Cohabitation : Macron, « chef des armées ». Comme le roi d’Angleterre ?

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Qu’est-ce que Marine Le Pen n’a pas dit ! En plus, à trois jours de la fin de la campagne du premier tour des législatives… « Chef des armées » serait un « titre honorifique » ! Et la majorité de lui tomber dessus à bras raccourcis : Marine Le Pen remettrait en cause la Constitution, nos institutions, piétinerait le domaine réservé du président de la République ; bref, serait à la limite de fomenter un coup d’État et de commettre un crime de lèse-majesté. Ainsi, pour François Bayrou, interrogé par CNews, cette déclaration est une remise « en cause de l’ordre et de la sécurité dans notre pays ». Rien que ça. De quoi faire réfléchir les électeurs de droite attachés, justement et par définition, à l’ordre et à la sécurité. Pour Aurore Bergé, spécialiste en questions de Défense nationale, comme chacun sait, « le chef des armées, c’est le Président, et ça n’a rien d’honorifique ». Voire.

Et si on relisait la Constitution

Voir à se calmer, d'abord. Par exemple, en relisant un peu la Constitution, fondement de notre État de droit, si cher à la Macronie. Bayrou évoque donc son article 5 au sujet des prérogatives du président de la République. Effectivement, le Président est bien « chef des armées » et, à ce titre, « préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale » (article 15). Une écriture, au passage, très différente de celle de la Constitution de la IVe République : « Le président de la République préside […] le Conseil supérieur et le Comité de la défense nationale et prend le titre de chef des armées » (article 33). Certes, le président de la République sous la Ve « nomme aux emplois civils et militaires » (article 13). En clair, pour ce qui relève des armées, il signe les décrets pris en Conseil des ministres promouvant et nommant à leurs postes et fonctions les officiers généraux. Mais François Bayrou se garde bien d’évoquer les articles 20 et 21 de cette même Constitution. Des articles qui vont bien au-delà de ce que Marine Le Pen a pu dire pour justifier sa déclaration. En effet, le Premier ministre ne tient pas seulement les cordons de la bourse que le Parlement lui accorde par le vote des lois de finances et de programmation. Il est bien plus que cela, puisqu’au titre des article 20 et 21 de notre texte fondamental, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et le Premier ministre est « responsable de la défense nationale ». Par ailleurs, « le Gouvernement dispose de la force armée ». On ne peut être plus clair. De plus, selon l’article 35, c’est le gouvernement qui « informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention ». La décision du gouvernement, pas du président de la République. Là aussi, on ne peut être plus clair, n’en déplaise à M. Bayrou et Mme Bergé. Emmanuel Macron n’a donc pas le pouvoir constitutionnel d’envoyer des troupes à l’étranger. Et, donc… en Ukraine.

Le président de la République est bien chef des armées mais, si l’on voulait avoir une lecture paradoxale de la Constitution, dans l’hypothèse d’une cohabitation « dure », il serait tenu de conduire nos troupes au combat en vertu de la politique définie par le gouvernement. On n’ira pas jusqu’à dire qu’il devient un subordonné de ce même gouvernement, mais bon... En cohabitation « dure », il peut devenir une sorte de roi d’Angleterre, l’uniforme, les décorations et le cheval d'armes en moins.

Durant les cohabitations passées (Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur et Chirac-Jospin), on avait théorisé un peu vite la notion de « domaine réservé » dans cette sorte de gentleman’s agreement qui avait été trouvé, mais cette notion n’est en rien constitutionnelle et ne relève que de l’interprétation. Elle reste soumise aux conditions politiques du moment. Ainsi, faut-il rappeler que Lionel Jospin, Premier ministre de Chirac, s’était opposé, en 1999, à l’envoi de troupes en Côte d’Ivoire ? Marine Le Pen, du reste, n’a pas manqué de le rappeler. Ce qui lui permet de marteler : « La Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. » Nous n'en sommes pas encore là, mais si cela devait advenir, on ne peut que suggérer aux futurs Premier ministre et ministre en charge des Armées de mettre fin au désordre que Macron a institué, tout seul, dans son coin, en 2019, en décidant de passer seul les troupes en revue, piétinant ainsi une tradition séculaire. Un détail, me direz-vous ? Pas tant que ça...

NDLR : on lira avec intérêt cette fiche émanant du Conseil constitutionnel.

