Comment la surpopulation carcérale contraint les magistrats à aménager les peines

prison

Un nombre record. Ce jeudi 29 février, les services du ministère de la Justice ont rendu public le nombre de détenus en France en janvier et février 2024. Avec 75.258 individus incarcérés - un chiffre en hausse de 5,5 % par rapport à l’année dernière -, le mois de février 2024 marque un nouveau record. Un chiffre jusque-là jamais enregistré qui rappelle la situation de surpopulation carcérale à laquelle sont confrontés les établissements pénitentiaires de France depuis plusieurs années. Au-delà des conditions de détention indignes que cela implique dans certains cas, cette surpopulation carcérale n’est pas sans conséquence sur les décisions de justice. Influencés par le législateur, les magistrats, sous prétexte d’absence de places en prison, n’hésitent pas en effet à aménager, voire à ne pas exécuter, les peines infligées aux condamnés.

Cette surpopulation carcérale est loin d’être le fruit d’une sévérité excessive des juges qui, à en croire certains, condamneraient un peu trop facilement à la prison ferme. En effet, comme le souligne le dernier rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), cité dans le récent livre de la magistrate Béatrice Brugère, la France a un taux d’incarcération qui se situe dans la moyenne européenne. En réalité, plus qu’une excessive sévérité des juges, cette surpopulation est le résultat de choix politiques qui, par idéologie et par arbitrages budgétaires, tardent à lancer la construction de nouvelles places de prison. Ainsi, alors que la population carcérale a connu une hausse de 5,5 % cette dernière année, la capacité carcérale n’a, pour sa part, augmenté que de 1,8 %.

41 % des condamnés ne vont pas en prison

Conséquence directe de ce manque de places derrière les barreaux : les magistrats - déjà certes, pour leur grande majorité, acquis à l'idéologie laxiste selon laquelle la prison serait criminogène, théorie démentie par de nombreuses études - se retrouvent contraints, bien souvent, d’aménager les peines infligées aux condamnés par le tribunal. Comme le révélait ainsi une étude de l’Institut pour la justice (IPJ), publiée en janvier 2023, 41 % des condamnés à une peine de prison ferme ne mettent jamais les pieds en prison. Leur peine se retrouve aménagée, souvent dès le jugement, que ce soit sous la forme de surveillance électronique (bracelet électronique), semi-liberté ou placement à l’extérieur. En février 2024, ce sont 16.383 personnes qui font ainsi actuellement l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur. Un chiffre qui connaît une augmentation annuelle continue (près de 8 % de hausse, par exemple, pour le placement sous surveillance électronique). Les condamnés à la prison ferme qui seront placés en prison n’exécuteront, pour leur part, que 62 % de leur peine derrière les barreaux, note l’IPJ. Preuve que l'aménagement des peines est une mesure aujourd'hui privilégiée par la Justice...

À ces nombreux aménagements s’ajoute la problématique de l’exécution des peines. En 2020, le garde des Sceaux assurait que « la justice exécute les peines à 92 %, mais elles sont exécutées trop tard ». De fait, comme le note Béatrice Brugère dans Justice : la colère qui monte (Éditions de L’Observatoire), il faut « attendre cinq ans » pour que 92 % des peines soient bel et bien exécutées. Il reste, en outre, 8 % des peines qui ne sont donc jamais exécutées ou dans des délais beaucoup plus longs. Pour Georges Fenech, ancien magistrat et auteur de L’Ensauvagement de la France, la responsabilité des juges et des politiques (Le Rocher), « tout est mis en œuvre pour qu’une peine de prison soit très rapidement transformée en autre chose, ou peu ou prou exécutée ».

Ce recours de plus en plus massif aux aménagements de peine n’est pas du seul fait des magistrats. Il vient d’abord du législateur. Ainsi, comme le relève la Cour des comptes, « le droit du condamné à bénéficier d’un retour progressif à la liberté » - autrement dit d’un aménagement ou d'une réduction de peines - est directement « inspiré des règles européennes de probation ». La France n’est pas en reste pour légiférer dans ce sens. Depuis les années 1980, plusieurs textes de lois successifs ont mené à une politique d'aménagement de la plupart des peines. L'un des textes les plus récents, la loi de réforme pour la justice (mars 2019), prévoit ainsi que les peines inférieures à un mois ne peuvent plus être des peines de prison ferme, les peines comprises entre 1 et 6 mois doivent être aménagées et les peines entre 6 mois et un an seront elles aussi aménagées (sauf exception).

