Les commémorations sont-elles toujours bénéfiques ?

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Ce n’est pas une surprise, puisqu’il en avait envisagé le principe, le 8 février 2017, lors du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France : le chef de l’État vient d’annoncer que, chaque année, sera instaurée dans les établissements scolaires "une semaine de la recherche sur les génocides, les crime contre l’humanité et les crimes de masse".

C’était à l’occasion du 102e anniversaire du génocide arménien. Il a précisé que "cette semaine débutera[it] tous les ans le 24 avril, le jour anniversaire du génocide". Il a également appelé à poursuivre les procédures pour obtenir la "pénalisation du négationnisme".

À quelques jours de la fin de son mandat, François Hollande a sans doute voulu montrer la voie à suivre à son successeur. Coïncidence ? Son poulain l’a devancé en venant fleurir, dans l’après-midi, un monument en mémoire des 1,5 million de victimes arméniennes.

Le XXe siècle, pour se limiter à cette période, est malheureusement riche en génocides : Arméniens, Juifs d’Europe, Cambodgiens, Tutsis… Ils doivent tous être condamnés, sans distinction. La transmission de la mémoire ne saurait être sélective. Elle ne doit pas, non plus, être dénaturée par des arrière-pensées : c’est faire injure aux victimes que de les utiliser à des fins politiciennes.

Il appartient aux historiens, non aux hommes politiques, de déterminer les "génocides", les "crimes contre l’humanité", les "crimes de masse" qui ont ensanglanté l’Histoire. Quand Emmanuel Macron qualifie la colonisation de "crime contre l’humanité", blessant profondément les rapatriés, les harkis et tous ceux qui se sont battus contre le FLN pendant la guerre d’Algérie, non seulement il commet une erreur historique, mais il divise les Français.
Une commémoration peut être bénéfique si elle vise à rassembler la communauté nationale. Mais elle peut être dangereuse si elle ne s’appuie pas sur des données historiques incontestables et cède à des visées idéologiques ou à des intérêts politiques. Elle peut aussi, paradoxalement, promouvoir le communautarisme et distendre le lien social.

Plutôt que de multiplier les commémorations, qui donnent, au mieux, bonne conscience et contribuent, au pire, à la normalisation des esprits, mieux vaudrait enseigner aux élèves, le plus objectivement possible, tous les faits historiques et, en matière de génocide, leur expliquer comment le fanatisme et la certitude d’avoir raison ont conduit aux pires tragédies.

Il faut aussi être prudent en évoquant le "négationnisme". La liberté d’expression aux États-Unis est garantie par le premier amendement de la Constitution. En France, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen définit "la libre communication des pensées et des opinions" comme "un des droits les plus précieux de l'homme".

Cela ne signifie pas que toutes les opinions se valent ou doivent être mises sur le même plan, mais que chacun devrait avoir le droit de s’exprimer sans subir la censure d’une pensée officielle. On ne lutte pas contre l’erreur et le préjugé par des interdictions mais par des arguments convaincants.

Jean-Michel Léost
Jean-Michel Léost
Professeur honoraire

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