maison tout entière ? À force de le souhaiter nuit et jour, certains à gauche ont fini par y croire. Dans ces cas-là, on cherche fébrilement dans les carnets d’adresses l’homme qui va dézinguer Bolloré et son œuvre. Et on tombe invariablement sur… Thierry Ardisson. Dimanche, sur le plateau de France 5, Ardisson fait le job. Il fait référence à l’arrêt de la dernière émission surgie de son cerveau fertile, Zéro limite, diffusée un temps sur C8. « Moi, quand Vincent Bolloré m’a viré, ce n’était pas si grave, mais ça avait mis quasiment 100 personnes sur le carreau, attaque l’homme en noir. Là, on parle de 300 personnes et ça ne le dérange pas. » Ardisson évoque ici l’arrêt de C8 prévu fin février 2025 sur décision de l’Arcom.

Ardisson et Bolloré, deux vieilles connaissances

Lorsque Saldman défend Hanouna, « une des seules personnes du PAF qui donne la parole à tout le monde », dit-elle, Ardisson, agacé, réplique : « Arrêtez-vos conneries ! » Il attaque l’inculture d’Hanouna, avoue qu’il méprise ses deux millions de téléspectateurs, explique que l’émission d’Hanouna Touche pas à mon poste ! consiste à « mettre quatre connards autour d’une table » et tombe dans le procès mainstream crasse : « Vous bossez pour le groupe Bolloré ! » Il reprend : « C’est la chaine de l’extrême droite. » Odieux. Réponse de Sarah Saldmann : « Vous racontez n’importe quoi. Vous êtes tellement aigri d’avoir été viré que vous dites n’importe quoi ! Vous en parlez tout le temps. »

On retrouve le vrai Ardisson quand il prédit dans la foulée une belle carrière médiatique à Sarah Saldmann, personnage « cash à l’époque du pas de vague ». Une qualité sur laquelle lui-même a bâti sa carrière. L’homme vaut mieux qu'un faire-valoir pour militants anti-Bolloré, le point de ralliement paresseux de toute la gauche culturelle.

Car ce qu'Ardisson n’a pas dit, dimanche, c’est qu’il connaît Bolloré. Depuis quarante ans. Depuis qu’ils se sont croisés dans l’entourage du candidat Giscard d’Estaing, dans les milieux de droite réac fréquentés par la communicante Anne Méaux ou l’ex-PDG de Vivendi Jean-René Fourtou. Il fut un temps où Ardisson défendait crânement le même Bolloré, que la gauche déchirait déjà à belles dents après la mise au pas du totem Canal+.

Royaliste

Le 13 juin 2016, alors que le milieu médiatique pleure le massacre par Vincent Bolloré de la Sainte Trinité branchée du PAF Les GuignolsLe Grand Journal et Le Petit Journal, Ardisson met les pieds dans le plat : Bolloré « est là pour que les actionnaires gagnent plus d'argent, explique-t-il, ce qui est le principe du système capitaliste. Après, si on n'accepte pas ça, il faut aller faire de la télévision en Corée du Nord. ». À gauche, on s’étrangle d’indignation, d’autant qu’Ardisson parle du haut d’une œuvre télévisuelle inimitable. Il a eu droit, de son vivant, à une soirée spéciale, le 10 septembre 2016 : Génération Ardisson: 30 ans de télévision. Royal.

Ses émissions Lunettes noires pour nuits blanches, dans les années 1980, ou Tout le monde en parle, dans les années 1990, entre autres, s’empilent dans La Boîte noire de l’homme en noir, éditées en coffret par l’INA (Institut national de l’audiovisuel) : pas moins de sept DVD. Pas mal, pour un homme qui ne s’est jamais situé à gauche de l’échiquier politique. Les sites de gauche ne s’y trompent pas, à l’image d'Acrimed qui stigmatise, en 2019, Thierry Ardisson, ou les lamentations d’un baron de la télévision.

Entre deux tournages, l’auteur des Confessions d’un baby boomer (Flammarion, 2005) taquine la plume et la bien-pensance, balançant entre l’évocation des colonies - Pondichéry, son roman paru en 1994 pour lequel il fut accusé de « plagiat massif » - et son amour pour la… monarchie française ! Il publie Les Fantômes des Tuileries sur « la fin de l’histoire des Bourbons de la branche aînée » en 2016. Il était royaliste lors de la sortie de son livre Louis XX. Contre-enquête sur la monarchie, paru en 1986 et vendu, selon lui, à 100.000 exemplaires. « Je pense toujours exactement la même chose », nous disait-il, en 2016, à l'occasion d'un portrait pour le magazine Challenges. Tant pis pour le qu’en-dira-t-on ! Il a peaufiné sa personnalité, mélange de convictions, de pose et de provocation, puissants remèdes contre l’anxiété qui le taraude.