Au bout du processus, cette justice à deux visages - l’un en apparence ferme au tribunal, l’autre laxiste dans le bureau du juge d’aménagement des peines -, en plus de ne pas se soucier des victimes, crée un sentiment d’impunité. Inutile, donc, de s'étonner d'une montée de l'insécurité. Une réforme de l'ensemble du système judiciaire s'avère de plus en plus urgente.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Il manque de places de prison, mais incitons tous les délinquants à construire sur leur temps de peine le logement dont ils ont besoin. Eu égard au nombre d’anciens bâtiments que les Armées ont abandonnés, on pourrait très rapidement et pour peu cher les réhabiliter.

    • Ce serait une excellente réalisation qui permettrait à la fois d’utiliser les condamnés pour ces réhabilitations et leur apprendrait un travail pour leur remise en liberté après exécution de leur peine.

  2. Lorsque l’on a supprimé le service militaire, pourquoi n’a-t-on pas converti des casernes en prisons? Ca aurait permis d’augmenter les places de prisons dans celles qui étaient bien fermées.

  3. Il manque de places de prison, mais incitons tous les délinquants à construire sur leur temps de peine le logement dont ils ont besoin. Eu égard au nombre d’anciens bâtiments que les Armées ont abandonnés, on pourrait très rapidement et pour peu cher les réhabiliter. En outre, entre le campement sommaire sur un terrain ceint de barbelé où les gardes auraient consigne de tir et l’espoir d’emménager rapidement dans un lieu fermé, l’envie de travailler rapidement se verrait elle décuplée.

  4. Question à ne pas poser:
    Combien de condamné à la prison ferme qui ne sont pas de nationalité Française ?
    Combien de condamné à la prison ferme qui sont d’origine étrangère et français « de papiers » ?

    Tout est là, une immigration nullement contrôlée et un droit du sol absurde et le rapprochement familial tout aussi nul !!!

  5. Pour les braves gens c’est tous les jours un peu moins de liberté , n’osent plus sortir afin de permette à la racaille de continuer sans être inquiétée .

  6. Bon, mais il doit être possible d’installer rapidement des centres de rétention gardés avec barbelés pour extraire cette horde de délinquants associaux hors de la population. Le temps de construire de nouvelles prisons convenables et pérennes. Mais sans vouloir construire des hôtels 5 étoiles. Juste des prisons étanches, et dans lesquelles il est impossible de communiquer avec l’extérieur hors les périodes de visites programmées. Alors ? Pourquoi ça n’est pas mis en route ?

  7. Que le Président algérien récupère tous les détenus de sa nationalité. Ça fera de la place…

  8. Je me demande toujours pourquoi est-ce que l’on ne confie pas pour une partie, la construction et la gestion de prisons au secteur privé ?

  9. Si nous n’étions pas des lâches nous ferions des prisons comme le shérif Arpaio en Arizona, ça désengorgerait les « prisons » quatre étoiles, genre celle ou dupont-moretti a été ovationné par les détenus lors de sa visite.

  10. Sur population carcérale , certes ; mais si on veut obtenir des places dans ces centres de détention peut-être aussi renvoyer les 25% de prisonniers qui n’ont rien à faire dans nos prisons , ceux-là coûtent très cher à la société. L’univers carcéral , un « enfer » pour les détenus , ne soyons pas trop candides !! quand on entend que ce fameux Abdeslam s’insurge contre ses conditions carcérales, quand un Lelandais trouve les réjouissances de la copulation , mais où va t-on ? Trop de laxisme tant dans nos prisons que pour ces condamnés qui exécutent leur peine dehors , la France est devenue un « véritable coupe-gorge » et on en fait tout un plat lorsque l’on renvoie (pour un certain temps ou un temps certain) cet imam mahjoubi , à chacun sa Leonarda…

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