« Au cœur des pouvoirs en Centrafrique », Sylvain Ndoutingaï, É. Jean Picollec
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Curieux livre, parmi la somme des ouvrages que proposent les Éditions Picollec, que celui de Sylvain Ndoutingaï, ancien ministre des Finances du gouvernement Bozizé, avant la crise qui devait mener au déclenchement de l’opération Sangaris.
On pourrait légitimement s’attendre à un exercice de style strictement politique, au pire sens du terme, comme cela arrive aussi bien en Afrique qu’en Europe : bien souvent, à l’issue d’une traversée du désert, "au pas de course, rassure-toi", comme dit Delon dans Mort d’un pourri, un opposant ou un candidat, discrédité, méconnu ou en exil, sort un livre plein de révélations et de projets fumeux.
En Afrique, ces livres sont parfois rédigés dans une langue précieuse et ampoulée, qui emprunte au pire style politiquement correct occidental, et annoncent de grands desseins creux qui doivent servir de prétexte à un futur coup d’État et, partant, à une nouvelle spoliation de la population.
Il n’y a rien de tel dans le livre de Sylvain Ndountingaï, autant le dire tout de suite.
Ce que l’on trouve dans ce livre fourre-tout, c’est à la fois l’histoire d’une réussite personnelle, le récit de l’exercice du pouvoir en Centrafrique et la genèse de la crise actuelle. Réussite personnelle, d’abord, dont l’auteur a raison d’être fier ; quoique de bonne famille et de l’ethnie majoritaire, il devra batailler contre la pauvreté et une situation familiale chaotique. Il accédera ensuite à l’épaulette en suivant les cours de l’École d’officiers de Thiès (Sénégal) puis deviendra ministre à 31 ans, en 2003.
Éclairage sur l’exercice du pouvoir en Centrafrique, aussi, qu’il s’agisse des dissensions internes ou des rapports avec un monde occidental cupide et méprisant (voire raciste), singulièrement celui des grandes multinationales.
On suivra, ainsi, avec intérêt le récit des coulisses de certaines négociations, notamment avec les compagnies pétrolières. De la même façon, la mise à l’écart brutale de Ndoutingaï par le régime de Bozizé, en 2012, est comparable à d’autres déchéances, mais a eu lieu dans les premiers temps de la crise centrafricaine, qui débouchera sur la guerre civile entre Seleka et anti-balakas.
À ce propos, et plus généralement sur la genèse de la crise actuelle, Ndoutingaï a l’honnêteté de ne pas tomber dans la facilité : il rappelle, par exemple, que les Seleka ne sont pas davantage musulmans que les anti-balakas ne sont chrétiens. Les deux factions partagent un goût certain pour la violence, une volonté de possession territoriale et de solides croyances animistes qui battent en brèche le mythe occidental de la guerre de religion. Il ajoute à cette autopsie du conflit quelques « passages obligés » d’un ouvrage politique : photos en couleur, prises au temps du pouvoir, ou encore analyse et propositions élaborées depuis son exil…
Ce que l’on ne sait pas au juste, c’est si l’on tient entre les mains l’ouvrage de l’homme providentiel de la Centrafrique que Sylvain Ndoutingaï prétend être, ou s’il s’agit d’un nouveau livre politique comme on en trouve tant dans nos librairies françaises. L’avenir apaisé que la Centrafrique mérite nous le dira.
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