Comment de Gaulle célébra l’armistice en 1968
Le 9 novembre 1970 s'éteignait le général de Gaulle. Nous approchons du cinquantenaire de sa mort, alors que cette année nous célébrons le centenaire de la victoire de 1918.
La France ne doit pas se noyer dans des commémorations incessantes. Elle doit, moins encore, s'enliser dans des polémiques superflues à propos du passé. Elle devrait s'interdire cette maladie de la repentance qui transforme les motifs de fierté en germes de désespérance.
Le 10 novembre 1968, le président de la République, Charles de Gaulle, prononce une allocution aux Invalides pour célébrer l'armistice de 1918 et la victoire française. C'est le Général qui, très sobrement, rappelle le déroulement de la guerre et la part qu'y prirent la France et son armée. Il souligne l'importance du sacrifice et l'insuffisance de la préparation : "Prodiguant l'action sans disposer des moyens voulus, c'est elle qui, relativement, perdit le plus de son sang." Il évoque ensuite les chefs qui furent les auteurs principaux de cette grande page de notre histoire. Il cite les politiques : Poincaré, Clemenceau. Puis les militaires : Joffre, Foch, Pétain, Franchet d'Espèrey puis, plus brièvement, Fayolle, Gallieni, Lyautey et Maunoury. Pétain est à sa place dans l'ordre chronologique et sans doute aussi celui du rôle joué dans le résultat obtenu : "Pétain, ayant brisé à Verdun le choc acharné des Allemands, ranima l'armée française en guérissant son moral blessé, en l'organisant autour de l'armement moderne qui sortait enfin de ses usines, et en ne l'engageant jamais qu'après avoir méthodiquement tout disposé pour le succès." Aucune mention n'est faite du titre de maréchal ni du "chef de l'État Français" de la Seconde Guerre.
Le discours se termine par la nécessité de maintenir allumée la flamme de la fierté française nécessaire pour que la France affronte, comme elle l'a fait en 1914-1918, les grands défis qu'une nation rencontre dans son histoire. De Gaulle rappelle des faits incontestables et gomme tout ce qui pourrait porter une ombre sur un jour de fierté nationale.
Quand on le voit négliger le régime qui l'avait condamné à mort pour ne rappeler brièvement que la face claire du personnage qui le dirigeait, on songe qu'il ne pensait qu'à la conséquence positive de son discours pour le pays, qu'il voulait éviter la polémique stérile et n'introduire aucune dimension personnelle dans son jugement. Il avait combattu Vichy et Pétain. Cela suffisait.
C'est la raison pour laquelle il faut condamner sévèrement les palinodies du Président actuel. Voilà un homme qui n'a connu la guerre ni de près ni de loin et qui éprouve le besoin d'étaler son jugement personnel sur la place publique, en refusant d'abord d'assister à la cérémonie prévue aux Invalides en l'honneur des maréchaux de la Grande Guerre, puis en demandant que celle-ci soit discrète, sous le prétexte qu'on commémore la paix et non la victoire, enfin, de manière incohérente, en donnant son avis sur le "grand soldat" qu'était, selon lui, Pétain.
Le résultat de ces contorsions, c'est que la polémique a pris le pas sur la célébration. Les foudres des résistants tardifs de l'an 2018 sont tombées sur la dépouille de l'île d'Yeu, les admirateurs du personnage controversé se sont réveillés. La fierté française a disparu dans le trou creusé par les obus échangés dans cette diatribe. Le laconisme du général de Gaulle aurait dû servir d'exemple.
Encore faudrait-il que ceux qui se réclament de lui n'aient pas l'impudence de mettre en œuvre une politique totalement opposée à celle qu'il souhaitait pour la France. Qu'on y pense lors des élections européennes !
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