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Dans toutes les association diverses et variées, le Président est de droit président de toutes les commissions. Mais cela n’implique pas qu’il décide seul. Jamais même. C’est le staff qui donne son accord. Sans un gouvernement à sa botte, il ne peut rien faire

  2. On peut effectivement disserter à l’infini sur la Constitution et ses dispositions quant à la Défense Nationale. Mais le débat lancé par Mme Le Pen, s’il a lieu d’être, présente un grave défaut : il risque de placer le haut commandement militaire dans une situation très délicate en cas de besoin de décisions urgentes à prendre en période de cohabitation. Je plains le CEMA qui aurait au bout du fil un Pdt lui disant « fais ceci » et un PM qui lui dirait « non, fait cela ». Ayant servi 40 années sous les drapeaux, notamment en multinational (OTAN, UE, UA…), j’ai toujours pu remarquer que la clarté de la « chaîne de commandement » à la française était fort enviée par bien des alliés. Et c’était bel et bien un président « chef des armées » qui choisissait l’option stratégique à appliquer, confiant directement au CEMA (chef d’état-major des armées) le soin de la convertir en mission et effet à obtenir, puis de conduire les opérations. Même le ministre de la défense était un peu « en latéral » dans cette chaîne de commandement très directe, ce ministre devant surtout s’occuper de la mise en condition budgétaire, morale, technique, industrielle des armées.
    Le milieu militaire est très fana du bon vieux principe « un chef, une mission, des moyens ». Le chapitre 1 de tout ordre d’opération définit ainsi « l’organisation du commandement ». Ce n’est pas par hasard, tant il est vrai que se lancer dans une action militaire sans bien savoir qui est le chef et ce qu’il veut faire mène le plus souvent aux pires conséquences. En cohabitation, on ne peut donc que souhaiter que les 2 têtes de l’exécutif s’entendent en préalable sur les fameuses options stratégiques, en amont du rôle attendu des armées, car il serait à mon sens extrêmement malsain que les militaires aient à se transformer en « Conseil Constitutionnel kaki » pour savoir qui a vraiment la légitimité pour en déduire un peu quoi faire ! Surtout en cas d’urgence.

  3. Voici maintenant 7 ans que Macron interprète, tortille, enjambe, ignore ou viole tous les textes qui devraient l’empêcher de se conduire en despote. Lui et ses soutiens trouvent toujours le moyen d’expliquer, même et surtout si c’est de manière très alambiquée, que tout est parfaitement légal. Donc, ce qui semble fonctionner pour le président n’a aucune raison de ne pas fonctionner également pour le premier ministre. Ensuite, quand on se souvient de l’affaire Fillon, on a aucun mal à imaginer que certains « sages » ne puissent pas être, aussi discrètement que fermement, rappelés à la raison au moment où leurs arbitrages pourraient prendre une orientation un peu trop idéologique ou partiale.

  4.  » Un détail, me direz-vous ?  » Pas du tout, l’homme se prenant tantôt pour Jupiter, tantôt pour De Gaulle, tantôt pour Napoléon, quand in n’est qu’un individu qui ne sait même pas manier une arme. Et si d’aventure, à Dieu ne déplaise, il lui revient l’idée d’envoyer « des mecs » en Ukraine, alors qu’il enfile un treillis, prenne musette et fusil et qu’il donne l’exemple. Là il sera, peut-être crédible et prétendre être « le chef » des armées. Pour l’instant et comme l’a dit très justement Joseph Macé-Scaron, « c’est un chef désarmé ».

  5. Macron reve d’être roi. Il en a la possibilité au moment de l’epiphanie, avec la galette des rois. Mais il reste néanmoins un roi que la décence eu égard à son costume présidentiel ne m’autorise pas de dire de qui.

  6. « En cohabitation « dure », il peut devenir une sorte de roi d’Angleterre, l’uniforme, les décorations et le cheval d’armes en moins. » mais surtout la con..rie en plus ! Bayrou et Bergé ne lisent que ce qu’ils veulent sans aller jusqu’au bout de leur démarche.

  7. « Le premier ministre est « responsable de la défense nationale ». Par ailleurs, « le Gouvernement dispose de la force armée ». Macron essaye comme à son habitude de détourner la constitution. Il est peut-être chef des armées, mais il n’a pas les pleins pouvoirs d’envoyer de son propre chef une jeunesse française aller se faire massacrer en Ukraine par exemple. Il doit passer par le premier ministre, et l’Assemblée aurait son mot à dire. La constitution est bien faite et MLP, fine guêpe, l’a bien vu.
    Imaginez que l’on ait un jour, et heureusement ce n’est pas le cas, un président psychopathe, instable qui nous entraîne dans une guerre nucléaire ! La constitution, rien que la constitution ! D’ailleurs, elle a été faite pour le peuple souverain, pour le servir et pour le protéger des ambitions personnelles d’un éventuel tyran.
    Le peuple de France, rien que le peuple !

  8. Pauvre marionnette, il va pas tarder à prendre l avion pour se protéger sous l aile de ses maîtres , sa mission est accomplie, rester chef des armées lui permettra de fuir à l abri après le chaos qu’il aura déclenché

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