Comme un relent de totalitarisme…

En ce moment, l’Assemblée nationale débat d’une proposition de loi de la majorité LREM dite de « sécurité globale ». Une partie du public a sans doute pris connaissance de la manifestation de mardi à proximité de l’Assemblée nationale. À l’appel de différents syndicats de journalistes, de gilets jaunes et de policiers, mais également de la Ligue communiste révolutionnaire et de La France insoumise, la gauche s’est donc mobilisée dans la rue dans le cadre d’une manifestation déclarée et en respect des gestes barrières.

Dans la foule, une immense majorité de militants d’extrême gauche, antifas, Black Blocs, libertaires, anarchistes, punks à chien et étudiants. Un bon vieux sujet gauche versus droite, serait-on tenté de se dire. Le gouvernement veut davantage de sécurité et l’opposition hurle à la discrimination et, plus largement, son hostilité envers la police.

Or, c’est beaucoup plus complexe que cela : outre l’article 24 de cette proposition, qui vise à pénaliser l’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre. Selon l’article 24, la diffusion « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique », sera punie d’un an de prison et d’une amende de 45.000 euros. Une proposition qui pourrait s’entendre mais qui ne passe pas.

On passe sur la notion de « porter atteinte à son intégrité physique ou psychique », une disposition bien commode pour empêcher le travail journalistique et qui, surtout, ouvre la porte à tous les abus. Un article qui, dans les faits, ne se justifie pas, car une telle disposition existe déjà, en réalité, dans la loi. Le harcèlement à l’encontre d’un policier est déjà puni d’une peine d’emprisonnement deux fois supérieur et les menaces de commettre un délit ou un crime d’une peine d’emprisonnement trois fois supérieure, voire cinq fois supérieure en cas de menaces de mort. La preuve : une militante antifa surnommée Marie Acab-Land avait été condamnée, à Versailles, à dix-sept mois d’emprisonnement pour « violences volontaires ». Le motif : elle « suivait et filmait des enquêteurs de la police judiciaire ». Preuve que l’arsenal existe.

Autre motif d’inquiétude dans cette loi : le transfert de certaines compétences des policiers nationaux aux policiers municipaux, mais surtout à des agents de sécurité privée. Une porte ouverte, en réalité, à la délégation des missions régalienne de l’État au privé. Voici donc un gouvernement qui préfère empiler les lois pour donner l’illusion d’une quelconque action plutôt qu’appliquer celles qui existent déjà. C’est moins coûteux et, surtout, moins risqué.

Parallèlement à cela, le garde des Sceaux a précisé qu’ils allaient modifier la loi de 1881 relative à la liberté de la presse : « Je pense que trop de personnes qui n'ont rien à voir avec la presse viennent profiter du bouclier de la loi de 1881 qui protège la liberté d'expression pour distiller des discours en rupture avec les valeurs de la République. » On comprend la logique : après tout, qui, parmi nous, n’a jamais haussé les épaules devant les agissements d’un Taha Bouhafs ou d’un Gaspard Glanz ? Des personnes comme cette Marie Acab-Land ont-elles profité du bouclier de la loi de 1881 ? Peut-être.

Mais ce coup supplémentaire sur nos libertés individuelles !

Que dire d’un gouvernement en pleine crise, aux mains avec une situation sociale explosive et une menace terroriste omniprésente qui donne priorité au contrôle accru de la presse et de l’information ? Que dire d’un gouvernement aux abois qui essaye de refaire passer en douce une loi Avia ? À l’Intérieur, on veut limiter le travail de la presse, à la Justice on abaisse sa protection et à l’Assemblée, on lance une offensive sur la liberté d’expression. Comme si, finalement, l’insécurité, la pauvreté, le terrorisme, tous ces sujets qui explosent, n’étaient que secondaires. On traite les conséquences de la colère et on la réprime au lieu de s’attaquer aux causes. Le tout chapeauté par un État qui délaisse ses missions régaliennes au profit d’intérêts privés. Lui, il préfère se préoccuper de ce que vous mangez, ce que vous conduisez et, surtout, ce que vous pensez.

C’est pourquoi il est urgent que la droite n’abandonne pas la liberté à la gauche dont les tentations liberticides en font un bien mauvais héraut. Ce combat dépasse les clivages et nécessite une opposition transpartisane. Ne serait-ce que pour ne pas l’abandonner à des « Aurélien Taché ».

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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