« Tu es comme Hitler, toi ? »

Le politiquement correct, assez peu pour lui. Au printemps 2015, il habite rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, quand il s’emporte ouvertement contre la marchandisation de la rue de Rivoli, toute proche. Un mot sur les kebabs, priés de déguerpir au nord du périphérique, a enflammé la Toile. Là encore, il assume crânement. « Ça me gêne, ce que sont devenues ces arcades Rivoli, quitte à passer pour un sale réactionnaire, je m’en fous. » Ardisson a joué sur cet écart avec la télévision policée d’autrefois. On se souvient de ses questions, au temps où les chanteurs et les politiques étaient intouchables. « Préfèrerais-tu coucher avec un verrat, un chien ou un âne ? », demande-t-il à Françoise Hardy, qui choisira l’âne. Et comme elle explique qu’elle ne garderait pas un enfant difforme, Ardisson demande : « Tu es comme Hitler, toi, finalement ? »

Il nous confie en 2016 : « En provocation, tout a été fait. Aujourd’hui, les gens ont besoin de repères. » Dommage qu’il ait tendance à les brouiller. L’attachant Ardisson vaut décidément mieux qu’une saillie politiquement correcte sur fond d’amertume professionnelle.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Pas un fan de Thierry Ardisson qui dans son émission (la seule que j’ai suivie) « salut les terriens » frisait parfois l’insolence voir la vulgarité , compensée par les bouffonneries de Laurent Baffie , depuis lors Thierry Ardisson a échappé à mes contrôles radar ; aussi les émissions de Cyril Hanouna ne valent guère mieux, se différenciant par moins de vulgarité , on peut apprécier ou pas (je suis de ceux-là) , il faut croire que le clownesque a changé d’habit de nos jours. On voit notre pays sombrer dans la violence tant verbale que physique , ils sont l’un et l’autre coupables de ces situations de tension. Je crois savoir qu’ Ardisson officie dans l’espace public, rien de surprenant dès lors à son retournement de veste , quand ce n’est pas un lavage de cerveau pour briller dans la sphère publique.

  2. Stop à la gérontophobie ridicule !.. C’est insupportable !.. De nos jours, on n’est pas un vieillard à 75 ans !..
    Dire que l’âge rend con est une imbécillité, car un vieux « c** » n’est rien d’autre qu’un jeune « c** » qui a vieilli !..
    Quant à Ardisson, il est surtout furibond qu’après l’avoir « remercié », sa chaine ne lui ai pas même fait ériger un « hérôon » dans la cour …
    Ces gens là ont été des dieux vivants pendant des décennies Madame !.. et subitement, pouf !.. la petite boulangère du coin qui ne les connait pas et leur dit « m’sieur ici on fait la queue … on n’passe pas devant tout le monde !..
    C’est dur non ?.. mettez-vous à la place de tous les Ardisson du Paf !..
    Surtout qu’après ces remarques désobligeantes pour une « star » … c’est l’EPADH …
    C’est dur la déchéance d’une « star » !..

  3. Ardisson fait un faux procès à Hanouna . Celui-ci n’a jamais eu la prétention de faire une emission à caractère purement intello , branché ou culturel . De toute façon, le créneau horaire ne s’y prêterait pas . On ne peut dire à 20 heures ce que l’on dit à 23 heures . Il fait du « people » , de la vulgarisation politique et cherche à capter les accros aux réseaux sociaux, et la sauce prend .
    Ardisson dont par ailleurs , j’aime bien la personnalité ,ainsi que les émissions où le politiquement correct n’était pas de mise , laisse penser qu’il comparerait « tout le monde en parle » à TPMP .
    Il est vrai que Ardisson faisait parfois dans le « trash » notamment avec Baffie , mais par son éclectisme a aussi révélé au public des personnalités très interessantes . C’est ce mélange des genres dont s’est inspiré Hanouna, mais à une heure de grande écoute où les gens ne sont pas dans les mêmes dispositions qu’à 23 heures . Je pense par contre qu’Ardisson aurait encore sa place dans un autre créneau horaire.
    Il manque à la TV un animateur un peu provocateur et cultivé de sa stature .Son mépris des spectateurs qui regardent l’emission de Hanouna est une provocation de plus à son actif mais celle-ci ne le grandit pas parce qu’il ne nous avait pas habitué, au mépris, jusque là !

  4. A 75 ans, que fait ce bonhomme sur les plateaux ? N’y a-t-il pas un âge requis pour la retraite de ces amuseurs publics ? Manque t-on a ce point de talents pour devoir réchauffer toujours les mêmes plats a la sauce « débinage » et l’étalage d’égos peu maitrisés ? Que nous soient épargnés ces retours bileux et entachés d’amertume. Ces gens n’ont aucun respect pour eux-mêmes et aucune humilité. Dommage que des chaines, sans grande imagination, doivent infliger ces commérages aux téléspectateurs….qui, pour certains, s’en repaissent ! Quel intérêt ???

  5. Ardisson a fait de la télé « disruptive » et provocante, tout en sachant se renouveler sur 3 décennies passées dans le PAF. Chapeau ! Il reproche maintenant à Hanouna de faire des émissions « de M », parfaitement calibrée pour son auditoire. Sur ce point, il n’a pas tort : Hanouna est à l’image de la France d’aujourd’hui : inculte et gavée de réseaux sociaux. Tout le contraire d’Ardisson, qui n’a jamais renié le fond pour la forme. Qu’il crache sur Bolloré est en revanche questionnable, lui qui en a si bien profité après son éviction du « service public ».

  6. Parfois la vieillesse semble modifier le caractère d’une personne : elle donne l’impression de s’endurcir, au désarroi des proches qui ne savent plus communiquer avec elle. Mais cette agressivité cache souvent une souff rance physique ou psychique

  7. Ce type c’est le prototype du bobo parisien , il critique Hanouna alors que du temps de sa présence médiatique il faisait du Hanouna , toujours dans la provocation , il a de tout temps été la mouche du coche du paf , pas vraiment le bon copain.

    • Ca, c’est surtout pour le public, très peu pour le privé. Et c’est justement ce qui fait enrager tous ceux qui ont, un temps au moins, été biberonnés au public avec les salaires et les privilèges que l’on sait. Arrêtons de pauer pour un service public. Combien d’économies ?

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