Colère des agriculteurs : panneaux, feux, radars et le soutien de l’opinion !

Mobilisation des Jeunes Agriculteurs. ©JeunesAgriculteurs
Mobilisation des Jeunes Agriculteurs. ©JeunesAgriculteurs

Que dire d'un pays, d'un Etat qui voit se multiplier, se réitérer des révoltes des mêmes groupes sociaux année après année ? Il y a moins d'un an, les agriculteurs initiaient un mouvement historique de blocages d'autoroutes et de montée à Paris, avec un soutien massif du reste de la population. Dix mois plus tard, malgré le cou de com' « botte de paille » d'Attal, les agriculteurs sont plongés dans le même désarroi, soumis aux mêmes tracasseries, aux mêmes concurrences, aux mêmes trésoreries exsangues. Il faut dire que les politiques et les agriculteurs n'ont pas le même rapport au temps : ils ne peuvent pas, eux, contrairement à la république d'Emmanuel Macron se payer le luxe d'une trêve estivale, d'un arrêt du fonctionnement de l'Etat pour cause de dissolution et d'absence de majorité. Il n'y a qu'une récolte, et ce qui est perdu ne se retrouve pas.

Si, en janvier dernier, le soutien de l'opinion a été acquis aux agriculteurs comme jamais par le passé, ils le doivent à plusieurs raisons de fond. D'abord, la prise de conscience, confuse mais bien réelle, que l'agriculteur est en charge de l'essentiel, matériel et immatériel : la nourriture évidemment, mais aussi la nature, les paysages, le pays, dans sa beauté, son identité et son passé. Le vieux slogan « pas de pays sans paysan » n'a jamais sonné aussi juste. Et cette popularité inattendue s'est paradoxalement manifestée au moment où l'agriculteur se fait rare, même dans les zones rurales : dans ce village des Pyrénées, il n'y a plus qu'un seule agricultrice. La dernière. La France a soudain touché du doigt l'angoisse de la disparition.

Ensuite, la population s'est retrouvée immédiatement solidaire de ces révoltés qui, par bien des côtés, prolongeaient l'action des gilets jaunes à ses débuts : même France périphérique, mêmes fins de mois difficiles, même exaspération devant des contrôles et des contraintes sans fin, même attention extrême au coût des carburants, de l'énergie, indispensables pour faire tourner une exploitation. Même sentiment d'abandon et de colère vis-à-vis d'élites politiques et médiatiques qui ne jurent que par la mondialisation (ce traité Mercosur qui les menace), l'écologie punitive et taxatrice, la valorisation de minorités woke et de l'immigration. Or les agriculteurs sont devenus, en quarante ans, une minorité et une minorité en proie à une souffrance extrême qu'attestent l'isolement, le célibat, le taux de suicide : « un risque de mortalité par suicide supérieur de 43,2 % à celui des assurés tous régimes », selon les chiffres de la MSA (Mutualité sociale agricole). Une souffrance invisibilisée.

Conscients de l'atout que représente ce soutien de la population, les agriculteurs, à partir de ce lundi, vont lancer dans tous les départements des opérations nouvelles, intelligentes, destinées à renforcer cette communauté de destin avec la population. Les panneaux retournés, les « feux de détresse » sur des ronds-points, comme dans l'Aveyron, mais aussi les radars « végétalisés » comme dans l'Eure ou couverts de pneus, comme dans l'Oise. Nul doute que les automobilistes, eux-mêmes ulcérés par cet impôt exorbitant que constituent les milliards d'euros ramassés pour un dépassement de 5km/h, se montreront solidaires de ces actions. C'est donc une nouvelle révolte qui commence ce lundi : six ans après les Gilets jaunes, moins d'un an après un premier round des agriculteurs, le pouvoir devrait la prendre très au sérieux.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Résumé succinct : Macron travaille pour l’Europe des Allemands, échange de mauvaise bouffe contre les berlines allemandes, coule l’agriculture française, en espérant un jour que Van Der Ursula le lancera pour être Président Européen.
    « Vanity fair !  » Ce qui manque dans cette foire aux vanités, ce sont des hommes droits et clairvoyants (peu nombreux) ; on peut toujours rêver…

  2. AGRICULTEURS

    La France tout comme les Etats Unis fait partie de l’OMC. Les Etats Unis ne se gênent pas pour mettre des « barrières douanières » quand ça leur chante (vins français, p.ex.). La France pourrait-elle faire de même vis-à-vis des produits d’autres pays? En effet, sont-ce les réglementations de l’UE ou celles de l’OMC qui priment ? Le blablabla sur le site de l’OMC est plutôt du genre à noyer le poisson au nom de l’étendard : Accords- Echanges – Commerce mais sans discrimination. D’une manière générale, les agriculteurs français sont-ils discriminés.
    L’argument florissant sur les plateaux TV est que, sous prétexte que le Mercosur serait favorable dans certains domaines, – toujours les mêmes -, il faudrait accepter qu’il le soit moins dans d’autres, – toujours les mêmes -. Par agriculteurs il faut surtout entendre paysans.

    [mêmes tracasseries]

    La France est un pays extrêmement fertile. On y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts.
    (Georges Clemenceau)
    Les fonctionnaires sont un petit peu comme les livres d’une bibliothèque. Ce sont les plus hauts placés qui servent le moins… (Georges Clemenceau).

  3. Que leurs mouvements de protestation soient légitimes, j’en conviens, mais de là à répandre leur lisier sur les façades des bâtiments publics , ce sont des actes non acceptables , immondes même et qui ne contribuent pas en faveur du soutien à leur cause dans l’opinion publique car ce sont les contribuables qui sont touchés et en paient les préjudices. De plus le consommateur n’arrive plus à s’y retrouver car les prix des biens de consommation courants ont atteint des sommets , et on est en droit de se poser la question , mais qui sont les bénéficiaires de ces envolées des prix ?

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