Comment réhabiliter l’élitisme et la méritocratie, trop souvent dévoyés

Polytechnique

Il est de bon ton de crier haro sur les élites et la méritocratie. Le Figaro revient sur cette question dans un article intitulé « Pourquoi les surdiplômés sont encore moins aimés que les super-riches », se référant notamment au dernier ouvrage du philosophe américain Michael Sandel, La Tyrannie du mérite. Sa thèse consiste à démontrer que les gagnants de la mondialisation, le plus souvent détenteurs de diplômes prestigieux, exercent un mépris de classe envers les classes populaires et les classes moyennes, d'où la montée du populisme. Face à ces critiques, parfois justifiées, parfois intéressées, essayons d'y voir clair.

La critique des élites est légitime lorsqu'elles méprisent le peuple et trahissent leur mission. Force est de constater que c'est le cas d'Emmanuel Macron et de ses courtisans. Faut-il rappeler les petites phrases d'un Président surdiplômé, qui sont autant d'insultes à l'encontre des Français qui n'appartiennent pas à sa caste ? De même, quand il prétend s'adresser à la jeunesse en organisant à l'Élysée un « concours d'anecdotes », il la méprise en la jugeant incapable de s'intéresser à des sujets plus sérieux, sans compter qu'il abaisse sa fonction et sombre dans la démagogie.

Cette fausse simplicité cache mal la volonté de conserver le pouvoir dans l'entre-soi. S'y ajoute une duplicité qui consiste à feindre de lutter contre cette suprématie des élites alors qu'on ne songe qu'à renforcer son emprise. La prétendue réforme de l'ENA ou le projet de suppression du corps préfectoral en sont des exemples parmi d'autres : on dénonce un système jugé trop élitiste et socialement reproductif mais, plutôt que de le corriger, on met en place une réforme qui favorisera la normalisation et la servilité au détriment de l'indépendance et de l'innovation.

Les élites sont nécessaires à toute société, à condition qu'elles considèrent qu'elles n'ont pas seulement des droits mais aussi des devoirs. Nos gouvernants, ces élites autoproclamées, ont trop tendance à abuser de leurs droits. Persuadées de détenir la vérité, elles ne consultent la population que pour sauvegarder les apparences, mais se comportent en oligarques. Pour elles, l'important est de conserver le pouvoir à tout prix, quitte à se contredire en fonction de ses intérêts. Le fameux « en même temps » de Macron ne correspond pas à une conviction, mais à une tactique opportuniste. Au total, leur morgue n'a d'égale que leur incompétence.

La méritocratie, fondement de l'élitisme, est également instrumentalisée. On prétend la défendre, mais on ne fait rien pour la rendre réelle. Ainsi, toutes les réformes éducatives, loin de favoriser l'égalité des chances et le véritable mérite, aboutissent à la « médiocrisation » généralisée à laquelle n'échappe qu'une minorité, plus avertie ou plus pistonnée. Pour faire illusion, on n'a à la bouche que les termes d'égalité et de non-discrimination mais on pratique la discrimination positive, humiliante pour ses bénéficiaires, injuste pour ceux qui en sont écartés, et l'on continue de se reproduire entre gens de bonne compagnie.

Les diplômes ne confèrent aucune supériorité à l'égard des autres, mais plus de responsabilité. L'élitisme et la méritocratie ne sont pas des gros mots, si l'on rétablit parallèlement les vertus d'humilité et de solidarité. Tout le contraire du macronisme, royaume des tartuffes !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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