Colonel Jacques Hogard : « La France est accusée, or, le génocide du Rwanda a été commis par des Rwandais contre des Rwandais »
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Emmanuel Macron est arrivé, le jeudi 27 mai, au Rwanda. Il a prononcé un discours très attendu au Mémorial Gisozi de Kigali, vingt-sept ans après le génocide de 1994.
Réaction du colonel Jacques Hogard, qui participa à l'opération Turquoise avec l'armée française au Rwanda.
La France a des responsabilités, mais n’est pas complice. C’est un peu la synthèse du discours qu’Emmanuel Macron a prononcé aujourd’hui, à Kigali, capitale du Rwanda. On s’attendait à ce que le président de la République aille plus loin que ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy à l’époque. Qu’avez-vous pensé du discours présidentiel que vous avez écouté ?
J’ai trouvé que c’était un numéro de grand équilibriste. On sent bien qu’il a entendu un certain nombre de discours contraires, les discours de ceux qui l’engageaient vivement à prononcer des excuses ou ceux, au contraire, qui lui conseillaient une certaine prudence. Nous sommes à un an des élections. Il a mal démarré avec l’armée française avec la démission du général de Villiers. Ensuite, il y a eu l’affaire des tribunes qui ont un peu secoué l’actualité. Il fallait qu’il fasse très attention parce que les militaires, et en particulier les anciens de l’opération Turquoise, étaient très vigilants. Il a donc eu une phrase très correcte sur ce plan-là en disant que nous n’avions pas à rougir de ce que nous avions fait là-bas.
Depuis ce génocide atroce, la responsabilité de la France est régulièrement mise en cause par le gouvernement de Paul Kagame, le président du Rwanda. Finalement, on ne parle à aucun moment des responsabilités du gouvernement rwandais. La France est-elle condamnée à être la seule à faire amende honorable sur ce triste épisode ?
Vous avez raison de dire cela. Le régime de Paul Kagame est arrivé au pouvoir en 1994. Lui est devenu officiellement président avec tous les pouvoirs un peu plus tard, en 2000. Dès 1994, il était déjà l’homme fort de ce régime. Ce régime est un régime totalitaire, dictatorial, qui a une responsabilité dans les drames qui ont suivi dans toute la région des Grands Lacs depuis 1994. L’excellent Vincent Hervouet, sur Europe 1, a cité, la semaine dernière, que cinq millions de personnes étaient mortes. Ces morts ont été exterminés par les armées de Paul Kagame et d’autres milices plus ou moins subordonnées poursuivant des Rwandais hutus, et des centaines de milliers de Congolais exterminés dans des conditions atroces. Le régime de Paul Kagame a mis la main sur des provinces orientales de la République démocratique du Congo dont elle exploite sans vergogne les richesses. C’est ainsi que le Rwanda est exportateur de coltan, alors qu’il en n’a pas un gramme dans son sous-sol.
Bien sûr, la France a mené une politique. On peut rappeler les exemples de Yougoslavie et d’ailleurs, mais il y a, au Rwanda, une seule accusée, c’est la France. Or, c’est un génocide commis contre des Rwandais par des Rwandais et ce génocide faisait suite à d’innombrables massacres commis par des Rwandais contre des Rwandais. Ce n’est pas fini et, aujourd’hui, c’est un régime implacable qui s’est mis en place, instrumentalisant le génocide de 1994.
Pourquoi continuer à « se plier en quatre » devant le gouvernement rwandais ?
Il y a un peu d’idéologie. L’exemple même de cette idéologie, c’est le rapport Duclert qui est tout sauf historien, mais plutôt politique, partiel et partial. Il maintient les zones d’ombres très importantes pour créditer le reste d’affirmations qui sont, encore une fois, très contestables. Il y a aussi des raisons économiques. Le Rwanda a mis la main sur des richesses colossales dont il prive la République démocratique du Congo alors qu’il en est le légitime propriétaire. Il y a aussi beaucoup d’arrangements économiques et financiers. Le Rwanda, aujourd’hui, est un peu la Prusse de l’Afrique centrale. C’est un gouvernement autoritaire, pour ne pas dire totalitaire. Ce gouvernement sert une minorité du pays et maintient un régime de fer pour le bénéfice d’une oligarchie assez réduite en nombre. Je pense que c’est cela, la vraie offensive diplomatique. Macron se donne un rôle pour l’Histoire, de l’homme qui aura reconnu sans reconnaître, qui se sera repenti sans se repentir. À mon sens, il y a des intérêts sonnants et trébuchants.
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